Cet article est tiré de la rubrique "Alumni" du magazine Omalius de septembre 2024.

Lorsqu’il était enfant, les entrepôts et les allées de grands magasins étaient le terrain de jeu privilégié de Frank Mestdagh, ancien étudiant de l’UNamur. Aujourd’hui intégré au Groupe Intermarché, la SA Mestdagh est depuis plus d’un siècle un acteur historique de la grande distribution en Wallonie et à Bruxelles. Si après ses études en sciences économiques et sociales, Frank Mestdagh a d’ailleurs travaillé dans différents domaines, il a fini par renouer avec l’ADN familial. « J’ai repris une entreprise qui découpait de la charcuterie pour la grande distribution, avec progressivement une prise de conscience autour du fait que le modèle ne me correspondait pas », raconte-t-il. C’est à ce moment qu’il découvre la Ferme du Sart (aujourd’hui Otera du Sart), une enseigne française spécialisée dans les produits locaux. « J’ai trouvé ça vraiment très intelligent : on sentait la proximité avec les producteurs, il y avait moins de produits dénaturés et marketés à outrance. La France était et reste très en avance par rapport à ce type de commerce, probablement en raison d’un sentiment d’appartenance régionale, mais aussi parce qu’il y a un tissu de producteurs et d’artisans beaucoup plus important. » Frank Mestdagh commence alors à élaborer le projet des magasins D’ici et ouvre sa première boutique à Naninne en mai 2013. Trois ans après, un autre magasin – aujourd’hui fermé – voit le jour à Hannut. « Rétrospectivement, c’était une erreur. » En 2021, c’est Wépion qui accueille finalement avec succès un deuxième point de vente. 2025 verra l’ouverture d’un troisième magasin à Champion, toujours dans le Namurois.

Les liens au-delà de l’alimentation

Pour Élisabeth Bois d’Enghien, entreprendre est aussi une affaire de famille. « J’ai un père chef d’entreprise qui était un peu mon exemple en termes de vision et de management. Je crois que j’avais quelque chose à lui prouver en choisissant cette orientation. » Celle qui se considère avant tout comme une généraliste – « lors d’un bilan de compétences, on m’a dit que je pouvais faire à peu près tout, mais que je ne serai jamais une experte » – suivra un bachelier en sciences sociales et de gestion de l’UNamur, avec un intérêt particulier pour les cours de philo, socio, sciences sociales et histoire. « J’aurais aimé avoir la maturité d’aujourd’hui pour appréhender l’intérêt de la matière », analyse-t-elle. Quoi qu’il en soit, Élisabeth Bois d’Enghien est convaincue que c’est moins le diplôme qui fait la différence que « ce qu’on a dans le ventre. » En 2021, après un début de carrière dans les télécommunications et une période à « bourlinguer à travers le monde », elle rejoint l’aventure des magasins D’ici. « Ce qui m’a attiré, c’est toute l’histoire que racontait Frank, tout ce qui va au-delà de l’alimentation, ce que ça génère comme liens entre les personnes. » 

Un positionnement sans extrémisme 

De son côté, Jérôme Bette, diplômé en ingénieur de gestion de l’UNamur, a longtemps travaillé dans le marketing pour une chaîne de vêtements. « Avec tous les problèmes de fast fashion que l’on connaît », commente celui qui cherchait davantage de sens dans son travail. En 2022, il rejoint à son tour les magasins D’ici. « J’ai trouvé que la grande force du projet, c’est que nous ne sommes pas extrémistes dans notre positionnement. Cela nous permet, petit pas par petit pas, d’amener un public moins averti vers quelque chose qui a du sens », commente-t-il. « Là où, quand l’identité est très forte, ça peut être un frein. » L’enseigne a ainsi fait le choix du local plutôt que du bio. « Je dirais qu’au niveau des prix, nous sommes environ 10 à 15 % plus cher que la grande distribution tout en restant 10 à 15% moins cher qu’une enseigne bio », estime Frank Mestdagh. Pour Jérôme Bette, l’important est de travailler avant tout la qualité et la proximité. « Ce n’est pas réaliste de se battre sur les prix », résume-t-il. « Notre souhait, c'est que le client comprenne qu’il paie le juste prix et que c’est le prix qu’il paie ailleurs qui n’est pas juste. Quand le poulet est à 3 euros le kilo, c’est là qu’est le problème... ». « Le pari sera gagné quand tout le monde saura que nous faisons du local et non du bio », ajoute Élisabeth Bois d’Enghien. « Car le local, c’est une proximité géographique – avec 50% des produits qui viennent de moins de 50 km alentour – mais aussi relationnelle. Les producteurs, même s’ils viennent de plus loin, on connaît leur prénom… » Plus qu’hier encore, Frank Mestdagh croit à la pertinence d’un ancrage très local sur la région namuroise. « Aujourd’hui, nous avons des clients très attachés au concept, qui nous donne – tout comme les producteurs – un gros capital confiance », se réjouit le fondateur. 

Frank Mestdagh

1986-1991 : licence et maîtrise en sciences économiques et sociales à l’UNamur

2012 : création de D’ici 

Une anecdote : « Je me souviens d’avoir été par hasard dans l’ascenseur avec feu le professeur Charles Jaumotte, juste après qu’il ait dispensé son formidable cours d’introduction à l’économie. Il était à bout de souffle, épuisé d’avoir ‘tout donné’ aux étudiants. »

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Élisabeth Bois d’Enghien

2004-2006 : bachelier en sciences sociales et de gestion à l’UNamur, puis master à l’UCLouvain.

2021 : débuts aux magasins D’ici 

Un conseil : « Un conseil que j’ai reçu durant mes études et que j’ai suivi : être curieux, et s’ouvrir à l’inconnu, en nourrissant sa curiosité à travers tous types de secteurs et d’expériences. »

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Jérôme Bette

2002-2006 : licence en ingénieur de gestion à l’UNamur

2022 : débuts aux magasins D’ici

Un conseil : « Après deux premières années réussies dans la douleur, tout est devenu plus facile lorsque j’ai appliqué deux simples principes : assiduité et organisation. Ces études m’ont apporté la curiosité et le sens critique bien utiles pour décoder les enjeux qui me préoccupent et pouvoir y répondre au mieux. »

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Cet article est tiré de la rubrique "Alumni" du magazine Omalius #34 (Septembre 2024).

Une Omalius septembre 2024