Cet article est tiré de la rubrique "Impact" du magazine Omalius de juin 2024.
 

Quand elle commente la Convention internationale des droits de l’enfant, Géraldine Mathieu ne s’arrête pas aux 12 droits les plus souvent cités. « Si pertinente que soit la sélection opérée par le Défenseur français des droits (voir encadré), elle est loin de couvrir l’ensemble des droits de l’enfant : ce n’est pas pour rien que la Convention compte 54 articles !

Je préfère donc parler des 4 piliers de la Convention que sont "l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale", la protection de l’enfant contre toutes formes de discrimination, quels que soient notamment le mode de conception et le statut des parents, le droit à la vie, à la survie et au développement, et "le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant" et de voir cette opinion prise en considération. »

Géraldine Mathieu

Discrimination

Autrement dit, l’enfant est un être humain à part entière et, comme tout être humain, il est titulaire de droits fondamentaux, dont celui de connaître ses origines, afin de s’approprier son histoire et de forger son identité. « Ce droit est protégé par les articles 7 et 8 de la Convention », précise Géraldine Mathieu. « Et c’est là que la Belgique pratique, selon moi, une forme de discrimination inadmissible. Chez nous, si un enfant issu d’une procréation naturelle veut découvrir l’identité de son père biologique, la justice va l’y aider. Dans l’affaire Delphine Boël, par exemple, le roi Albert a été contraint sous astreinte à se soumettre à un test ADN. Pour les enfants adoptés, le nom de la mère biologique est inscrit dans l’acte de naissance : pour avoir accès à l’identité de sa mère, il suffit à l’enfant de demander une copie conforme de cet acte. Mais cette protection ne s’étend pas aux enfants nés d’un don de sperme ou d’ovocytes anonyme, dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA). » 

Serial donneur

À cet égard, la Belgique marque le pas par rapport à de nombreux pays européens, notamment la France, qui vient de lever l’anonymat du donneur. « Il ne faut évidemment pas confondre la levée de l’anonymat et l’établissement de la filiation juridique », souligne Géraldine Mathieu. « D’ailleurs, la quasi-totalité des pays qui ont levé l’anonymat du don ont bloqué tous les effets au niveau de la filiation. Mais les enfants qui le désirent doivent pouvoir obtenir des informations sur leur donneur, au moins non identifiantes – à quoi il ressemblait, son métier, sa personnalité, pourquoi il a fait ce don – mais idéalement aussi identifiantes, ne fût-ce que pour contrer la peur de la rencontre incestueuse avec un autre enfant issu du même donneur… Récemment, les Pays-Bas ont révélé l’existence d’un serial donneur, qui a engendré plus de 500 enfants ! » 

Biologie

En Belgique, le sperme d’un même donneur ne peut pas conduire à la naissance d’enfants chez plus de six femmes différentes. « Mais, lors du vote de la loi de 2007 sur la PMA, le droit à l’identité des enfants nés de cette technique a été complètement négligé », s’insurge Géraldine Mathieu. « Ils se sont d’ailleurs regroupés, en Belgique, au sein de l’association Donor Kinderen. Ces enfants ont le droit de se voir restituer tout ce qui fait qu’ils sont là aujourd’hui – le désir de leurs parents, bien entendu, mais aussi leur origine biologique. Dans la quête de l’identité, la biologie ne doit être ni surestimée, ni sous-estimée. » 

GPA

Pour les enfants nés d’une gestation pour autrui (GPA), il n’est pas facile non plus de faire respecter leurs droits en général, et leur droit à l’identité en particulier. « En Belgique, la GPA n’est pas interdite comme en France, mais elle n’est pas non plus réglementée », explique Géraldine Mathieu. « Alors, on bricole avec le droit commun… » Bien que les centres qui pratiquent la GPA refusent tout lien génétique entre la mère porteuse et l’enfant (elle ne fournit donc pas ses ovocytes), c’est son nom qui figure dans l’acte de naissance, et elle est donc sa mère aux yeux de la loi. Les parents dits d’intention doivent alors recourir à l’adoption pour officialiser leur rapport avec leur enfant. Il est également possible que le père d’intention reconnaisse l’enfant, puis que la mère d’intention l’adopte. À condition que la mère porteuse ne change pas d’avis… 

Hors commerce

« C’est pourquoi beaucoup de couples tentés par la GPA se rendent à l’étranger, notamment aux États-Unis, où la mère porteuse s’engage par contrat à abandonner le bébé à la naissance, les parents d’intention étant considérés juridiquement comme les parents », détaille Géraldine Mathieu. « Mais il s’agit évidemment d’une relation commerciale, les agences de mères porteuses et les mères porteuses étant rémunérées. Or, un enfant ne peut être ni acheté ni vendu : il est hors commerce ! » En Belgique, plusieurs propositions de loi visant à encadrer la GPA ont déjà été déposées. « Mais aucune ne parle des droits de l’enfant », constate Géraldine Mathieu. « Pourtant, contrairement à l’adoption, dont le but est de trouver une famille à un enfant qui en est privé, la GPA consiste à fabriquer un enfant pour un couple qui en veut un. Le jour où on légiférera pour l’encadrer, il ne faudra pas oublier qu’il n’y a pas de droit à l’enfant, mais seulement des droits de l’enfant, et que tout enfant a le droit de savoir d’où il vient. »   

Marie-Françoise Dispa 

Les 12 (principaux) droits de l’enfant

Ces 12 droits, sélectionnés par le Défenseur français des droits, sont inscrits dans la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989 :   

  • droit à l'égalité 
  • droit d'avoir une identité 
  • droit de vivre en famille 
  • droit à la santé 
  • droit à l'éducation et aux loisirs 
  • droits à la protection de la vie privée 
  • droit à une justice adaptée à son âge 
  • droit d'être protégé en temps de guerre 
  • droit d'être protégé contre toutes les formes de violence 
  • droit d'être protégé contre toutes les formes d'exploitation 
  • droit de s'exprimer et d'être entendu sur les questions qui le concernent 
  • droits de l'enfant en situation de handicap de vivre avec et comme les autres 

Mais les droits de l’enfant sont beaucoup plus nombreux, comme en témoigne notamment la liste établie par la Fédération Wallonie-Bruxelles pour expliquer la Convention aux enfants de 3 à 6 ans.

Cet article est tiré de la rubrique "Impact" du magazine Omalius #33 (Juin 2024).

Couverture Omalius#33