« Cette économie est basée sur le développement de nouveaux produits et de nouveaux services venant de la convergence des technologies numériques et spatiales. […] Le New Space est avant tout un espace commercial dans lequel sphère publique et sphère privée se rejoignent dans une contractualisation ». Avec une plus grande démocratisation de l’accès à l’espace ? A. Castiaux porte un regard critique : « On peut s’interroger sur une course au développement spatial par les nations riches, qui reproduisent dans l’espace les inégalités sur Terre ». L’Humanité exporte également la problématique d’une consommation et d’un développement technologique responsables : « La surenchère des satellites dans l’espace est directement liée à notre hyperconsommation numérique sur Terre. Cela interroge nos propres usages et notre sobriété ». Une analyse qui souligne l’importance pour les sciences humaines et sociales de s’emparer du sujet et de proposer une approche pluridisciplinaire et multiculturelle du développement spatial, qui inclue des notions d’éthique, d’inclusion et de justice économique, sociale et environnementale.
C’est à cette fin que le panel d’experts était complété par Jacques Arnould, historien, théologien et premier éthicien au monde recruté par une agence spatiale nationale, le Centre National d’Études Spatiales (Paris). J. Arnould a rappelé les lignes directrices qui devraient guider l’exploration spatiale. « Dès les années 60, un corpus juridique de droit spatial international a été constitué. Les principes qui le fondent sont des principes de bien commun et de non-appropriation de cet espace ». Dans le Traité sur l’espace des Nations Unies, signé en 1967, il est précisé que les corps célestes ne peuvent faire l’objet d’appropriation nationale, par aucun moyen. « L’exploration et l’exploitation des ressources de la Lune, par exemple, sont définies comme étant l’apanage de l’Humanité dans son ensemble, dans l’intérêt des générations actuelles et futures ». Mais aujourd’hui, que fait-on de ce droit ? « On constate des velléités pour affirmer la défense des intérêts nationaux en matière d’extraction des ressources dans l’espace, sous l’administration Obama en 2015 par exemple. […] Il y a donc des questions de nouvelles gouvernances qui sont à inventer, dans l’esprit du droit spatial initié dès les années 60 et 70 ». Les acteurs du domaine sont aussi conscients des risques d’une exploitation débridée du cosmos, sans régulation. L’espace reste en effet un territoire hostile, où l’on peut être la victime de ses propres agissements. « Les acteurs du domaine spatial sont conscients des dangers. Ils sont les premiers à les subir. Ils doivent donc réfléchir à comment agir ensemble pour le bien de chacun et de tous ». Les trois intervenants ont conclu l’échange sur une certitude : celle de la nécessité absolue pour l’Humanité de relever, ensemble, les défis sociaux, sociétaux et environnementaux de la conquête spatiale pour gérer, de manière responsable et durable, ce « bien le plus commun à tous ».