La philosophie représente, dans la tradition occidentale, un effort radical de compréhension du réel. La philosophie jette, sur le monde qui l'entoure et sur les hommes, un regard étonné et interrogateur. Refusant la facilité des "évidences", le philosophe demande le pourquoi des choses. Plutôt qu'une discipline juxtaposée aux autres, la philosophie comme démarche critique constitue donc une attitude et un esprit qui s'appliquent dans tous les registres, notamment intellectuels, de l'activité humaine.
« Qu’est-ce donc que la philosophie aujourd’hui (…) si elle n’est pas le travail critique de la pensée sur elle-même ? Et si elle ne consiste pas, au lieu de légitimer ce qu’on sait déjà, à entreprendre de savoir comment et jusqu’où il serait possible de penser autrement ? » (Michel Foucault)
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Jérôme Bouvy, Philosophe hospitalier
Jérôme Bouvy, Philosophe hospitalier
Après des études en philosophie à l’UNamur et quelques années en tant qu’enseignant, Jérôme Bouvy est devenu le premier philosophe hospitalier au sein du Grand Hôpital de Charleroi. Ses missions : faire entrer la philosophie en tant que pratique vivante au cœur du quotidien de son institution et accompagner les travailleurs en quête de sens dans leur travail.

Cet article est tiré de la rubrique "Alumni" du magazine Omalius de juin 2024.
Omalius : Vous êtes philosophe hospitalier, pouvez-vous nous en dire plus sur ce métier ?
Jérôme Bouvy : Il y a trois ans, le Grand Hôpital de Charleroi a souhaité travailler sur la perte de sens à l’hôpital. De nombreuses questions agitent ce milieu depuis toujours, et cela s’est accentué plus récemment suite à la pandémie qui a notamment révélé beaucoup de souffrance éthique chez les soignants. Le rôle d'un philosophe hospitalier, face à ces nombreux questionnements, est alors d'ouvrir des espaces de réflexion au sein de l’institution. Mon travail vise donc à déployer des pratiques réflexives, en particulier dans un environnement où la recherche de sens peut être prégnante, comme c'est souvent le cas dans le domaine de la santé. Mon objectif est d'encourager les membres du personnel hospitalier à prendre le temps de penser de manière critique et à partager leurs préoccupations afin de favoriser un dialogue constructif. Une des spécificités de ma fonction est que je ne m’adresse pas directement aux patients. Je suis engagé pour travailler avec les membres du personnel, qu’ils soient soignants, informaticiens, comptables… cela représente plus de 200 métiers.
O. : Comment cela se concrétise-t-il au quotidien ?
J.B. : J’anime des ateliers philo ou des temps éthiques avec les travailleurs hospitaliers pour libérer la pensée à l’hôpital et questionner ce qui les met en difficulté. Ce sont des lieux de réconfort, où l’on re-tisse du collectif, mais ce sont parfois aussi des lieux d’inconfort. On ne vient pas simplement déposer ses opinions, on vient les interroger. Les travailleurs viennent aussi parler de leur propre vulnérabilité, en tant que soignant ou citoyen. Pour animer ces espaces, j’utilise des outils issus du mouvement des nouvelles pratiques philosophiques. Je lance ainsi des discussions à visée philosophique et démocratique (développées par Michel Tozzi) et j’utilise beaucoup le dispositif de la communauté de recherche philosophique (développé par Matthew Lipman). Concrètement, cela peut prendre la forme d’ateliers philo, de groupes de lecture et d’écriture, de séminaires ou encore de maraudes éthiques… À l’hôpital, pour ce qui est des soignants, la meilleure porte d’entrée reste l’éthique clinique. En partant d’une situation de soin, on peut tirer le fil du questionnement. On arrive alors très à des questions philosophiques ou plus largement, aux humanités en santé. Je défends l’idée d’une philosophie modeste, avec cette idée de donner le goût de la pratique philosophique. La philosophie n’est pas là pour faire des miracles, elle est là pour interroger le travail. Faire de la philosophie, c’est déjà faire preuve de lucidité, sortir des simplismes qui nous font du bien.
O. : Quelles sont les questions que vous abordez lors de ces rencontres ?
J.B. : Elles sont nombreuses : la violence à l’hôpital, l’autonomie, la souffrance éthique, l’usure compassionnelle, la vulnérabilité, ou encore le manque de dialogue. Les rapports entre médecins et infirmiers peuvent aussi être difficiles. La question est alors de voir comment s’organiser dans les soins de santé. On parle parfois d’un tournant gestionnaire dans ce secteur au tournant des années 80, qui a mis l’organisation du travail en difficulté. Ce néomanagement, issu des entreprises privées, grignote aussi le monde de l’hôpital. Il faut alors développer une sorte de vigilance à son égard. Être philosophe à l’hôpital, ce n’est pas juste accompagner le changement. Il y a un tel impératif aujourd’hui à l’adaptation et à l’agilité qu’il faut aussi pouvoir questionner la nécessité de ce changement, voire parfois peut-être y résister.
O. : Quelles sont les compétences que requiert le poste de philosophe dans le domaine hospitalier ?
J.B. : La qualité principale est sans doute l’humilité. On n’arrive pas à l’hôpital en disant « Vous allez mal, je viens vous aider », mais plutôt avec une approche « Vous allez mal, aidez moi à comprendre ». Cette humilité est essentielle, car il est primordial de reconnaître que le rôle du philosophe hospitalier n'est pas de fournir des réponses pré-pensées, mais plutôt de poser les bonnes questions et d’encourager la réflexivité. Cela demande aussi une forte capacité d'écoute et de dialogue. D’ailleurs, mon rôle de président du Cercle Carolo à l’UNamur lors de mes études et mon côté festif m’ont sans doute aidé à être à l’aise socialement. Pour moi, le philosophe doit savoir marcher sur ses deux pieds. Il y a le pied de la pratique : être sur le terrain de l’animation, dans les équipes. Cela implique une grande attention didactique (comment susciter l’intérêt des travailleurs qui ne se sentent pas concernés par la philosophie ?) Le deuxième pied est celui de la théorie, via des lectures ou des conférences. Il y a toujours un déséquilibre entre ces deux dimensions, car aller sur le terrain, c’est susciter de nouvelles questions, qui réclament un nouvel exercice théorique.
O. : Comment voyez-vous l'avenir de la philosophie en milieu hospitalier ?
J.B. : Cette nouvelle fonction suscite beaucoup de curiosité. J’adorerais qu’un réseau de philosophes hospitaliers se crée dans les années à venir, ce serait génial ! L’ambition est de développer une culture de dialogue dans l’hôpital qui passe par des espaces de délibération qu’il faut pouvoir institutionnaliser. Au-delà de l’engagement d’un philosophe, l’objectif est de laisser une place aux humanités en santé. Cela peut se faire par l’engagement d’un sociologue, d’un anthropologue, d’un philosophe…
O. : Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans la philosophie ?
J.B. : J’ai envie de souligner l’importance de travailler sérieusement, sans se prendre trop au sérieux. C’est ce qui me guide encore aujourd’hui. Un philosophe qui se prend trop au sérieux risquerait de passer à côté d’une forme de légèreté essentielle. Il faut pouvoir trouver son équilibre et profiter des études au-delà des cours, car la fête en fait partie aussi.
O. : Que retenez-vous de votre parcours à l’Université de Namur ?
J.B. : Le mot qui me vient, c’est « familial ». Je n’ai pas toujours été un élève très présent, mais je ne me suis jamais senti abandonné par mes professeurs. Ils proposent un accompagnement que l’on ne trouve pas ailleurs. J’aurais possiblement décroché, à 18 ans, si je n’avais pas bénéficié de cet accompagnement privilégié.
Parcours
2009-2014 : Bachelier en philosophie à l’UNamur
2014-2016 : Master en philosophie, finalité didactique à l’UCLouvain
2017-2019 : Enseignant Français et religion au Collège du Sacré-Cœur
2019-2020 : Certificat didactique, philosophie et citoyenneté à l’UCLouvain
2019-2022 : Enseignant Philosophie et Citoyenneté
Depuis 2022 : Philosophe hospitalier au Grand Hôpital de Charleroi
Cet article est tiré de la rubrique "Alumni" du magazine Omalius #33 (Juin 2024).


Portrait - Thibaut De Meyer : Multiplier les perspectives, par-delà les espèces
Portrait - Thibaut De Meyer : Multiplier les perspectives, par-delà les espèces
Découvrez le parcours singulier de Thibaut De Meyer, un passionné d'anthropologie et de philosophie qui fusionne ces deux disciplines dans une approche concrète et innovante. De son exploration des interactions humaines en laboratoire à son analyse de la perspective chez les animaux, son travail révèle une fascination pour les nuances de la conscience et de la perception. En tant qu'académique et auteur, il s'engage à éclairer les étudiants sur les enjeux philosophiques contemporains, tout en projetant son regard vers de nouveaux horizons, tels que l’histoire et l’épistémologie du test du miroir.

Thibaut De Meyer a obtenu son Master en Anthropologie à l’ULB, tout en nourrissant une passion pour la philosophie. Il décida donc de poursuivre également un Master en Philosophie, cherchant constamment à établir des équilibres et des complémentarités entre ces deux domaines. Son approche s'est toujours orientée vers des situations concrètes, où les concepts sont appliqués, afin de demeurer au plus près des réalités étudiées par les ethnologues et les anthropologues. Il a systématiquement exploré la dimension conceptuelle dans les actions et les comportements humains.
Dans le cadre de son mémoire d’anthropologie (Des gens, des gènes et des généticiens), il s'est intéressé à l'ethnographie d'un laboratoire, examinant comment les humains interagissent avec les poches de sang et les transforment en cartes génétiques des patients. En philosophie (dans un mémoire intitulé L’écologie des monades), son intérêt s'est porté sur le concept de perspective chez Leibniz, un penseur moderne qui a explore la relation entre les perspectives immatérielles (qu’il appelle « monades ») et les entités matérielles (les corps). Par après, Thibault De Meyer s'est penché sur la question de la conscience chez les animaux, notamment en étudiant leur capacité à se reconnaître et à attribuer des états cognitifs à leurs congénères.
Récemment, Thibaut De Meyer a publié un ouvrage intitulé Qui a vu le zèbre ? L’invention de la perspective animale (éditeur : Les Liens qui Libèrent), dans lequel il aborde la question de la perspective à travers le cas des rayures du zèbre qui sont perçues différemment par les humains, les lions, les hyènes, les mouches… En prenant en compte cette multiplicité des perspectives, les biologistes en sont venus à remettre en cause certaines hypothèses cherchant à expliquer la fonction des zébrures. Grâce à une analyse philosophique de ces études scientifiques, Thibault De Meyer défend une forme de perspectivisme relationnel, qu’il distingue et compare entre autres au perspectivisme linéaire. Ce livre est issue de sa thèse de doctorat (Le bestiaire de Brunelleschi. Le perspectivisme et sa réinvention en éthologie) réalisée sous la direction de Vinciane Despret et défendue en septembre 2022 à l’Université de Liège.
Depuis sa nomination en tant qu'académique en septembre dernier à l’UNamur, Thibaut De Meyer enseigne la philosophie des sciences et des techniques ainsi que la logique et l’argumentation. Dans le cours d’introduction générale à la philosophie, avec son collègue Nicolas Monseu, il tente de rendre la matière attrayante pour les étudiants grâce à des innovations pédagogiques, en créant des mini-spectacles, en apportant des blocs de Lego, etc.
Quant à ses projets futurs, il prévoit de se pencher sur l’histoire du test du miroir, les défis qu'il pose et les problèmes qu'il permet de résoudre, notamment en tant que test psychologique non verbal. Comme il le souligne, « Le miroir est plein d’énigmes ».

Vulnérabilité : agir et réfléchir
Vulnérabilité : agir et réfléchir
Aujourd’hui, plus de 18 % de Belges sont à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Face à cette réalité, l’indifférence ou le paternalisme sont encore trop souvent les seules réponses. C’est pourquoi la recherche, de la philosophie au droit en passant par l’économie, entend aujourd’hui mieux comprendre les différents visages de la vulnérabilité.

Cet article a été réalisé pour la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #32 de mars 2024.
Selon les chiffres les plus récents (enquête EU-SILC 2023), 12,3 % de la population belge présente un risque de pauvreté monétaire ; 6,1 % souffre de privation matérielle et sociale sévère et 10,5 % vit dans un ménage à faible niveau d’intensité de travail (moins d’un jour sur cinq par semaine). La valeur de l'indicateur européen « risque de pauvreté ou exclusion sociale » s'élève ainsi pour la Belgique à 18,6 %, soit 2.150.000 de Belges confrontés à au moins l’une de ces trois situations. Toujours selon l’enquête EU-SILC 2023, 15,5 % de la population belge indique avoir des difficultés ou de grandes difficultés à s'en sortir (indice de pauvreté subjective).
Des dynamiques complexes 2-3 - bandeau Enjeux.jpeg
C’est à destination de ces professionnels qu’a été mis en place, dès 2021, le Certificat en accompagnement de la grande précarité, fruit d’une collaboration entre le Centre Vulnérabilités et Sociétés de l’UNamur, l’HENALLUX (Haute École de Namur-Liège-Luxembourg), l’HEPN (Haute École de la Province de Namur) et l’UCLouvain. Soit une dizaine de jours de formation, assurés par une équipe pluridisciplinaire, pour mieux comprendre les dynamiques complexes générées par la grande précarité (sans-abrisme, surendettement, dépendances, non-recours aux droits, mendicité, etc.). Objectif ? "Aider ceux qui aident", en leur permettant de porter un regard réflexif sur leurs pratiques, d’utiliser des modèles théoriques pertinents, d’échanger avec des acteurs-clefs comme Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), d’approcher la précarité dans ce qu’elle a de plus intime par le biais du théâtre ou par la rencontre des acteurs des associations de terrain... « Le but est de répondre à un besoin, de rendre ça le plus pratique possible », commente Mathieu Rolain. Juriste, l’enseignant est par exemple intervenu cette année sur la mendicité en droit belge. « La constitution belge reconnaît que chacun doit pouvoir mener une vie conforme aux principes de la dignité humaine : c’est ce principe qui anime de nombreuses recherches du Centre Vulnérabilités et Sociétés de la faculté de droit de l’UNamur », résume-t-il.
Vulnérabilité existentielle
« La société avance dans la prise en compte des vulnérabilités, notamment dans l’espace public », estime Laura Rizzerio, philosophe à l’UNamur. Mais cette prise de conscience – ne nous y trompons pas – est marquée d’une certaine ambivalence : « Le droit, en essayant de protéger les personnes vulnérables, les stigmatise aussi », commente la philosophe. « Par exemple, si je demande des subsides parce que je suis une personne porteuse de handicap, cela me favorise mais cela m’exclut : en rentrant dans cette catégorie, il y a d’autres choses auxquelles je ne peux plus accéder. » Ainsi Laura Rizzerio constate-t-elle chez ses étudiants une réticence à se déclarer "à besoins spécifiques" : s’ils peuvent bénéficier de certains ajustements, notamment concernant les procédures d’évaluation, ils n’en restent pas moins mis physiquement « à part ». Parce qu’elle est à double tranchant, la reconnaissance de certaines vulnérabilités vaut d’être laissée à la discrétion des premiers concernés.
Le terme de vulnérabilité porte en lui de nombreux malentendus : être vulnérable, ce serait être fragile, faible, victime... Alors que la vulnérabilité est avant tout une condition de l’existence humaine à laquelle personne n’échappe. « On a beaucoup confondu cette vulnérabilité comme condition normale de toute existence – nous sommes des êtres dépendants, liés, finis – et les formes avérées de vulnérabilités, c’est-à-dire la manifestation de cette condition existentielle à travers la maladie, le handicap, la vieillesse... » Or, selon Laura Rizzerio, ce n’est que lorsqu’on reconnaît en soi cette vulnérabilité existentielle que l’on devient capable d’accueillir la vulnérabilité avérée. Une gageure, puisque nous sommes tous habités « par des formes de dénis ». « Le déni de vulnérabilité est presque aussi normal que la vulnérabilité elle-même. La vulnérabilité est d’abord une expérience : on ne s’en rend compte que lorsqu’on la vit dans sa propre chair. D’où le fait que, de premier abord, nous allons nier notre vulnérabilité. Soit en disant que c’est une question qui ne concerne que les autres, soit en en faisant une expérience limitée dans le temps – un "passage" – ou bien en introduisant une relation de pouvoir. »
La vulnérabilité est d'abord une expérience : on ne s'en rend compte que lorsqu'on la vit dans sa propre chair.
Pauvreté relative ou absolue
Si la vulnérabilité et la pauvreté n’ont rien de théorique pour ceux qui les vivent, l’objectivation de ces situations grâce à des indicateurs permet précisément d’orienter les politiques publiques. Benoît Decerf, économiste au Centre de recherche en économie du développement à l’UNamur et collaborateur pour la banque mondiale, travaille sur ces mesures de la pauvreté et des inégalités. « Notre travail, c’est d’opérationnaliser les questions posées notamment par les philosophes », commente-t-il. « Historiquement, on mesurait le développement grâce au PIB par habitant, c’est-à-dire grâce au revenu moyen. Or cette mesure a été beaucoup critiquée car elle ne prend pas en compte les inégalités : le PIB d’un pays peut aussi bien augmenter parce qu’un Bill Gates s’enrichit que parce que le sort des pauvres s’améliore. » C’est pourquoi, aujourd’hui, dans les pays développés, on se concentre davantage sur un seuil de pauvreté dit "relatif". Ainsi, en Belgique, est considéré comme "pauvre" le pourcentage de la population vivant dans un ménage dont le revenu disponible est inférieur à 60 % du revenu médian national, soit 1 366 € net par mois pour un isolé ou 2 868 € pour un ménage composé de deux adultes et de deux enfants de moins de 14 ans. Un Wallon sur cinq se trouve aujourd’hui dans cette situation.
La Banque Mondiale – institution financière internationale qui investit dans les projets des pays en voie de développement avec un objectif de lutte contre la pauvreté – cherche en revanche à identifier le nombre de pauvres de manière absolue. Elle s’est longtemps basée sur le seuil d’ "un dollar par jour par personne", réévalué depuis 2022 à 2, 15 dollars. « Cet indicateur permet une très bonne "comparatibilité" à travers l’espace et le temps », souligne Benoît Decerf. « L’objectif, c’est de pouvoir se faire une idée de la situation matérielle des gens : est-ce que le sort des pauvres s’améliore ou pas ? » Car les gouvernements construisent en partie leur légitimité sur ces indicateurs de pauvreté, qui permettent d’objectiver leurs résultats de développement. Ainsi, l’Inde, pays qui rassemble un très grand nombre des pauvres au niveau mondial, ne partage plus ses données avec la Banque Mondiale depuis 10 ans, « probablement parce qu’elle souhaite garder la main sur l’histoire qu’elle va raconter concernant l’évolution de la pauvreté dans le pays », commente l’économiste.
La mesure de la pauvreté intègre aussi de plus en plus des critères non monétaires, spécialité de Benoît Decerf. « Ces mesures de pauvreté multidimensionnelles prennent par exemple en compte l’accès à la santé, à l’éducation ou encore la sécurité. » Aujourd’hui, à ses objectifs de lutte contre l’extrême pauvreté et de promotion d’une prospérité partagée (c’est-à-dire d’une croissance économique qui n’accroît pas les inégalités), la Banque Mondiale a ajouté celui de "livable planet" ou "planète habitable". « Cela signifie que la Banque Mondiale prend désormais en compte des indicateurs liés à la préservation de l’écosystème et au changement climatique, donc au bien-être "futur" qui nécessite une planète pas top endommagée... »
La précarité en enseignement
En Faculté des sciences économiques, sociales et de gestion, les étudiants sont challengés sur la thématique de la lutte contre la précarité et la pauvreté. Dans le cadre du projet d’innovation de Bloc 3, inscrit dans l’approche pédagogique learning by doing, ils sont amenés à réfléchir à cette thématique dans l’objectif d’y apporter une solution innovante. Un projet conçu comme un incubateur à projets d’innovation sociale.
Des initiatives solidaires à destination des étudiants
La Solidarithèque
Gérée par les services sociaux de l’UNamur, de la HEAJ, de la HEPN, de l’HENALLUX et de l’IMEP en partenariat avec l’Association pour la Solidarité Étudiante en Belgique (ASEB), la Solidarithèque met chaque semaine à disposition des étudiants quelque 150 paniers alimentaires au prix de 5 euros. Ces paniers proviennent en grande partie des invendus de la grande distribution. Paysans-Artisans livre également une partie des fruits et légumes. « Beaucoup d’étudiants hésitent encore à franchir la porte », constate Maxime Gigot, de la Cellule sociale des étudiants. « Ils se demandent s’ils ont vraiment leur place... s’ils ne prennent pas le panier de quelqu’un qui en aurait davantage besoin. » Un "blocage" qui n’étonne pas cet assistant social. « On a toujours en tête l’idée qu’un bon pauvre, c’est un pauvre qu’on ne voit pas... » Ouverte à tous sur simple présentation de la carte d’étudiant, l’épicerie solidaire est une réponse concrète à une réalité invisible mais partagée par de nombreux étudiants.
Des fonds d’aide sociale en soutien
Le Fonds Social Camille Joset de l’ASBL CERUNA octroie chaque année et de longue date des subsides importants à l’UNamur en faveur de diverses formes de précarité étudiante, que les étudiants soient belges ou étrangers. Le Fonds Social Camille Joset soutient plusieurs dispositifs mis en place par l’université, tels que l’épicerie sociale, l’aide à l’acquisition d’équipement numérique, la lutte contre la précarité menstruelle ou encore les cours de FLE proposés aux étudiants réfugiés dans le cadre du projet Université Hospitalière.
Le Fonds Wynants-Sudan a été créé en 2020 à l’initiative d’Olivia Sudan, épouse du professeur Paul Wynants (1954-2018). Ce Fonds permet d’octroyer chaque année des bourses supplémentaires à des étudiants belges et internationaux suivant un cursus à l’UNamur, en particulier dans le domaine de l’aide d’urgence et de l’aide à la mobilité.
Ces soutiens interviennent de manière complémentaire aux aides octroyées annuellement par le Service des relations internationales et la Cellule sociale de l’UNamur.
Intégration : l'UNamur en soutien du parcours migratoire
Le parcours migratoire est un facteur de vulnérabilité important. Dans le cadre d’un projet d’Initiative Locale d’Intégration (ILI) subsidié par la Région wallonne, l’UNamur assure des cours de français langue étrangère (FLE) et des ateliers interculturels. Trois questions à Leila Derrouich, coordinatrice du projet ILI.
Omalius : Quel est l’objectif des cours de FLE ?
Leila Derrouich : Pour accéder à l’enseignement supérieur, les jeunes qui arrivent en Belgique ont besoin au minimum d’un niveau B2. Les cours de FLE visent à leur permettre d’accéder à cet enseignement. Mais à l’UNamur, nous avons la particularité d’aller jusqu’au niveau C1, soit le niveau juste avant le niveau "natif". Quand les étudiants accèdent à ce niveau, cela leur donne une vraie confiance en eux. Nous proposons en particulier un cours de français académique ou FOU (français sur objectif universitaire). On y apprend à acquérir des compétences académiques : faire une synthèse, un poster scientifique, un exposé oral... Ils peuvent aussi s’inscrire en auditeur libre et apprendre en parallèle le français de spécialité ou FOS (français sur objectifs spécifiques) de leur matière. La grammaire n’est alors plus un objectif, mais un moyen.
O. : Comment se traduit l’approche interculturelle ?
L.D. : Dans les cours, l’accent est mis sur les codes culturels du campus. Nous abordons aussi, en cours de français, les thématiques d’actualités, comme le réchauffement climatique. L’apprenant est considéré comme un acteur social : on l’invite à mettre en avant sa culture d’origine. Utiliser la langue française – qu’on ne maîtrise pas forcément – pour parler de quelque chose qu’on connaît bien est source de valorisation.
O. : Depuis 2015 et la mise en place des cours de FLE, quels résultats constatez-vous ?
L.D. : Nous avons aujourd’hui une Irakienne en master de sciences pharmaceutiques, un Syrien qui est devenu infirmier en soins intensifs en CDI et a joué un rôle important pendant la crise Covid, deux Albanaises qui vont elles-mêmes devenir formatrices FLE, un Afghan qui est devenu interprète sociojuridique, trois réalisateurs en audiovisuel... Nous avons de très nombreux exemples de réussite.
Omalius #32 - mars 2024
Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #32 (mars 2024).
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Arcadico : un outil pédagogique et de recherche pour penser l'Anthropocène
Arcadico : un outil pédagogique et de recherche pour penser l'Anthropocène
Le Centre de recherche Arcadie propose un outil critique pour penser l'Anthropocène, cette époque géologique nouvelle dans laquelle nous serions entrés : le dictionnaire Arcadie. Utopie, catastrophe, territoire, évolution… ce dictionnaire numérique explore les notions clés de la philosophie à la lumière des enjeux écologiques, sociaux et politiques de notre temps.

Au sein de l’Institut de recherche ESPHIN (Espace philosophique de Namur), le Centre Arcadie poursuit des recherches qui interrogent trois thématiques logées au cœur de notre contemporanéité : l'anthropocène, l'histoire et les utopies. Les chercheurs et chercheuses de ce Centre ont développé l’ '"Arcadico", un dictionnaire qui vise à composer un lexique philosophique à l’heure de l'Anthropocène.
« Notre volonté avec ce dictionnaire est de montrer que la philosophie, souvent considérée à tort comme une discipline close sur elle-même, peut être un outil pertinent pour réfléchir aux défis brûlants de notre époque, tels que les bouleversements climatiques et les autres aspects de la crise écologique » expliquent Sébastien Laoureux et Louis Carré, porteurs du projet. Avec ce dictionnaire, les chercheurs et chercheuses du Centre Arcadie tentent de donner un aperçu de ce qui a été écrit dans la tradition philosophique en les reliant à des questions éminemment contemporaines. « Par exemple, la notice du terme "progrès" revient sur l’émergence de cette notion, les critiques qui lui sont adressées, le tout avec un prisme philosophique mais également sous l’angle de l’anthropocène, de l’écologie », détaillent les deux chercheurs.
Conçues pour un public averti d’étudiants, de chercheurs ou de personnes intéressées par les questions philosophiques liées à l'Anthropocène, les notices du Dictionnaire Arcadie suivent une structure en trois points :
- Une définition qui présente la notion dans une perspective philosophique.
- Une analyse des problèmes que cette notion a soulevés et soulève, tant dans la tradition philosophique que dans le contexte contemporain.
- Une proposition qui ouvre des perspectives originales sur la notion.
« Par exemple, la notice consacrée au "progrès" commence par définir cette notion comme une amélioration générale de la condition de vie des êtres humains », illustre Louis Carré. « Elle analyse ensuite les critiques qui ont été adressées à cette notion, notamment celles qui soulignent que le progrès a souvent servi de prête-nom à des formes d'exploitation des ressources naturelles et de domination sociale. Enfin, la notice propose une réflexion sur la possibilité d'un progrès qui soit compatible avec les enjeux écologiques et sociaux de l'Anthropocène. »
Cet outil pédagogique permet de découvrir ou de redécouvrir des notions clés de la philosophie dans une perspective contemporaine. Il est également un outil de recherche qui contribue à la réflexion sur les enjeux philosophiques de l'Anthropocène, cette époque qui est aujourd’hui la nôtre.
Cet outil est amené à être enrichi régulièrement avec de nouvelles notices.
Explorez déjà les notices Anthropocène, Arcadie, Catastrophe, Évolution, Progrès, Prométhéisme, Territoire et Utopie.
Un projet de recherche FNRS
L’Arcadico s’inscrit dans le cadre du PDR FNRS « Ce que l’Anthropocène fait au temps. Recherche philosophique sur les historicités et récits de la crise environnementale ». Ce projet vise à interroger la crise écologique à partir de la nouvelle expérience du temps qu’elle produit et des transformations qu’elle provoque dans notre conception philosophique de l’histoire. L’Anthropocène vient en effet bouleverser la philosophie de l’histoire qui fondait la modernité : celle d’un temps orienté vers l’avenir et structuré par un progrès nécessaire de l’humanité. Contre cette vision linéaire et déterministe du temps historique, la possibilité d’un « monde sans nous » ouverte par l’Anthropocène introduit une rupture dans la course au progrès dont il s’agit de tirer toutes les conséquences. D’une part, en proposant une analyse critique des « grands récits » de l’Anthropocène qui continuent de se construire sur une conception classique de la temporalité, aussi bien dans ses versions optimistes que dans ses versions catastrophistes : un temps continu marqué par la nécessité du cours historique. D’autre part, en prenant acte de la complexification du temps historique qui a lieu dans l’Anthropocène et que le concept de « présent épais » doit nous permettre de saisir en introduisant de la discontinuité et de la contingence dans la marche de l’histoire. Enfin, en réfléchissant à la manière dont des utopies concrètes peuvent nous aider à penser et à agir à l’heure de la crise écologique, non pas en dessinant un avenir idéal, mais en travaillant de l’intérieur le présent de l’Anthropocène et ses contradictions.

Jérôme Bouvy, Philosophe hospitalier
Jérôme Bouvy, Philosophe hospitalier
Après des études en philosophie à l’UNamur et quelques années en tant qu’enseignant, Jérôme Bouvy est devenu le premier philosophe hospitalier au sein du Grand Hôpital de Charleroi. Ses missions : faire entrer la philosophie en tant que pratique vivante au cœur du quotidien de son institution et accompagner les travailleurs en quête de sens dans leur travail.

Cet article est tiré de la rubrique "Alumni" du magazine Omalius de juin 2024.
Omalius : Vous êtes philosophe hospitalier, pouvez-vous nous en dire plus sur ce métier ?
Jérôme Bouvy : Il y a trois ans, le Grand Hôpital de Charleroi a souhaité travailler sur la perte de sens à l’hôpital. De nombreuses questions agitent ce milieu depuis toujours, et cela s’est accentué plus récemment suite à la pandémie qui a notamment révélé beaucoup de souffrance éthique chez les soignants. Le rôle d'un philosophe hospitalier, face à ces nombreux questionnements, est alors d'ouvrir des espaces de réflexion au sein de l’institution. Mon travail vise donc à déployer des pratiques réflexives, en particulier dans un environnement où la recherche de sens peut être prégnante, comme c'est souvent le cas dans le domaine de la santé. Mon objectif est d'encourager les membres du personnel hospitalier à prendre le temps de penser de manière critique et à partager leurs préoccupations afin de favoriser un dialogue constructif. Une des spécificités de ma fonction est que je ne m’adresse pas directement aux patients. Je suis engagé pour travailler avec les membres du personnel, qu’ils soient soignants, informaticiens, comptables… cela représente plus de 200 métiers.
O. : Comment cela se concrétise-t-il au quotidien ?
J.B. : J’anime des ateliers philo ou des temps éthiques avec les travailleurs hospitaliers pour libérer la pensée à l’hôpital et questionner ce qui les met en difficulté. Ce sont des lieux de réconfort, où l’on re-tisse du collectif, mais ce sont parfois aussi des lieux d’inconfort. On ne vient pas simplement déposer ses opinions, on vient les interroger. Les travailleurs viennent aussi parler de leur propre vulnérabilité, en tant que soignant ou citoyen. Pour animer ces espaces, j’utilise des outils issus du mouvement des nouvelles pratiques philosophiques. Je lance ainsi des discussions à visée philosophique et démocratique (développées par Michel Tozzi) et j’utilise beaucoup le dispositif de la communauté de recherche philosophique (développé par Matthew Lipman). Concrètement, cela peut prendre la forme d’ateliers philo, de groupes de lecture et d’écriture, de séminaires ou encore de maraudes éthiques… À l’hôpital, pour ce qui est des soignants, la meilleure porte d’entrée reste l’éthique clinique. En partant d’une situation de soin, on peut tirer le fil du questionnement. On arrive alors très à des questions philosophiques ou plus largement, aux humanités en santé. Je défends l’idée d’une philosophie modeste, avec cette idée de donner le goût de la pratique philosophique. La philosophie n’est pas là pour faire des miracles, elle est là pour interroger le travail. Faire de la philosophie, c’est déjà faire preuve de lucidité, sortir des simplismes qui nous font du bien.
O. : Quelles sont les questions que vous abordez lors de ces rencontres ?
J.B. : Elles sont nombreuses : la violence à l’hôpital, l’autonomie, la souffrance éthique, l’usure compassionnelle, la vulnérabilité, ou encore le manque de dialogue. Les rapports entre médecins et infirmiers peuvent aussi être difficiles. La question est alors de voir comment s’organiser dans les soins de santé. On parle parfois d’un tournant gestionnaire dans ce secteur au tournant des années 80, qui a mis l’organisation du travail en difficulté. Ce néomanagement, issu des entreprises privées, grignote aussi le monde de l’hôpital. Il faut alors développer une sorte de vigilance à son égard. Être philosophe à l’hôpital, ce n’est pas juste accompagner le changement. Il y a un tel impératif aujourd’hui à l’adaptation et à l’agilité qu’il faut aussi pouvoir questionner la nécessité de ce changement, voire parfois peut-être y résister.
O. : Quelles sont les compétences que requiert le poste de philosophe dans le domaine hospitalier ?
J.B. : La qualité principale est sans doute l’humilité. On n’arrive pas à l’hôpital en disant « Vous allez mal, je viens vous aider », mais plutôt avec une approche « Vous allez mal, aidez moi à comprendre ». Cette humilité est essentielle, car il est primordial de reconnaître que le rôle du philosophe hospitalier n'est pas de fournir des réponses pré-pensées, mais plutôt de poser les bonnes questions et d’encourager la réflexivité. Cela demande aussi une forte capacité d'écoute et de dialogue. D’ailleurs, mon rôle de président du Cercle Carolo à l’UNamur lors de mes études et mon côté festif m’ont sans doute aidé à être à l’aise socialement. Pour moi, le philosophe doit savoir marcher sur ses deux pieds. Il y a le pied de la pratique : être sur le terrain de l’animation, dans les équipes. Cela implique une grande attention didactique (comment susciter l’intérêt des travailleurs qui ne se sentent pas concernés par la philosophie ?) Le deuxième pied est celui de la théorie, via des lectures ou des conférences. Il y a toujours un déséquilibre entre ces deux dimensions, car aller sur le terrain, c’est susciter de nouvelles questions, qui réclament un nouvel exercice théorique.
O. : Comment voyez-vous l'avenir de la philosophie en milieu hospitalier ?
J.B. : Cette nouvelle fonction suscite beaucoup de curiosité. J’adorerais qu’un réseau de philosophes hospitaliers se crée dans les années à venir, ce serait génial ! L’ambition est de développer une culture de dialogue dans l’hôpital qui passe par des espaces de délibération qu’il faut pouvoir institutionnaliser. Au-delà de l’engagement d’un philosophe, l’objectif est de laisser une place aux humanités en santé. Cela peut se faire par l’engagement d’un sociologue, d’un anthropologue, d’un philosophe…
O. : Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui veulent se lancer dans la philosophie ?
J.B. : J’ai envie de souligner l’importance de travailler sérieusement, sans se prendre trop au sérieux. C’est ce qui me guide encore aujourd’hui. Un philosophe qui se prend trop au sérieux risquerait de passer à côté d’une forme de légèreté essentielle. Il faut pouvoir trouver son équilibre et profiter des études au-delà des cours, car la fête en fait partie aussi.
O. : Que retenez-vous de votre parcours à l’Université de Namur ?
J.B. : Le mot qui me vient, c’est « familial ». Je n’ai pas toujours été un élève très présent, mais je ne me suis jamais senti abandonné par mes professeurs. Ils proposent un accompagnement que l’on ne trouve pas ailleurs. J’aurais possiblement décroché, à 18 ans, si je n’avais pas bénéficié de cet accompagnement privilégié.
Parcours
2009-2014 : Bachelier en philosophie à l’UNamur
2014-2016 : Master en philosophie, finalité didactique à l’UCLouvain
2017-2019 : Enseignant Français et religion au Collège du Sacré-Cœur
2019-2020 : Certificat didactique, philosophie et citoyenneté à l’UCLouvain
2019-2022 : Enseignant Philosophie et Citoyenneté
Depuis 2022 : Philosophe hospitalier au Grand Hôpital de Charleroi
Cet article est tiré de la rubrique "Alumni" du magazine Omalius #33 (Juin 2024).


Portrait - Thibaut De Meyer : Multiplier les perspectives, par-delà les espèces
Portrait - Thibaut De Meyer : Multiplier les perspectives, par-delà les espèces
Découvrez le parcours singulier de Thibaut De Meyer, un passionné d'anthropologie et de philosophie qui fusionne ces deux disciplines dans une approche concrète et innovante. De son exploration des interactions humaines en laboratoire à son analyse de la perspective chez les animaux, son travail révèle une fascination pour les nuances de la conscience et de la perception. En tant qu'académique et auteur, il s'engage à éclairer les étudiants sur les enjeux philosophiques contemporains, tout en projetant son regard vers de nouveaux horizons, tels que l’histoire et l’épistémologie du test du miroir.

Thibaut De Meyer a obtenu son Master en Anthropologie à l’ULB, tout en nourrissant une passion pour la philosophie. Il décida donc de poursuivre également un Master en Philosophie, cherchant constamment à établir des équilibres et des complémentarités entre ces deux domaines. Son approche s'est toujours orientée vers des situations concrètes, où les concepts sont appliqués, afin de demeurer au plus près des réalités étudiées par les ethnologues et les anthropologues. Il a systématiquement exploré la dimension conceptuelle dans les actions et les comportements humains.
Dans le cadre de son mémoire d’anthropologie (Des gens, des gènes et des généticiens), il s'est intéressé à l'ethnographie d'un laboratoire, examinant comment les humains interagissent avec les poches de sang et les transforment en cartes génétiques des patients. En philosophie (dans un mémoire intitulé L’écologie des monades), son intérêt s'est porté sur le concept de perspective chez Leibniz, un penseur moderne qui a explore la relation entre les perspectives immatérielles (qu’il appelle « monades ») et les entités matérielles (les corps). Par après, Thibault De Meyer s'est penché sur la question de la conscience chez les animaux, notamment en étudiant leur capacité à se reconnaître et à attribuer des états cognitifs à leurs congénères.
Récemment, Thibaut De Meyer a publié un ouvrage intitulé Qui a vu le zèbre ? L’invention de la perspective animale (éditeur : Les Liens qui Libèrent), dans lequel il aborde la question de la perspective à travers le cas des rayures du zèbre qui sont perçues différemment par les humains, les lions, les hyènes, les mouches… En prenant en compte cette multiplicité des perspectives, les biologistes en sont venus à remettre en cause certaines hypothèses cherchant à expliquer la fonction des zébrures. Grâce à une analyse philosophique de ces études scientifiques, Thibault De Meyer défend une forme de perspectivisme relationnel, qu’il distingue et compare entre autres au perspectivisme linéaire. Ce livre est issue de sa thèse de doctorat (Le bestiaire de Brunelleschi. Le perspectivisme et sa réinvention en éthologie) réalisée sous la direction de Vinciane Despret et défendue en septembre 2022 à l’Université de Liège.
Depuis sa nomination en tant qu'académique en septembre dernier à l’UNamur, Thibaut De Meyer enseigne la philosophie des sciences et des techniques ainsi que la logique et l’argumentation. Dans le cours d’introduction générale à la philosophie, avec son collègue Nicolas Monseu, il tente de rendre la matière attrayante pour les étudiants grâce à des innovations pédagogiques, en créant des mini-spectacles, en apportant des blocs de Lego, etc.
Quant à ses projets futurs, il prévoit de se pencher sur l’histoire du test du miroir, les défis qu'il pose et les problèmes qu'il permet de résoudre, notamment en tant que test psychologique non verbal. Comme il le souligne, « Le miroir est plein d’énigmes ».

Vulnérabilité : agir et réfléchir
Vulnérabilité : agir et réfléchir
Aujourd’hui, plus de 18 % de Belges sont à risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. Face à cette réalité, l’indifférence ou le paternalisme sont encore trop souvent les seules réponses. C’est pourquoi la recherche, de la philosophie au droit en passant par l’économie, entend aujourd’hui mieux comprendre les différents visages de la vulnérabilité.

Cet article a été réalisé pour la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #32 de mars 2024.
Selon les chiffres les plus récents (enquête EU-SILC 2023), 12,3 % de la population belge présente un risque de pauvreté monétaire ; 6,1 % souffre de privation matérielle et sociale sévère et 10,5 % vit dans un ménage à faible niveau d’intensité de travail (moins d’un jour sur cinq par semaine). La valeur de l'indicateur européen « risque de pauvreté ou exclusion sociale » s'élève ainsi pour la Belgique à 18,6 %, soit 2.150.000 de Belges confrontés à au moins l’une de ces trois situations. Toujours selon l’enquête EU-SILC 2023, 15,5 % de la population belge indique avoir des difficultés ou de grandes difficultés à s'en sortir (indice de pauvreté subjective).
Des dynamiques complexes 2-3 - bandeau Enjeux.jpeg
C’est à destination de ces professionnels qu’a été mis en place, dès 2021, le Certificat en accompagnement de la grande précarité, fruit d’une collaboration entre le Centre Vulnérabilités et Sociétés de l’UNamur, l’HENALLUX (Haute École de Namur-Liège-Luxembourg), l’HEPN (Haute École de la Province de Namur) et l’UCLouvain. Soit une dizaine de jours de formation, assurés par une équipe pluridisciplinaire, pour mieux comprendre les dynamiques complexes générées par la grande précarité (sans-abrisme, surendettement, dépendances, non-recours aux droits, mendicité, etc.). Objectif ? "Aider ceux qui aident", en leur permettant de porter un regard réflexif sur leurs pratiques, d’utiliser des modèles théoriques pertinents, d’échanger avec des acteurs-clefs comme Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté (RWLP), d’approcher la précarité dans ce qu’elle a de plus intime par le biais du théâtre ou par la rencontre des acteurs des associations de terrain... « Le but est de répondre à un besoin, de rendre ça le plus pratique possible », commente Mathieu Rolain. Juriste, l’enseignant est par exemple intervenu cette année sur la mendicité en droit belge. « La constitution belge reconnaît que chacun doit pouvoir mener une vie conforme aux principes de la dignité humaine : c’est ce principe qui anime de nombreuses recherches du Centre Vulnérabilités et Sociétés de la faculté de droit de l’UNamur », résume-t-il.
Vulnérabilité existentielle
« La société avance dans la prise en compte des vulnérabilités, notamment dans l’espace public », estime Laura Rizzerio, philosophe à l’UNamur. Mais cette prise de conscience – ne nous y trompons pas – est marquée d’une certaine ambivalence : « Le droit, en essayant de protéger les personnes vulnérables, les stigmatise aussi », commente la philosophe. « Par exemple, si je demande des subsides parce que je suis une personne porteuse de handicap, cela me favorise mais cela m’exclut : en rentrant dans cette catégorie, il y a d’autres choses auxquelles je ne peux plus accéder. » Ainsi Laura Rizzerio constate-t-elle chez ses étudiants une réticence à se déclarer "à besoins spécifiques" : s’ils peuvent bénéficier de certains ajustements, notamment concernant les procédures d’évaluation, ils n’en restent pas moins mis physiquement « à part ». Parce qu’elle est à double tranchant, la reconnaissance de certaines vulnérabilités vaut d’être laissée à la discrétion des premiers concernés.
Le terme de vulnérabilité porte en lui de nombreux malentendus : être vulnérable, ce serait être fragile, faible, victime... Alors que la vulnérabilité est avant tout une condition de l’existence humaine à laquelle personne n’échappe. « On a beaucoup confondu cette vulnérabilité comme condition normale de toute existence – nous sommes des êtres dépendants, liés, finis – et les formes avérées de vulnérabilités, c’est-à-dire la manifestation de cette condition existentielle à travers la maladie, le handicap, la vieillesse... » Or, selon Laura Rizzerio, ce n’est que lorsqu’on reconnaît en soi cette vulnérabilité existentielle que l’on devient capable d’accueillir la vulnérabilité avérée. Une gageure, puisque nous sommes tous habités « par des formes de dénis ». « Le déni de vulnérabilité est presque aussi normal que la vulnérabilité elle-même. La vulnérabilité est d’abord une expérience : on ne s’en rend compte que lorsqu’on la vit dans sa propre chair. D’où le fait que, de premier abord, nous allons nier notre vulnérabilité. Soit en disant que c’est une question qui ne concerne que les autres, soit en en faisant une expérience limitée dans le temps – un "passage" – ou bien en introduisant une relation de pouvoir. »
La vulnérabilité est d'abord une expérience : on ne s'en rend compte que lorsqu'on la vit dans sa propre chair.
Pauvreté relative ou absolue
Si la vulnérabilité et la pauvreté n’ont rien de théorique pour ceux qui les vivent, l’objectivation de ces situations grâce à des indicateurs permet précisément d’orienter les politiques publiques. Benoît Decerf, économiste au Centre de recherche en économie du développement à l’UNamur et collaborateur pour la banque mondiale, travaille sur ces mesures de la pauvreté et des inégalités. « Notre travail, c’est d’opérationnaliser les questions posées notamment par les philosophes », commente-t-il. « Historiquement, on mesurait le développement grâce au PIB par habitant, c’est-à-dire grâce au revenu moyen. Or cette mesure a été beaucoup critiquée car elle ne prend pas en compte les inégalités : le PIB d’un pays peut aussi bien augmenter parce qu’un Bill Gates s’enrichit que parce que le sort des pauvres s’améliore. » C’est pourquoi, aujourd’hui, dans les pays développés, on se concentre davantage sur un seuil de pauvreté dit "relatif". Ainsi, en Belgique, est considéré comme "pauvre" le pourcentage de la population vivant dans un ménage dont le revenu disponible est inférieur à 60 % du revenu médian national, soit 1 366 € net par mois pour un isolé ou 2 868 € pour un ménage composé de deux adultes et de deux enfants de moins de 14 ans. Un Wallon sur cinq se trouve aujourd’hui dans cette situation.
La Banque Mondiale – institution financière internationale qui investit dans les projets des pays en voie de développement avec un objectif de lutte contre la pauvreté – cherche en revanche à identifier le nombre de pauvres de manière absolue. Elle s’est longtemps basée sur le seuil d’ "un dollar par jour par personne", réévalué depuis 2022 à 2, 15 dollars. « Cet indicateur permet une très bonne "comparatibilité" à travers l’espace et le temps », souligne Benoît Decerf. « L’objectif, c’est de pouvoir se faire une idée de la situation matérielle des gens : est-ce que le sort des pauvres s’améliore ou pas ? » Car les gouvernements construisent en partie leur légitimité sur ces indicateurs de pauvreté, qui permettent d’objectiver leurs résultats de développement. Ainsi, l’Inde, pays qui rassemble un très grand nombre des pauvres au niveau mondial, ne partage plus ses données avec la Banque Mondiale depuis 10 ans, « probablement parce qu’elle souhaite garder la main sur l’histoire qu’elle va raconter concernant l’évolution de la pauvreté dans le pays », commente l’économiste.
La mesure de la pauvreté intègre aussi de plus en plus des critères non monétaires, spécialité de Benoît Decerf. « Ces mesures de pauvreté multidimensionnelles prennent par exemple en compte l’accès à la santé, à l’éducation ou encore la sécurité. » Aujourd’hui, à ses objectifs de lutte contre l’extrême pauvreté et de promotion d’une prospérité partagée (c’est-à-dire d’une croissance économique qui n’accroît pas les inégalités), la Banque Mondiale a ajouté celui de "livable planet" ou "planète habitable". « Cela signifie que la Banque Mondiale prend désormais en compte des indicateurs liés à la préservation de l’écosystème et au changement climatique, donc au bien-être "futur" qui nécessite une planète pas top endommagée... »
La précarité en enseignement
En Faculté des sciences économiques, sociales et de gestion, les étudiants sont challengés sur la thématique de la lutte contre la précarité et la pauvreté. Dans le cadre du projet d’innovation de Bloc 3, inscrit dans l’approche pédagogique learning by doing, ils sont amenés à réfléchir à cette thématique dans l’objectif d’y apporter une solution innovante. Un projet conçu comme un incubateur à projets d’innovation sociale.
Des initiatives solidaires à destination des étudiants
La Solidarithèque
Gérée par les services sociaux de l’UNamur, de la HEAJ, de la HEPN, de l’HENALLUX et de l’IMEP en partenariat avec l’Association pour la Solidarité Étudiante en Belgique (ASEB), la Solidarithèque met chaque semaine à disposition des étudiants quelque 150 paniers alimentaires au prix de 5 euros. Ces paniers proviennent en grande partie des invendus de la grande distribution. Paysans-Artisans livre également une partie des fruits et légumes. « Beaucoup d’étudiants hésitent encore à franchir la porte », constate Maxime Gigot, de la Cellule sociale des étudiants. « Ils se demandent s’ils ont vraiment leur place... s’ils ne prennent pas le panier de quelqu’un qui en aurait davantage besoin. » Un "blocage" qui n’étonne pas cet assistant social. « On a toujours en tête l’idée qu’un bon pauvre, c’est un pauvre qu’on ne voit pas... » Ouverte à tous sur simple présentation de la carte d’étudiant, l’épicerie solidaire est une réponse concrète à une réalité invisible mais partagée par de nombreux étudiants.
Des fonds d’aide sociale en soutien
Le Fonds Social Camille Joset de l’ASBL CERUNA octroie chaque année et de longue date des subsides importants à l’UNamur en faveur de diverses formes de précarité étudiante, que les étudiants soient belges ou étrangers. Le Fonds Social Camille Joset soutient plusieurs dispositifs mis en place par l’université, tels que l’épicerie sociale, l’aide à l’acquisition d’équipement numérique, la lutte contre la précarité menstruelle ou encore les cours de FLE proposés aux étudiants réfugiés dans le cadre du projet Université Hospitalière.
Le Fonds Wynants-Sudan a été créé en 2020 à l’initiative d’Olivia Sudan, épouse du professeur Paul Wynants (1954-2018). Ce Fonds permet d’octroyer chaque année des bourses supplémentaires à des étudiants belges et internationaux suivant un cursus à l’UNamur, en particulier dans le domaine de l’aide d’urgence et de l’aide à la mobilité.
Ces soutiens interviennent de manière complémentaire aux aides octroyées annuellement par le Service des relations internationales et la Cellule sociale de l’UNamur.
Intégration : l'UNamur en soutien du parcours migratoire
Le parcours migratoire est un facteur de vulnérabilité important. Dans le cadre d’un projet d’Initiative Locale d’Intégration (ILI) subsidié par la Région wallonne, l’UNamur assure des cours de français langue étrangère (FLE) et des ateliers interculturels. Trois questions à Leila Derrouich, coordinatrice du projet ILI.
Omalius : Quel est l’objectif des cours de FLE ?
Leila Derrouich : Pour accéder à l’enseignement supérieur, les jeunes qui arrivent en Belgique ont besoin au minimum d’un niveau B2. Les cours de FLE visent à leur permettre d’accéder à cet enseignement. Mais à l’UNamur, nous avons la particularité d’aller jusqu’au niveau C1, soit le niveau juste avant le niveau "natif". Quand les étudiants accèdent à ce niveau, cela leur donne une vraie confiance en eux. Nous proposons en particulier un cours de français académique ou FOU (français sur objectif universitaire). On y apprend à acquérir des compétences académiques : faire une synthèse, un poster scientifique, un exposé oral... Ils peuvent aussi s’inscrire en auditeur libre et apprendre en parallèle le français de spécialité ou FOS (français sur objectifs spécifiques) de leur matière. La grammaire n’est alors plus un objectif, mais un moyen.
O. : Comment se traduit l’approche interculturelle ?
L.D. : Dans les cours, l’accent est mis sur les codes culturels du campus. Nous abordons aussi, en cours de français, les thématiques d’actualités, comme le réchauffement climatique. L’apprenant est considéré comme un acteur social : on l’invite à mettre en avant sa culture d’origine. Utiliser la langue française – qu’on ne maîtrise pas forcément – pour parler de quelque chose qu’on connaît bien est source de valorisation.
O. : Depuis 2015 et la mise en place des cours de FLE, quels résultats constatez-vous ?
L.D. : Nous avons aujourd’hui une Irakienne en master de sciences pharmaceutiques, un Syrien qui est devenu infirmier en soins intensifs en CDI et a joué un rôle important pendant la crise Covid, deux Albanaises qui vont elles-mêmes devenir formatrices FLE, un Afghan qui est devenu interprète sociojuridique, trois réalisateurs en audiovisuel... Nous avons de très nombreux exemples de réussite.
Omalius #32 - mars 2024
Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #32 (mars 2024).
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Arcadico : un outil pédagogique et de recherche pour penser l'Anthropocène
Arcadico : un outil pédagogique et de recherche pour penser l'Anthropocène
Le Centre de recherche Arcadie propose un outil critique pour penser l'Anthropocène, cette époque géologique nouvelle dans laquelle nous serions entrés : le dictionnaire Arcadie. Utopie, catastrophe, territoire, évolution… ce dictionnaire numérique explore les notions clés de la philosophie à la lumière des enjeux écologiques, sociaux et politiques de notre temps.

Au sein de l’Institut de recherche ESPHIN (Espace philosophique de Namur), le Centre Arcadie poursuit des recherches qui interrogent trois thématiques logées au cœur de notre contemporanéité : l'anthropocène, l'histoire et les utopies. Les chercheurs et chercheuses de ce Centre ont développé l’ '"Arcadico", un dictionnaire qui vise à composer un lexique philosophique à l’heure de l'Anthropocène.
« Notre volonté avec ce dictionnaire est de montrer que la philosophie, souvent considérée à tort comme une discipline close sur elle-même, peut être un outil pertinent pour réfléchir aux défis brûlants de notre époque, tels que les bouleversements climatiques et les autres aspects de la crise écologique » expliquent Sébastien Laoureux et Louis Carré, porteurs du projet. Avec ce dictionnaire, les chercheurs et chercheuses du Centre Arcadie tentent de donner un aperçu de ce qui a été écrit dans la tradition philosophique en les reliant à des questions éminemment contemporaines. « Par exemple, la notice du terme "progrès" revient sur l’émergence de cette notion, les critiques qui lui sont adressées, le tout avec un prisme philosophique mais également sous l’angle de l’anthropocène, de l’écologie », détaillent les deux chercheurs.
Conçues pour un public averti d’étudiants, de chercheurs ou de personnes intéressées par les questions philosophiques liées à l'Anthropocène, les notices du Dictionnaire Arcadie suivent une structure en trois points :
- Une définition qui présente la notion dans une perspective philosophique.
- Une analyse des problèmes que cette notion a soulevés et soulève, tant dans la tradition philosophique que dans le contexte contemporain.
- Une proposition qui ouvre des perspectives originales sur la notion.
« Par exemple, la notice consacrée au "progrès" commence par définir cette notion comme une amélioration générale de la condition de vie des êtres humains », illustre Louis Carré. « Elle analyse ensuite les critiques qui ont été adressées à cette notion, notamment celles qui soulignent que le progrès a souvent servi de prête-nom à des formes d'exploitation des ressources naturelles et de domination sociale. Enfin, la notice propose une réflexion sur la possibilité d'un progrès qui soit compatible avec les enjeux écologiques et sociaux de l'Anthropocène. »
Cet outil pédagogique permet de découvrir ou de redécouvrir des notions clés de la philosophie dans une perspective contemporaine. Il est également un outil de recherche qui contribue à la réflexion sur les enjeux philosophiques de l'Anthropocène, cette époque qui est aujourd’hui la nôtre.
Cet outil est amené à être enrichi régulièrement avec de nouvelles notices.
Explorez déjà les notices Anthropocène, Arcadie, Catastrophe, Évolution, Progrès, Prométhéisme, Territoire et Utopie.
Un projet de recherche FNRS
L’Arcadico s’inscrit dans le cadre du PDR FNRS « Ce que l’Anthropocène fait au temps. Recherche philosophique sur les historicités et récits de la crise environnementale ». Ce projet vise à interroger la crise écologique à partir de la nouvelle expérience du temps qu’elle produit et des transformations qu’elle provoque dans notre conception philosophique de l’histoire. L’Anthropocène vient en effet bouleverser la philosophie de l’histoire qui fondait la modernité : celle d’un temps orienté vers l’avenir et structuré par un progrès nécessaire de l’humanité. Contre cette vision linéaire et déterministe du temps historique, la possibilité d’un « monde sans nous » ouverte par l’Anthropocène introduit une rupture dans la course au progrès dont il s’agit de tirer toutes les conséquences. D’une part, en proposant une analyse critique des « grands récits » de l’Anthropocène qui continuent de se construire sur une conception classique de la temporalité, aussi bien dans ses versions optimistes que dans ses versions catastrophistes : un temps continu marqué par la nécessité du cours historique. D’autre part, en prenant acte de la complexification du temps historique qui a lieu dans l’Anthropocène et que le concept de « présent épais » doit nous permettre de saisir en introduisant de la discontinuité et de la contingence dans la marche de l’histoire. Enfin, en réfléchissant à la manière dont des utopies concrètes peuvent nous aider à penser et à agir à l’heure de la crise écologique, non pas en dessinant un avenir idéal, mais en travaillant de l’intérieur le présent de l’Anthropocène et ses contradictions.
Événements
Rentrée académique 2025-2026
Au programme pour tous et toutes
09h30 | Cérémonie d'accueil des nouveaux étudiants
11h00 | Célébration de la rentrée à la Cathédrale Saint-Aubain (Place Saint-Aubain - 5000 Namur) puis accueil des étudiants par les Cercles.
Cérémonie officelle de rentrée académique 2025-2026
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