Il y a quatre ans, le « Projet innovation » des étudiants de Bloc 3 en ingénieur de gestion et en économie et gestion a été repensé pour être davantage en lien avec les objectifs de développement durable (ODD) et ses enjeux en matière d’innovation. Deux constats sont à l’origine de ce repositionnement : l’importance des défis sociétaux actuels et la mobilisation et l’engagement de la nouvelle génération par rapport à ces thématiques. Chaque année, les étudiants tenteront de proposer des solutions innovantes concrètes pour résoudre un défi lié à un ODD. Cette année, la thématique de la précarité et de la pauvreté a été sélectionnée, en lien avec des services ou domaines importants comme l’éducation, la santé et la nutrition, la migration, l’accès aux logements et à l’emploi.

Tout au long de leurs cours, les étudiants sont amenés à mobiliser de nombreuses compétences : innovation, gestion rigoureuse d’un projet, étude de la perception et des conditions de faisabilité de l’innovation retenue via deux collectes de données, gestion de la dynamique de groupe, l’anglais… « L’objectif est de permettre aux étudiants de prendre action et d'aller au-delà de la mobilisation pour devenir des acteurs de changement. Dans ce cours, le "learning by doing" est poussé à devenir un "learning by action" ». Explique Wafa Hammedi, professeure à la Faculté des sciences économiques, sociales et de gestion. Véritable incubateur de projets d’innovation sociale, cette unité intégrée encourage à un changement d’attitude et de posture de la part des étudiants, devenant de réels leaders d’opinion.

Ce projet se distingue par sa méthode pédagogique immersive, visant à engager les étudiants avec les défis et problématiques étudiés de différentes manières.

Immersion physique

Deux journées de mise au vert sont organisées à l’extérieur du campus pour le lancement de ce projet, afin d’aider les étudiants à s’approprier leur sujet d’étude. L’année dernière, pour traiter de la problématique du handicap et de l’inclusion, c’est au sein de l’ASBL La Bastide, un centre résidentiel pour adultes sourds, que les équipes se sont rendues pour une immersion totale autour de leur thématique de travail. Au programme : témoignages de personnes concernées par la thématique, utilisation de technologie immersive, exercices ludiques favorisant la cohésion d’équipe et le processus créatif. « Ces deux journées nous ont vraiment permis de souder les liens du groupe », explique Manon, étudiante en ingénieur de gestion. « En passant autant de temps ensemble pour réfléchir au projet, nos idées ont fusé. »

Immersion sensorielle et expérientielle

En innovation sociale, la méconnaissance des problèmes traités par les étudiants (handicap, pauvreté, immigration…) peut entraîner des biais importants, des stéréotypes et une distance cognitive pouvant impacter la qualité des solutions proposées. Afin de leur permettre d’appréhender au mieux la thématique, de prendre le point de vue des populations cibles (« perspective taking ») et de développer de l’empathie, l’équipe enseignante a fait appel à des sociétés expertes dans les technologies immersives.

L’année dernière, la société HandiReality, spécialisée dans la sensibilisation aux handicaps dans le monde du travail, était présente pour plonger les étudiants dans une expérience de réalité virtuelle. Équipés d’un casque de réalité virtuelle et au travers de différents scénarios, ils ont pu se glisser dans le quotidien de personnes porteuses d’un handicap et ils ont pu vivre et ressentir plusieurs contextes professionnels en situation de handicap. Une approche ludique et impliquante pour ouvrir son regard sur cette thématique. « Je travaillais sur le handicap auditif et la réalité virtuelle m'a fait prendre conscience de la difficulté que cela représente. J’ai pu me rendre compte que les appareils auditifs n’étaient pas aussi performants que ce que je pensais, ça a été un choc pour moi. » explique Manon.

Cette année, c’est Empathy Museum, une ASBL venue d’Angleterre, qui proposait une expérience d’immersion aux étudiants, intitulée « A mile in my shoes » (Un kilomètre dans mes chaussures). Pour cette activité, les étudiants ont pu enfiler une paire de chaussures qui appartenait à une personne ayant vécu une situation de vulnérabilité. Cette situation, ils ont pu la découvrir grâce à un témoignage audio. « Ce sont des histoires qui semblent venir d’une fiction, je ne m’attendais pas à ce que ce soit réel. Ça m’a fait me rendre compte de la réalité », explique Naomie, étudiante. « Les histoires étaient très poignantes et nous ouvrent l’esprit. Le fait de porter les chaussures rajoute une dimension supplémentaire. On revit son expérience et son vécu », ajoute Claire, étudiante.

Cette approche vise à résoudre les biais, à accroître l'empathie envers les populations cibles, et à développer des projets centrés sur l'humain avec un impact significatif, ce qui a une conséquence majeure sur le niveau d’engagement des étudiants et la qualité des travaux proposés.

Immersion interactive

Le projet se distingue par son réalisme, mobilisant chaque année différents acteurs liés à l'ODD en question, tels que WEentreprendre, l'AVIQ, l'ASBL La Bastide, le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté et le Relais Social Urbain Namurois. Inviter des experts et des parties prenantes permet de favoriser le partage d'expériences et de points de vue, permettant une meilleure compréhension des enjeux étudiés.

L’année dernière, des entrepreneurs porteurs de handicaps étaient également présents pour partager leur vécu et leur parcours inspirant. Parmi eux, Lucio Scanu, co-fondateur de Sten.care, un réseau social gratuit destiné aux personnes confrontées aux difficultés de la vie quotidienne en raison de leur handicap ou d’une maladie. La mission de cet outil est de rompre l’isolement et faciliter l’entraide des personnes d’une même zone géographique. Des témoignages poignants et inspirants qui ont su susciter l’intérêt de l’ensemble des étudiants et de l’équipe enseignante. « Toutes ces expériences ne sont que plus motivantes pour la suite du projet, on veut vraiment faire partie du changement ! Trouver des solutions et aider comme on le peut, on espère vraiment trouver une idée qui aura un bel impact ! » témoigne Manon.

Cinq mois pour innover

C’est au mois de juin que les étudiants présenteront leurs projets devant un jury composé de l’ensemble de l’équipe pédagogique et parfois des intervenants externes. « Dans le cadre de ce projet, nous encourageons activement les étudiants à aller jusqu'à la phase de prototypage. Nous fournissons un soutien financier à ceux qui souhaitent pousser plus loin le développement de leurs solutions. Car, au terme de ce projet, on espère avoir des contributions réelles de nos étudiants qui peuvent être valorisées au niveau régional, national et pourquoi pas international », conclut Wafa Hammedi

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