A transdisciplinary space open to the outside world and designed to stimulate original research, ESPHIN addresses themes developed in its two founding departments: that of Philosophy in the Faculty of Philosophy and Letters and that of Sciences-Philosophies-Society in the Faculty of Science.

In synergy with other entities, researchers also aim for the emergence of new themes in the major fields of philosophy, such as anthropology, ethics, aesthetics, epistemology, logic and metaphysics.

The ESPHIN Institute intends to promote and support philosophical research, both fundamental and applied.

Institut de recherche ESPHIN

Research centers

Arcadie - Anthropocene, History, Utopias

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cBUN - Center for Bioethics

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cUNDP - Centre Universitaire Notre-Dame de paix

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ESPHIN is also...

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Philosophical research aims both to study, in an interdisciplinary way, issues arising from the formal sciences (logic, mathematics), the humanities and nature, and to construct properly philosophical issues in a transdisciplinary space where the contributions of the various human sciences (political, sociological, clinical, etc.) are mobilized.

Debate

ESPHIN also defines itself as a place for debate, sparking encounters (seminars, colloquia, conferences,...) between practitioners and technicians of the above-mentioned sciences and philosophers in order to implement an effective inter- and transdisciplinarity, based on the conjunction of in-depth study of scientific content and high-level philosophical investigation.

Teaching

Parting from the principle that, within a University, teaching and research must be intimately linked, the Institute also makes it its mission to share the fruits of its research activities with Baccalaureate students (from the Faculty of Philosophy and Letters, the Faculty of Science and other Faculties wishing to join ESPHIN) or Master's students (from the Faculty of Science), and to open up some of their activities to them.

While the Institute aims to be in touch with "field" issues, it intends to strongly preserve the specificity of fundamental philosophical approaches integrating rigorous and demanding approaches to the history of philosophy.

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Spotlight

News

NHNAI project: when democracy meets artificial intelligence

Philosophy

Increasingly sophisticated technologies are invading our spheres of activity without our prior consultation as citizens. Shouldn't the new digital tools, artificial intelligence or technologies resulting from progress in neuroscience, which are transforming our identity and social relationships, be the subject of broad and sufficiently informed democratic debates? This question is at the heart of the international "research-action" project "A new humanism in the age of neuroscience and artificial intelligence" in which UNamur is participating.

Le projet NHNIA cherche de nouvelles manières de faire vivre le débat démocratique. Des tables rondes sont ainsi organisées lors des différentes phases du projet pour permettre aux acteurs sociaux et citoyens de tous horizons, qu’ils soient experts ou novices, d’exprimer leur positionnement, et surtout d’affiner leur argumentation lors de discussions thématiques.

Des débats citoyens

Trois soirées débats, auxquelles tout citoyen qui le souhaite est cordialement invité (inscription par mail ou via un formulaire en ligne, se tiendront très prochainement dans l’espace culturel Quai 22, de 18h00 à 20h30, à Namur, et porteront sur les thèmes suivants :

  • Le 10 mars 2023 : échange sur les impacts de ces nouvelles technologies sur la démocratie
  • Le 13 mars 2023 : échange sur les impacts de ces nouvelles technologies sur l’éducation
  • Le 16 mars 2023 : échange sur les impacts de ces nouvelles technologies sur la santé

Lors de ces tables rondes, plusieurs questions seront posées aux participants afin de lancer les débats. « Nous leur demanderons de se projeter dans la société qu’ils souhaitent voir advenir. Et à partir de là d’essayer d’exprimer de façon argumentée dans quelle mesure ces nouvelles technologies leur paraissent rencontrer ou non leurs besoins et intérêts, mais aussi ceux des générations présentes et à venir », explique Valérie Tilman, impliquée dans le projet NHNAI (Institut Esphin).

Le projet étant international, des débats du même type se tiendront en parallèle dans les pays partenaires, une dizaine au total, parmi lesquels la France, le Chili, l’Italie, les Etats-Unis, Taïwan, etc. Chaque équipe de recherche nationale a pour mission de susciter l’implication de citoyens de son pays dans des débats publics portant sur l’impact de ces nouvelles technologies sur la santé, l’éducation et la démocratie.

Lors d’une prochaine phase qui débutera en avril 2023, les citoyens qui auront participé à ces débats seront invités à les poursuivre sur une plateforme numérique : « Nous allons les inviter à débattre en ligne sur une plateforme appelée Cartodébat. Sur base des préoccupations, des espoirs, des nœuds de tensions qui auront émergé des tables rondes, nous les laisserons échanger par écrit leurs différents points de vue argumentés dans un souci non de recherche du consensus, mais de découverte de la complexité par le dialogue, et d’une meilleure compréhension mutuelle », complète Nathanaël Laurent, impliqué lui aussi dans ce projet.

Une analyse globale de tous les arguments récoltés sera ensuite réalisée, aussi bien à l’échelon national qu’au niveau international. Sur base de celle-ci, des recommandations pourraient être rédigées et soumises au monde politique.

Ce projet, entamé en 2022, devrait durer quatre à cinq ans. 

L'équipe de l'Institut NaDI

  • Yves Poullet 
  • Isabelle Linden  
  • Claire Lobet  

L'équipe de l'Institut ESPHIN

  • Nathanaël Laurent 
  • Valérie Tilman 
  • Bertrand Hespel 
  • Nicolas Monseu  
  • Noemi Bontridder  
  • Federico Giorgi

Spiritualities, sciences and societies in dialogue

Philosophy

Success for the interfaith and interdisciplinary colloquium organised by the University Chair Our Lady of Peace and the eponymous research centre, in collaboration with the Abbey of Maredsous.

CuNDP

Colloque interconfessionnel et interdisciplinaire organisé par la Chaire Universitaire Notre-Dame de la Paix

Ce vendredi 27 janvier 2023 se tenait le colloque interconfessionnel et interdisciplinaire organisé par la Chaire Universitaire Notre-Dame de la Paix. Des représentants des trois grandes religions monothéistes (christianisme, islam, judaïsme) et de nombreux scientifiques ont pris la parole dans le cadre du colloque "Les spiritualités au 21e siècle : quelques coups de projecteur" afin de partager avec plus de 170 participants leur point de vue sur les courants spirituels qui animent notre monde. 

Nicolas Monseu, président de l’institut Esphin, s’est réjoui « de la diversité des courants religieux représentés et de la présence de personnalités qui contribuent au dialogue interreligieux indispensable aujourd’hui ». L’UNamur accueillait en effet le Grand Rabbin de Belgique Albert Guigui et le Cheikh Khaled Bentounes, Guide spirituel de la Tariqa Alawiyya.

Des discussions riches, qui ont aussi permis d’aborder la manière dont les spiritualités répondent aux grandes questions de société aujourd’hui : la place des femmes, la culture du numérique, la culture techno-scientifique… Les intervenants et intervenantes d’horizons et d’origines diverses, philosophes, théologiens, informaticiens, anthropologues, ingénieurs, laïcs ou religieux, ont chacun contribué à donner un éclairage différent et complémentaire sur ces thématiques.

La Rectrice Annick Castiaux a souligné l’importance de ce colloque pour l’UNamur : « Nous avons la conviction que les sujets abordés aujourd’hui sont extrêmement importants, aussi pour le monde universitaire. Dans un monde où les réponses apportées aux défis de notre temps sont soit technocratiques, soit idéologiques, il manque souvent la question du sens. Or aucune solution purement technique et aucun discours exclusivement politique ou idéologique ne rassurent aujourd’hui les jeunes sur l’avenir de notre société. L’UNamur souhaite intégrer davantage la question du sens et de la spiritualité à ses enseignements ». C’est dans cette optique que l’UNamur a rejoint le réseau Universitate, intégrant une dimension de service et de réflexivité à plusieurs cours. Le réseau Universitate et la Chaire Notre-Dame de la Paix soulignent également le lien de l’UNamur avec la Compagnie de Jésus. Plusieurs experts jésuites ont également pris la parole le 27 janvier.

La 2e journée du colloque s'est tenue à l'abbaye de Maredsous le 20 mars 2023 dans le cadre du centenaire du décès de l'abbé de Maredsous Dom Columba Marmion, dont la spiritualité avait nourri la plupart des participants au Concile Vatican II.

Photo ci-dessus : les organisateurs et intervenants de la 1re session du colloque du 27 janvier. De g. à dr. : Ferdinand Poswick (abbaye de Maredsous et Musée Nam-IP), Laura Rizzerio (UNamur), Bernard Lorent (abbé de Maredsous), Khaled Bentounes (guide spirituel de la Tariqa Alawiyya), Annick Castiaux (Rectrice UNamur), Albert Guigui (Grand Rabbin de Belgique), Jacques Scheuer s.j. (UCLouvain), Françoise Mies (UNamur) et Dominique Lambert (UNamur). 

Arcadie, a new research centre in the ESPHIN institute

History

Arcadia is the name of an ideal society, a bucolic utopia. But it is also the name chosen by the members of a brand-new research centre at UNamur. This centre, created within the Faculty of Philosophy and Letters and attached to the ESPHIN institute, questions three themes at the heart of our contemporaneity: the Anthropocene, history and utopias.

Image d'un arbre moitié mort moitié vivant

Prolongeant les recherches menées dans le cadre du projet ARC « Philosophie critique de l’à-venir » (2015-2021), le nouveau centre, né en décembre 2021 à l’initiative de Sébastien Laoureux (professeur au Département de philosophie) et de Louis Carré (chercheur qualifié du FNRS), propose de traiter ces thématiques autour de la question : qu’est-ce que notre présent ? Comment caractériser l’époque que nous vivons ? Issu de la géologie, le terme d’Anthropocène s’est récemment imposé pour désigner l’époque au cours de laquelle les activités humaines et sociales se sont révélés avoir un impact majeur sur l’environnement. Il sert désormais de dénominateur commun pour penser les problèmes divers liés à la crise écologique globale que nous traversons. 

L’idée originale du centre est de mobiliser la philosophie sur ces questions urgentes et d’articuler des champs de recherches le plus souvent séparés. Au quotidien, on ne cesse de constater que les activités humaines perturbent le climat. Pourtant, par-delà les alertes lancées, il paraît de plus en plus compliqué d’agir. 

Le centre Arcadie propose une réflexion orientée vers l’action : que font les bouleversements climatiques et plus largement la crise écologique à notre expérience de la temporalité et à notre sens de l’histoire ? Comment pouvons-nous agir concrètement dans une telle situation ? Comment s’opposer à la démobilisation produite par l’horizon d’une catastrophe à la fois à venir et déjà largement en cours ? La référence aux utopies s’explique ainsi par un souci d’identifier des perspectives d’avenir et des alternatives au sein même d’un présent qui paraît saturé. L’utopie remplace l’impossible par le possible et permet d’inquiéter les logiques dominantes de notre temps.

Recherche

« Ce que l’Anthropocène fait au temps. Recherche philosophique sur les historicités et récits de la crise environnementale »

Sébastien Laoureux (promoteur) et Louis Carré se sont vu attribuer un projet de recherche PDR (FNRS) afin d’explorer ces questions. Le projet vise à interroger la crise écologique à partir de la nouvelle expérience du temps qu’elle produit et des transformations qu’elle provoque dans notre conception philosophique de l’histoire. L’Anthropocène vient en effet bouleverser la philosophie de l’histoire qui fondait la modernité : celle d’un temps orienté vers l’avenir et structuré par un progrès nécessaire de l’humanité. Contre cette vision linéaire du temps historique, la possibilité d’un « monde sans nous » ouverte par l’Anthropocène introduit une rupture dans la course au progrès dont il s’agit de tirer toutes les conséquences sur les plans théorique et pratique.

Les deux chercheurs ont été rejoints par trois doctorants : Laëtitia Riss, Vivien Giet et Salomé Frémineur et trois post-doctorants : Frédéric Monferrand, Jean-Baptiste Vuillerod et Amaury Delvaux.

Enseignement

Master interuniversitaire de spécialisation en philosophie et théorie politiques

Ce master, coorganisé par l’UNamur, l’ULB et l’ULiège, en est à sa troisième année d'existence. Il a participé à la dynamique qui débouche aujourd'hui sur la création du centre. Dans le cadre de ce Master, Louis Carré et Sébastien Laoureux organisent notamment un séminaire de philosophe sociale et politique consacré aux liens entre philosophie politique et écologie. Le thème du séminaire porte cette année sur les « limites de l’écologie ». 

Common good must be saved!

Philosophy

Since the pandemic, this cry of alarm from the Nobel Prize in Economics, Jean Tirole, seems more relevant than ever. On 19 and 20 May 2022, the second Summit of the Common Good, organised in Toulouse, mobilised hundreds of thousands of internet users. On 24 May 2022, in Brussels, the Night of the Common Good raised over half a million euros in donations. And next year, the Our Lady of Peace Chair at UNamur will be dedicated to the common good. But what is this 'common good' that belongs to everyone and to no one? Four researchers from UNamur share their thoughts with us to stimulate our own.

Photo d'une plante qui pousse sur un tronc d'arbre coupé

Cet article a été réalisé pour la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #25 de juin 2022.

Pour la philosophe Laura Rizzerio, principale artisane du futur séminaire sur le bien commun de l’UNamur, « Il faut renouer avec la notion ancienne de bien commun. "Commun" vient du latin "cum munus", "munus" désignant un don, une forme de rémunération pour une tâche accomplie dans la sphère publique. Donc, dès l’Antiquité, la référence au bien commun est liée à la conscience de l’appartenance à une communauté. À Rome, mais aussi en Grèce, où le terme pour "commun" est "koinon", dont Aristote dit qu’il ne signifie pas seulement mettre des biens ensemble ou vivre ensemble, mais participer ensemble à la gestion de la chose commune. »

Bonheur personnel

L’idée a été reprise au Moyen Âge, le « commun » étant alors la création tout entière, confiée par Dieu à l’humanité. « Gérer la création comme un bien commun, c’était reconnaître cet appel de Dieu », précise Laura Rizzerio. « Au Moyen Âge comme dans l’Antiquité, la référence au bien commun va de pair avec cette gestion commune, mais aussi – et cela mérite d’être souligné – avec le bonheur personnel : l’humain ne peut s’accomplir pleinement sans investir cette dimension communautaire. »

Du bien commun à l’intérêt général

Mais, avec l’individualisme, « apparu à l’époque moderne et philosophiquement avec Descartes », le bien commun a cédé la place à l’intérêt général, c’est-à-dire à la somme des intérêts particuliers, géré par l’État, et désormais conditionné par la situation du marché.

Résultat : nous sommes aujourd’hui dans une crise majeure parce que notre modèle de société nous a amenés à dévaster la nature

Laura Rizzerio Professeure de Philosophie

« Résultat : nous sommes aujourd’hui dans une crise majeure », insiste Laura Rizzerio, « parce que notre modèle de société nous a amenés à dévaster la nature, créant un déséquilibre responsable non seulement de sécheresses et d’inondations, mais aussi de pandémies comme celle dont nous sortons, avec leurs enchaînements catastrophiques de crises économiques, appropriation des ressources naturelles, guerres, appauvrissement, migrations… »

Transformation

Un changement sociétal, et même paradigmatique, s’impose donc. « Tous les dysfonctionnements de nos sociétés découlent des mêmes logiques - toujours plus de croissance, il est impératif de tout ‘maîtriser’, l’exploitation de certains peuples par d’autres se justifie, etc. - qui sont en fait de l’ordre des paradigmes », constate Claire-Anaïs Boulanger, chercheuse doctorante en sciences de gestion. « Des paradigmes dont nous avons souvent l’impression qu’ils sont abstraits ou qu’ils se jouent à des niveaux supérieurs, de sorte que nous les croyons inattaquables. Mais c’est aussi parce qu’ils sont ancrés dans nos schémas mentaux que nous ne parvenons pas à en sortir. Ainsi, pour beaucoup d’entre nous, réussir dans la vie rime encore avec "toujours plus". Une maison toujours plus spacieuse, une voiture toujours plus puissante, un poste avec toujours plus de responsabilités, etc. Il est là aussi le paradigme de la croissance. Si je veux transformer mon cerveau pour qu’il ne fonctionne plus selon une logique capitaliste, je dois modifier ma structure de pensée. Alors seulement, il sera possible de refaire système, avec d’autres, selon une logique différente. »

De la surexploitation…

Et la réflexion sur le bien commun, et plus largement sur les communs, pourrait bien être le premier pas dans cette direction. Comme le précise Claire-Anaïs Boulanger : « Un commun, c’est une ressource qui bénéficie à une communauté et est gérée selon des règles établies par elle. Par exemple, on dira d’une pêcherie qu’elle est un commun si elle est gérée collectivement par ses usagers, garantissant à la fois la pérennité de la ressource (le poisson) et son accès à tous. » Toutefois, comme le rappelle Nicolas Dendoncker, directeur du Département de géographie de l’UNamur et coordinateur d’un Master en ruralité, il fut un temps où cette propriété collective informelle des ressources passait pour mener tout droit à la catastrophe. Dans un article de 1968 intitulé La tragédie des communs, le biologiste américain Garret Hardin s’appuyait sur l’exemple des pâturages (chaque éleveur servant son intérêt personnel en ajoutant autant de bêtes que possible à son troupeau, sans se soucier des autres éleveurs) pour affirmer que, lorsque plusieurs utilisateurs ont accès à une même ressource, le résultat inévitable est la surexploitation, l’épuisement et finalement la destruction de cette ressource.

… à la gestion en commun

« Pour Hardin, le moyen privilégié pour échapper à cette ‘tragédie’ était la privatisation généralisée : la division des pâturages en parcelles privées », commente Nicolas Dendoncker, « et le monde libéral dans lequel nous vivons continue sur cette lancée, en pratiquant la privatisation à outrance des ressources. Alors que, comme l’a démontré dans les années 1990 la future Prix Nobel d’économie Elinor Ostrom, la gestion des communs en commun, selon des règles de partage et de réciprocité, contribue à leur durabilité. » Qu’il s’agisse de communs ‘matériels’, comme les pâturages ou les pêcheries, ou de communs ‘immatériels’, comme le climat. « Quasiment tout le monde s’accorde pour dire qu’avec nos pratiques actuelles, nous allons droit dans le mur », insiste Nicolas Dendoncker, « mais, parce qu’il existe des résistances très fortes, de la part de lobbies puissants qui entretiennent, à tous les niveaux, des liens avec le monde politique, ça ne change pas… ».

Quasiment tout le monde s’accorde pour dire qu’avec nos pratiques actuelles, nous allons droit dans le mur !

Nicolas Dedoncker Professeur au Département de Géographie

Faire système autrement

Ou en tout cas pas assez vite. D’où la création de petites communautés, souvent rurales, qui décident de ‘faire système autrement’. « L’ennui, c’est que ce sont souvent des communautés ‘d’entre-soi’, où tout le monde a des aspirations similaires », souligne Claire-Anaïs Boulanger, « or, à l’échelle de la société, le bien commun, c’est aussi avec des gens qu’on déteste : il ne peut pas exister sans la diversité des points de vue. Par ailleurs, un autre enjeu de ces communautés est de ne pas se laisser phagocyter par le monde extérieur, sans pour autant rompre les liens avec lui. Si nous nous mettons à quelques-uns pour créer un petit système autonome coupé de l’extérieur, nous n’avons aucune chance de contribuer à la transformation du grand système auquel nous nous fermons. »

L’idéal agroécologique

Pour Nicolas Dendoncker, réussir la transition vers le bien commun nécessite peut-être de dépasser la notion de ressources. « Dans nos sociétés occidentales, il y a encore une perception dominante de la nature, ou plutôt du vivant non humain, comme atout économique. Au détriment d’autres valeurs importantes, comme le respect de la nature telle qu’elle est et de nos relations avec elle. » D’où l’intérêt de l’agroécologie, qui n’est pas guidée par des considérations économiques, mais part d’un principe de compréhension du vivant. « Il ne s’agit plus d’exploiter le vivant », explique Nicolas Dendoncker, « mais d’en faire notre allié. L’agroécologie repose sur des sols vivants, sur un réseau écologique étendu, qui doit servir d’habitat aux auxiliaires de culture, sur une meilleure utilisation de la matière organique, etc. Bref, sur un rapport au vivant très différent de celui que nous entretenons actuellement. »

Ça marche !

Même si ces pratiques agroécologiques, en phase avec une gestion des communs qui consiste, selon la définition de Claire-Anaïs Boulanger, à « créer de la valeur pour tout le vivant », sont encore freinées par les problèmes financiers et le manque de connaissances, de belles réussites se profilent, entre autres dans le cadre de la reterritorialisation agro-alimentaire. « J’encadre une doctorante, elle-même agricultrice, qui a développé un réseau de fermes en transition appelé Farm for Good, et recréé des filières locales, notamment pour la première moutarde belge bio, avec l’entreprise Bister », explique Nicolas Dendoncker, « et une autre qui vient de remporter un prix de thèse, le RA Award pour les générations futures, pour avoir montré que l’agroécologie fournit plus de services à la société que les pratiques conventionnelles. »

15%

Et, comme les discours sur la transition annoncent un seuil de basculement dès que de fortes minorités (15% de la population suffisent) commencent à penser et agir autrement, il y a de quoi pratiquer, sinon l’optimisme, du moins la positivité. « Mais attention ! », remarque Laura Rizzerio, « ne tombons pas dans le piège du ‘il faut que tout le monde s’y mette, comme ça ça va changer’. Ce qui va nous orienter vers la recherche du bien commun, c’est la prise de conscience individuelle de l’importance du changement, qui est le contraire du volontarisme : je fais ce que je peux, sans tomber dans le radicalisme, je prends encore l’avion et, en cas d’urgence, je commande sur Amazon, mais en sachant qu’à terme, ce sont des attitudes que je devrai modifier. Selon moi, ce sont ces questionnements sur les attitudes qui vont faire avancer les choses, pas les ‘il faut’, ni la culpabilisation ! ».

Le bien commun, c’est fun !

Sans doute certains hésitent-ils encore à s’interroger sur leur mode de vie, parce qu’ils savent que tout changement implique des renoncements souvent douloureux. « Mais il va devenir de plus en plus difficile de continuer à profiter du système actuel en étant constamment rappelés au fait qu’il va se casser la figure et nous avec », résume Claire-Anaïs Boulanger. « Mon espoir est qu’à un moment donné l’alternative - l’appel du bien commun - va devenir plus fun et réjouissante que le surplace. La transition n’est pas seulement un chemin de deuil : c’est aussi un chemin d’exploration, de découverte, de rencontre de l’autre, jalonné d’échanges passionnants et d’enjeux irrésistibles. »

Un commun pas comme les autres : l’hôpital

En lisant un article où la forêt est décrite comme un commun, la Docteure Geneviève Guillaume, chirurgienne et chercheuse en bioéthique, s’interroge : « Cette façon d’envisager la gestion de la forêt en commun serait-elle transposable à un autre écosystème : l’hôpital ? ».

Un cycle sur le bien commun

Durant l’année académique 2022-2023, le Centre Universitaire Notre-Dame de la Paix (cUNdp) de l’UNamur consacrera sa Chaire au bien commun et à ses rapports avec les communs. Il s’agira d’un cycle de leçons, données par des spécialistes de différentes disciplines. « Suggérer des idées pour un nouveau modèle sociétal, c’est le but de la recherche universitaire », précise Laura Rizzerio. « Nous sommes dans un cadre de révolution de paradigme, comme dirait le philosophe et scientifique Thomas Kuhn : nous sommes allés tellement loin dans l’ajustement du paradigme qu’il va finir par s’effondrer. Le problème est donc d’en construire un autre. Et la réflexion sur les communs est la première pierre de cette construction. » Le programme de la Chaire est disponible sur le site du cUNdp.

Cet article est tiré du magazine Omalius #25 de juin 2022.

NHNAI project: when democracy meets artificial intelligence

Philosophy

Increasingly sophisticated technologies are invading our spheres of activity without our prior consultation as citizens. Shouldn't the new digital tools, artificial intelligence or technologies resulting from progress in neuroscience, which are transforming our identity and social relationships, be the subject of broad and sufficiently informed democratic debates? This question is at the heart of the international "research-action" project "A new humanism in the age of neuroscience and artificial intelligence" in which UNamur is participating.

Le projet NHNIA cherche de nouvelles manières de faire vivre le débat démocratique. Des tables rondes sont ainsi organisées lors des différentes phases du projet pour permettre aux acteurs sociaux et citoyens de tous horizons, qu’ils soient experts ou novices, d’exprimer leur positionnement, et surtout d’affiner leur argumentation lors de discussions thématiques.

Des débats citoyens

Trois soirées débats, auxquelles tout citoyen qui le souhaite est cordialement invité (inscription par mail ou via un formulaire en ligne, se tiendront très prochainement dans l’espace culturel Quai 22, de 18h00 à 20h30, à Namur, et porteront sur les thèmes suivants :

  • Le 10 mars 2023 : échange sur les impacts de ces nouvelles technologies sur la démocratie
  • Le 13 mars 2023 : échange sur les impacts de ces nouvelles technologies sur l’éducation
  • Le 16 mars 2023 : échange sur les impacts de ces nouvelles technologies sur la santé

Lors de ces tables rondes, plusieurs questions seront posées aux participants afin de lancer les débats. « Nous leur demanderons de se projeter dans la société qu’ils souhaitent voir advenir. Et à partir de là d’essayer d’exprimer de façon argumentée dans quelle mesure ces nouvelles technologies leur paraissent rencontrer ou non leurs besoins et intérêts, mais aussi ceux des générations présentes et à venir », explique Valérie Tilman, impliquée dans le projet NHNAI (Institut Esphin).

Le projet étant international, des débats du même type se tiendront en parallèle dans les pays partenaires, une dizaine au total, parmi lesquels la France, le Chili, l’Italie, les Etats-Unis, Taïwan, etc. Chaque équipe de recherche nationale a pour mission de susciter l’implication de citoyens de son pays dans des débats publics portant sur l’impact de ces nouvelles technologies sur la santé, l’éducation et la démocratie.

Lors d’une prochaine phase qui débutera en avril 2023, les citoyens qui auront participé à ces débats seront invités à les poursuivre sur une plateforme numérique : « Nous allons les inviter à débattre en ligne sur une plateforme appelée Cartodébat. Sur base des préoccupations, des espoirs, des nœuds de tensions qui auront émergé des tables rondes, nous les laisserons échanger par écrit leurs différents points de vue argumentés dans un souci non de recherche du consensus, mais de découverte de la complexité par le dialogue, et d’une meilleure compréhension mutuelle », complète Nathanaël Laurent, impliqué lui aussi dans ce projet.

Une analyse globale de tous les arguments récoltés sera ensuite réalisée, aussi bien à l’échelon national qu’au niveau international. Sur base de celle-ci, des recommandations pourraient être rédigées et soumises au monde politique.

Ce projet, entamé en 2022, devrait durer quatre à cinq ans. 

L'équipe de l'Institut NaDI

  • Yves Poullet 
  • Isabelle Linden  
  • Claire Lobet  

L'équipe de l'Institut ESPHIN

  • Nathanaël Laurent 
  • Valérie Tilman 
  • Bertrand Hespel 
  • Nicolas Monseu  
  • Noemi Bontridder  
  • Federico Giorgi

Spiritualities, sciences and societies in dialogue

Philosophy

Success for the interfaith and interdisciplinary colloquium organised by the University Chair Our Lady of Peace and the eponymous research centre, in collaboration with the Abbey of Maredsous.

CuNDP

Colloque interconfessionnel et interdisciplinaire organisé par la Chaire Universitaire Notre-Dame de la Paix

Ce vendredi 27 janvier 2023 se tenait le colloque interconfessionnel et interdisciplinaire organisé par la Chaire Universitaire Notre-Dame de la Paix. Des représentants des trois grandes religions monothéistes (christianisme, islam, judaïsme) et de nombreux scientifiques ont pris la parole dans le cadre du colloque "Les spiritualités au 21e siècle : quelques coups de projecteur" afin de partager avec plus de 170 participants leur point de vue sur les courants spirituels qui animent notre monde. 

Nicolas Monseu, président de l’institut Esphin, s’est réjoui « de la diversité des courants religieux représentés et de la présence de personnalités qui contribuent au dialogue interreligieux indispensable aujourd’hui ». L’UNamur accueillait en effet le Grand Rabbin de Belgique Albert Guigui et le Cheikh Khaled Bentounes, Guide spirituel de la Tariqa Alawiyya.

Des discussions riches, qui ont aussi permis d’aborder la manière dont les spiritualités répondent aux grandes questions de société aujourd’hui : la place des femmes, la culture du numérique, la culture techno-scientifique… Les intervenants et intervenantes d’horizons et d’origines diverses, philosophes, théologiens, informaticiens, anthropologues, ingénieurs, laïcs ou religieux, ont chacun contribué à donner un éclairage différent et complémentaire sur ces thématiques.

La Rectrice Annick Castiaux a souligné l’importance de ce colloque pour l’UNamur : « Nous avons la conviction que les sujets abordés aujourd’hui sont extrêmement importants, aussi pour le monde universitaire. Dans un monde où les réponses apportées aux défis de notre temps sont soit technocratiques, soit idéologiques, il manque souvent la question du sens. Or aucune solution purement technique et aucun discours exclusivement politique ou idéologique ne rassurent aujourd’hui les jeunes sur l’avenir de notre société. L’UNamur souhaite intégrer davantage la question du sens et de la spiritualité à ses enseignements ». C’est dans cette optique que l’UNamur a rejoint le réseau Universitate, intégrant une dimension de service et de réflexivité à plusieurs cours. Le réseau Universitate et la Chaire Notre-Dame de la Paix soulignent également le lien de l’UNamur avec la Compagnie de Jésus. Plusieurs experts jésuites ont également pris la parole le 27 janvier.

La 2e journée du colloque s'est tenue à l'abbaye de Maredsous le 20 mars 2023 dans le cadre du centenaire du décès de l'abbé de Maredsous Dom Columba Marmion, dont la spiritualité avait nourri la plupart des participants au Concile Vatican II.

Photo ci-dessus : les organisateurs et intervenants de la 1re session du colloque du 27 janvier. De g. à dr. : Ferdinand Poswick (abbaye de Maredsous et Musée Nam-IP), Laura Rizzerio (UNamur), Bernard Lorent (abbé de Maredsous), Khaled Bentounes (guide spirituel de la Tariqa Alawiyya), Annick Castiaux (Rectrice UNamur), Albert Guigui (Grand Rabbin de Belgique), Jacques Scheuer s.j. (UCLouvain), Françoise Mies (UNamur) et Dominique Lambert (UNamur). 

Arcadie, a new research centre in the ESPHIN institute

History

Arcadia is the name of an ideal society, a bucolic utopia. But it is also the name chosen by the members of a brand-new research centre at UNamur. This centre, created within the Faculty of Philosophy and Letters and attached to the ESPHIN institute, questions three themes at the heart of our contemporaneity: the Anthropocene, history and utopias.

Image d'un arbre moitié mort moitié vivant

Prolongeant les recherches menées dans le cadre du projet ARC « Philosophie critique de l’à-venir » (2015-2021), le nouveau centre, né en décembre 2021 à l’initiative de Sébastien Laoureux (professeur au Département de philosophie) et de Louis Carré (chercheur qualifié du FNRS), propose de traiter ces thématiques autour de la question : qu’est-ce que notre présent ? Comment caractériser l’époque que nous vivons ? Issu de la géologie, le terme d’Anthropocène s’est récemment imposé pour désigner l’époque au cours de laquelle les activités humaines et sociales se sont révélés avoir un impact majeur sur l’environnement. Il sert désormais de dénominateur commun pour penser les problèmes divers liés à la crise écologique globale que nous traversons. 

L’idée originale du centre est de mobiliser la philosophie sur ces questions urgentes et d’articuler des champs de recherches le plus souvent séparés. Au quotidien, on ne cesse de constater que les activités humaines perturbent le climat. Pourtant, par-delà les alertes lancées, il paraît de plus en plus compliqué d’agir. 

Le centre Arcadie propose une réflexion orientée vers l’action : que font les bouleversements climatiques et plus largement la crise écologique à notre expérience de la temporalité et à notre sens de l’histoire ? Comment pouvons-nous agir concrètement dans une telle situation ? Comment s’opposer à la démobilisation produite par l’horizon d’une catastrophe à la fois à venir et déjà largement en cours ? La référence aux utopies s’explique ainsi par un souci d’identifier des perspectives d’avenir et des alternatives au sein même d’un présent qui paraît saturé. L’utopie remplace l’impossible par le possible et permet d’inquiéter les logiques dominantes de notre temps.

Recherche

« Ce que l’Anthropocène fait au temps. Recherche philosophique sur les historicités et récits de la crise environnementale »

Sébastien Laoureux (promoteur) et Louis Carré se sont vu attribuer un projet de recherche PDR (FNRS) afin d’explorer ces questions. Le projet vise à interroger la crise écologique à partir de la nouvelle expérience du temps qu’elle produit et des transformations qu’elle provoque dans notre conception philosophique de l’histoire. L’Anthropocène vient en effet bouleverser la philosophie de l’histoire qui fondait la modernité : celle d’un temps orienté vers l’avenir et structuré par un progrès nécessaire de l’humanité. Contre cette vision linéaire du temps historique, la possibilité d’un « monde sans nous » ouverte par l’Anthropocène introduit une rupture dans la course au progrès dont il s’agit de tirer toutes les conséquences sur les plans théorique et pratique.

Les deux chercheurs ont été rejoints par trois doctorants : Laëtitia Riss, Vivien Giet et Salomé Frémineur et trois post-doctorants : Frédéric Monferrand, Jean-Baptiste Vuillerod et Amaury Delvaux.

Enseignement

Master interuniversitaire de spécialisation en philosophie et théorie politiques

Ce master, coorganisé par l’UNamur, l’ULB et l’ULiège, en est à sa troisième année d'existence. Il a participé à la dynamique qui débouche aujourd'hui sur la création du centre. Dans le cadre de ce Master, Louis Carré et Sébastien Laoureux organisent notamment un séminaire de philosophe sociale et politique consacré aux liens entre philosophie politique et écologie. Le thème du séminaire porte cette année sur les « limites de l’écologie ». 

Common good must be saved!

Philosophy

Since the pandemic, this cry of alarm from the Nobel Prize in Economics, Jean Tirole, seems more relevant than ever. On 19 and 20 May 2022, the second Summit of the Common Good, organised in Toulouse, mobilised hundreds of thousands of internet users. On 24 May 2022, in Brussels, the Night of the Common Good raised over half a million euros in donations. And next year, the Our Lady of Peace Chair at UNamur will be dedicated to the common good. But what is this 'common good' that belongs to everyone and to no one? Four researchers from UNamur share their thoughts with us to stimulate our own.

Photo d'une plante qui pousse sur un tronc d'arbre coupé

Cet article a été réalisé pour la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #25 de juin 2022.

Pour la philosophe Laura Rizzerio, principale artisane du futur séminaire sur le bien commun de l’UNamur, « Il faut renouer avec la notion ancienne de bien commun. "Commun" vient du latin "cum munus", "munus" désignant un don, une forme de rémunération pour une tâche accomplie dans la sphère publique. Donc, dès l’Antiquité, la référence au bien commun est liée à la conscience de l’appartenance à une communauté. À Rome, mais aussi en Grèce, où le terme pour "commun" est "koinon", dont Aristote dit qu’il ne signifie pas seulement mettre des biens ensemble ou vivre ensemble, mais participer ensemble à la gestion de la chose commune. »

Bonheur personnel

L’idée a été reprise au Moyen Âge, le « commun » étant alors la création tout entière, confiée par Dieu à l’humanité. « Gérer la création comme un bien commun, c’était reconnaître cet appel de Dieu », précise Laura Rizzerio. « Au Moyen Âge comme dans l’Antiquité, la référence au bien commun va de pair avec cette gestion commune, mais aussi – et cela mérite d’être souligné – avec le bonheur personnel : l’humain ne peut s’accomplir pleinement sans investir cette dimension communautaire. »

Du bien commun à l’intérêt général

Mais, avec l’individualisme, « apparu à l’époque moderne et philosophiquement avec Descartes », le bien commun a cédé la place à l’intérêt général, c’est-à-dire à la somme des intérêts particuliers, géré par l’État, et désormais conditionné par la situation du marché.

Résultat : nous sommes aujourd’hui dans une crise majeure parce que notre modèle de société nous a amenés à dévaster la nature

Laura Rizzerio Professeure de Philosophie

« Résultat : nous sommes aujourd’hui dans une crise majeure », insiste Laura Rizzerio, « parce que notre modèle de société nous a amenés à dévaster la nature, créant un déséquilibre responsable non seulement de sécheresses et d’inondations, mais aussi de pandémies comme celle dont nous sortons, avec leurs enchaînements catastrophiques de crises économiques, appropriation des ressources naturelles, guerres, appauvrissement, migrations… »

Transformation

Un changement sociétal, et même paradigmatique, s’impose donc. « Tous les dysfonctionnements de nos sociétés découlent des mêmes logiques - toujours plus de croissance, il est impératif de tout ‘maîtriser’, l’exploitation de certains peuples par d’autres se justifie, etc. - qui sont en fait de l’ordre des paradigmes », constate Claire-Anaïs Boulanger, chercheuse doctorante en sciences de gestion. « Des paradigmes dont nous avons souvent l’impression qu’ils sont abstraits ou qu’ils se jouent à des niveaux supérieurs, de sorte que nous les croyons inattaquables. Mais c’est aussi parce qu’ils sont ancrés dans nos schémas mentaux que nous ne parvenons pas à en sortir. Ainsi, pour beaucoup d’entre nous, réussir dans la vie rime encore avec "toujours plus". Une maison toujours plus spacieuse, une voiture toujours plus puissante, un poste avec toujours plus de responsabilités, etc. Il est là aussi le paradigme de la croissance. Si je veux transformer mon cerveau pour qu’il ne fonctionne plus selon une logique capitaliste, je dois modifier ma structure de pensée. Alors seulement, il sera possible de refaire système, avec d’autres, selon une logique différente. »

De la surexploitation…

Et la réflexion sur le bien commun, et plus largement sur les communs, pourrait bien être le premier pas dans cette direction. Comme le précise Claire-Anaïs Boulanger : « Un commun, c’est une ressource qui bénéficie à une communauté et est gérée selon des règles établies par elle. Par exemple, on dira d’une pêcherie qu’elle est un commun si elle est gérée collectivement par ses usagers, garantissant à la fois la pérennité de la ressource (le poisson) et son accès à tous. » Toutefois, comme le rappelle Nicolas Dendoncker, directeur du Département de géographie de l’UNamur et coordinateur d’un Master en ruralité, il fut un temps où cette propriété collective informelle des ressources passait pour mener tout droit à la catastrophe. Dans un article de 1968 intitulé La tragédie des communs, le biologiste américain Garret Hardin s’appuyait sur l’exemple des pâturages (chaque éleveur servant son intérêt personnel en ajoutant autant de bêtes que possible à son troupeau, sans se soucier des autres éleveurs) pour affirmer que, lorsque plusieurs utilisateurs ont accès à une même ressource, le résultat inévitable est la surexploitation, l’épuisement et finalement la destruction de cette ressource.

… à la gestion en commun

« Pour Hardin, le moyen privilégié pour échapper à cette ‘tragédie’ était la privatisation généralisée : la division des pâturages en parcelles privées », commente Nicolas Dendoncker, « et le monde libéral dans lequel nous vivons continue sur cette lancée, en pratiquant la privatisation à outrance des ressources. Alors que, comme l’a démontré dans les années 1990 la future Prix Nobel d’économie Elinor Ostrom, la gestion des communs en commun, selon des règles de partage et de réciprocité, contribue à leur durabilité. » Qu’il s’agisse de communs ‘matériels’, comme les pâturages ou les pêcheries, ou de communs ‘immatériels’, comme le climat. « Quasiment tout le monde s’accorde pour dire qu’avec nos pratiques actuelles, nous allons droit dans le mur », insiste Nicolas Dendoncker, « mais, parce qu’il existe des résistances très fortes, de la part de lobbies puissants qui entretiennent, à tous les niveaux, des liens avec le monde politique, ça ne change pas… ».

Quasiment tout le monde s’accorde pour dire qu’avec nos pratiques actuelles, nous allons droit dans le mur !

Nicolas Dedoncker Professeur au Département de Géographie

Faire système autrement

Ou en tout cas pas assez vite. D’où la création de petites communautés, souvent rurales, qui décident de ‘faire système autrement’. « L’ennui, c’est que ce sont souvent des communautés ‘d’entre-soi’, où tout le monde a des aspirations similaires », souligne Claire-Anaïs Boulanger, « or, à l’échelle de la société, le bien commun, c’est aussi avec des gens qu’on déteste : il ne peut pas exister sans la diversité des points de vue. Par ailleurs, un autre enjeu de ces communautés est de ne pas se laisser phagocyter par le monde extérieur, sans pour autant rompre les liens avec lui. Si nous nous mettons à quelques-uns pour créer un petit système autonome coupé de l’extérieur, nous n’avons aucune chance de contribuer à la transformation du grand système auquel nous nous fermons. »

L’idéal agroécologique

Pour Nicolas Dendoncker, réussir la transition vers le bien commun nécessite peut-être de dépasser la notion de ressources. « Dans nos sociétés occidentales, il y a encore une perception dominante de la nature, ou plutôt du vivant non humain, comme atout économique. Au détriment d’autres valeurs importantes, comme le respect de la nature telle qu’elle est et de nos relations avec elle. » D’où l’intérêt de l’agroécologie, qui n’est pas guidée par des considérations économiques, mais part d’un principe de compréhension du vivant. « Il ne s’agit plus d’exploiter le vivant », explique Nicolas Dendoncker, « mais d’en faire notre allié. L’agroécologie repose sur des sols vivants, sur un réseau écologique étendu, qui doit servir d’habitat aux auxiliaires de culture, sur une meilleure utilisation de la matière organique, etc. Bref, sur un rapport au vivant très différent de celui que nous entretenons actuellement. »

Ça marche !

Même si ces pratiques agroécologiques, en phase avec une gestion des communs qui consiste, selon la définition de Claire-Anaïs Boulanger, à « créer de la valeur pour tout le vivant », sont encore freinées par les problèmes financiers et le manque de connaissances, de belles réussites se profilent, entre autres dans le cadre de la reterritorialisation agro-alimentaire. « J’encadre une doctorante, elle-même agricultrice, qui a développé un réseau de fermes en transition appelé Farm for Good, et recréé des filières locales, notamment pour la première moutarde belge bio, avec l’entreprise Bister », explique Nicolas Dendoncker, « et une autre qui vient de remporter un prix de thèse, le RA Award pour les générations futures, pour avoir montré que l’agroécologie fournit plus de services à la société que les pratiques conventionnelles. »

15%

Et, comme les discours sur la transition annoncent un seuil de basculement dès que de fortes minorités (15% de la population suffisent) commencent à penser et agir autrement, il y a de quoi pratiquer, sinon l’optimisme, du moins la positivité. « Mais attention ! », remarque Laura Rizzerio, « ne tombons pas dans le piège du ‘il faut que tout le monde s’y mette, comme ça ça va changer’. Ce qui va nous orienter vers la recherche du bien commun, c’est la prise de conscience individuelle de l’importance du changement, qui est le contraire du volontarisme : je fais ce que je peux, sans tomber dans le radicalisme, je prends encore l’avion et, en cas d’urgence, je commande sur Amazon, mais en sachant qu’à terme, ce sont des attitudes que je devrai modifier. Selon moi, ce sont ces questionnements sur les attitudes qui vont faire avancer les choses, pas les ‘il faut’, ni la culpabilisation ! ».

Le bien commun, c’est fun !

Sans doute certains hésitent-ils encore à s’interroger sur leur mode de vie, parce qu’ils savent que tout changement implique des renoncements souvent douloureux. « Mais il va devenir de plus en plus difficile de continuer à profiter du système actuel en étant constamment rappelés au fait qu’il va se casser la figure et nous avec », résume Claire-Anaïs Boulanger. « Mon espoir est qu’à un moment donné l’alternative - l’appel du bien commun - va devenir plus fun et réjouissante que le surplace. La transition n’est pas seulement un chemin de deuil : c’est aussi un chemin d’exploration, de découverte, de rencontre de l’autre, jalonné d’échanges passionnants et d’enjeux irrésistibles. »

Un commun pas comme les autres : l’hôpital

En lisant un article où la forêt est décrite comme un commun, la Docteure Geneviève Guillaume, chirurgienne et chercheuse en bioéthique, s’interroge : « Cette façon d’envisager la gestion de la forêt en commun serait-elle transposable à un autre écosystème : l’hôpital ? ».

Un cycle sur le bien commun

Durant l’année académique 2022-2023, le Centre Universitaire Notre-Dame de la Paix (cUNdp) de l’UNamur consacrera sa Chaire au bien commun et à ses rapports avec les communs. Il s’agira d’un cycle de leçons, données par des spécialistes de différentes disciplines. « Suggérer des idées pour un nouveau modèle sociétal, c’est le but de la recherche universitaire », précise Laura Rizzerio. « Nous sommes dans un cadre de révolution de paradigme, comme dirait le philosophe et scientifique Thomas Kuhn : nous sommes allés tellement loin dans l’ajustement du paradigme qu’il va finir par s’effondrer. Le problème est donc d’en construire un autre. Et la réflexion sur les communs est la première pierre de cette construction. » Le programme de la Chaire est disponible sur le site du cUNdp.

Cet article est tiré du magazine Omalius #25 de juin 2022.
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Agenda

28

Ecology of living organisms" seminars - Aux racines de l'Humain

Colloquium

Ecology of living organisms" seminars - Aux racines de l'Humain

Philosophie
28
14:00 - 16:00
Université de Namur - 5000 Namur

Seminar organized by ESPHIN (Espace Philosophique de Namur).

It's obvious to anyone paying attention to the paths taken by a growing number of 21st century thinkers: these paths lead to the living! Whether it's called "ecophilosophy", "ecoanthropology", "ecosophy", or "ecopolitics", this thinking about the living is occupying a growing place not only in the media and publications of all kinds, but also in concrete actions in a variety of fields.

Program 2024-2025 | At the Roots of the Human

To introduce the subject

If we were to take stock of the history of mankind, one trend would certainly stand out: that of a utilitarian relationship with the non-human that continues to grow, and consequently that of a widening gap between the human and the rest.

Humanity, however, has its roots in a living environment that cultivates many other relationships than those we currently privilege, which are dominated by instrumental rationality. Sounding out these forgotten relational universes without which it is increasingly difficult to think about the human is one of the aims of this seminar, which this year will invite you to encounter the plant.

Next date

  • OnApril 11, 2025from 2:00 to 4:00 pm (talk, discussions and convivial moment), Roland CAZALIS will share with us his biologist's point of view on the plant world.
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Ecology of living organisms" seminars - Aux racines de l'Humain

Colloquium

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Philosophie
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Université de Namur - 5000 Namur

Seminar organized by ESPHIN (Espace Philosophique de Namur).

It's obvious to anyone paying attention to the paths taken by a growing number of 21st century thinkers: these paths lead to the living! Whether it's called "ecophilosophy", "ecoanthropology", "ecosophy", or "ecopolitics", this thinking about the living is occupying a growing place not only in the media and publications of all kinds, but also in concrete actions in a variety of fields.

Program 2024-2025 | At the Roots of the Human

To introduce the subject

If we were to take stock of the history of mankind, one trend would certainly stand out: that of a utilitarian relationship with the non-human that continues to grow, and consequently that of a widening gap between the human and the rest.

Humanity, however, has its roots in a living environment that cultivates many other relationships than those we currently privilege, which are dominated by instrumental rationality. Sounding out these forgotten relational universes without which it is increasingly difficult to think about the human is one aim of this seminar, which this year will invite you to encounter the plant.

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