Cet article a été réalisé pour la rubrique "Tomorrow learn" du magazine Omalius #28 de mars 2023.

Huit boites fermées et recouvertes d’un voile. Huit boites pour huit énigmes à résoudre, et pour huit questions à oser poser lorsqu’un professionnel de la santé se retrouve face à une personne qu’il suspecte d’être victime de violence conjugale. Mi-février, les étudiants de Bac 3 de Médecine de l’UNamur dans le cadre de leur cours de psychologie médicale, ont assisté à une séance tout à fait particulière, organisée dans le cadre de leurs travaux pratiques « communication professionnelle en santé ». Objectif ?  Les sensibiliser à la thématique de la violence conjugale, en se prêtant au jeu d’un escape game. « Nous avons déjà utilisé cette approche pédagogique pour former nos étudiants sages-femmes à détecter des situations de violence conjugale auprès de patientes enceintes. Mais nous savons que pour lutter le plus efficacement contre les violences conjugales et venir en aide aux victimes, une approche interprofessionnelle est primordiale. Pouvoir sensibiliser de futurs médecins avec notre expertise de sages-femmes est donc une formidable opportunité pour renforcer les complémentarités dans la prise en charge des patients » se réjouissent Milena Jarosik et Sophie Evrard enseignantes sages-femmes au Département paramédical de l’Hénallux.

 L’enseignement de la communication (inter)professionnelle en santé est encore trop peu présent dans la majorité des cursus en médecine. Pourtant, 70% des erreurs médicales sont dues à des erreurs communicationnelles.

Hélène Givron Phd, Coordinatrice pédagogique et maître de conférences au département de psychologie de l'UNamur

Dans leur programme, les étudiants du bachelier en médecine de l’UNamur suivent le cours de psychologie médicale qui comporte 20 heures de travaux pratiques dédiés à l’entrainement des compétences communicationnelles en santé. Ils y apprennent à gérer des thématiques complexes comme la colère d’un patient, l’annonce de mauvaise nouvelle ou encore détecter et aborder les violences familiales. « L’approche de cette thématique par cet escape game, nous a semblé pertinente à intégrer dans la formation de nos étudiants. D’une part, l’aspect ludique permet d’aborder ce problème grave et sensible en favorisant une certaine distanciation par rapport au thème. D’autre part, en confiant cette sensibilisation à des enseignantes sages-femmes, nous démontrons auprès de nos étudiants, toute l’importance de la collaboration et de la communication interprofessionnelles dans le domaine des soins aux patients », explique Hélène Givron, PhD, coordinatrice pédagogique et maître de conférences au Département de psychologie de l’UNamur.

Un projet innovant

« L’enseignement de la communication (inter)professionnelle en santé est encore trop peu présent dans la majorité des cursus en médecine. Pourtant, 70% des erreurs médicales sont dues à des erreurs communicationnelles. À l’UNamur, nous développons depuis 6 ans cet enseignement innovant sur base des recommandations de la littérature scientifique tout en l’évaluant régulièrement pour l’améliorer. La littérature indique que les médecins ne se sentent pas suffisamment formés pour identifier et aborder les violences familiales avec leurs patients. La loi du silence caractérise ces situations. Pourtant, penser aux violences conjugales dans les hypothèses diagnostiques est une condition indispensable à l’identification des personnes concernées. Cet escape game vient donc répondre à ce besoin de formation. Il fera par la suite l’objet d’une recherche afin d’en évaluer les effets », poursuit Hélène Givron.  

Il s’agit d’un projet innovant en matière d’enseignement puisque la Faculté de médecine de l’UNamur est la seule en Wallonie qui intègre cette compétence dans son programme de formation dès les bacheliers. 

L’escape game proposé aux étudiants les forme à repérer des signes, des mots, ou encore des comportements chez leurs patients qui pourraient révéler la présence de violence conjugale et à agir en conséquence. Les violences les plus fréquentes ne sont pas les plus visibles et leur impact sur la santé des femmes et de l’enfant à naitre est très important.  « La fréquence des consultations et le lien de confiance qui s’établit avec la femme lors de la période de la grossesse constituent une fenêtre d’opportunité pour lever le tabou et libérer la parole sur ces situations. Mais encore faut-il oser poser la question, poser les bonnes questions et savoir comment agir ensuite », explique l’équipe pédagogique UNamur-Hénallux.

Élaboré en collaboration avec Form@Nam et récompensé du prix Solidaris en 2022, l’escape game, commence par une courte vidéo brossant le portrait d’une femme, qui donne des indices pour résoudre les énigmes présentes dans une boite mystérieuse. « Il s’agit d’Anna. Anna, ça peut être votre sœur, votre cokoteuse, votre meilleure amie, votre collègue », rappelle Milena Jarosik. Chaque énigme répond à un objectif pédagogique précis défini sur base des recommandations professionnelles nationales et internationales. Répartis en petits groupes, les étudiants ont 45 minutes pour « oser poser les bonnes questions » et résoudre les énigmes. La séance se termine par un débriefing afin de mobiliser les connaissances sur les violences conjugales, de capitaliser les notions clés abordées dans les énigmes et de favoriser un transfert dans la pratique professionnelle. 

Une collaboration engagée

Cette initiative mise en œuvre par la Faculté de médecine de l’UNamur et le Département paramédical de l’Hénallux, et soutenue par l’institut de recherche Transitions, positionne les deux institutions comme engagées dans la lutte contre les violences conjugales. Elle s’inscrit dans une stratégie plus globale de collaboration entre acteurs de l’enseignement supérieur : l’UNamur et l’Hénallux sont ainsi partenaires dans plusieurs programmes de formation, dont le nouveau Certificat en discriminations et violences basées sur le genre.  

Omalius

Cet article est tiré du magazine Omalius #28 (mars 2023).