Avez-vous le sentiment d’être un héraut ?

Dans un pays comme le Burundi, devenu une grande prison à ciel ouvert, je me sens dans l’obligation de porter toutes ces voix, victimes de la tyrannie en cours au Burundi. Ce sont des milliers de compatriotes portés disparus depuis la crise de 2015, ou toutes personnes tuées qui réclament justice, toutes ces femmes violées et violentées régulièrement, la centaine de journalistes en exil, tous nos collègues restés au pays qui vivent douloureusement l’auto-censure. Oui, je porte en moi cette voix des millions de burundais qui vivent une pauvreté sans précédent administrée par un régime illégal, illégitime et sous enquêtes de la cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité.

Que signifie pour vous de recevoir les insignes de Doctor Honoris Causa de l’UNamur ? 

C’est pour moi une reconnaissance internationale d’un travail noble de journalisme au service de l’humanité. Le journalisme n’est pas une science exacte, c’est un métier en évolution dans le temps et dans l’espace. Au Burundi, notre journalisme ressemble à un combat pour les droits de ceux qui n’en ont aucun. En 20 ans de carrière, j’ai couvert des massacres des citoyens perpétrés par des agents de l’état, des assassinats politiques et disparitions forcées où des institutions onusiennes nous ont souvent déclarées leur impuissance, la fermeture progressive de l’espace démocratique, des cas de graves corruptions et détournements des deniers publics couverts par le sommet de l’état en passant par des mesures d’appauvrissement total d’une population abandonnée à elle-même. Après des exils temporaires dans les pays voisins pour se mettre à l’abri, j’ai connu la prison et des tentatives d’assassinat contre ma personne avant de quitter le pays, il y a bientôt dix ans. Une telle récompense est un baume sur un cœur meurtri par les évènements. C’est un message d’encouragement qui me montre, finalement, que le mal n’aura pas le dernier mot.

Quelle est votre définition de la liberté d’expression ?

La liberté d’expression, c’est mon identité. M’en priver, c’est comme me prendre une partie de moi. Pour le Burundi, je me bats pour la liberté d’expression en vue de la manifestation de la vérité, car, dans mon pays, le mensonge est devenu un besoin pour les dirigeants. 

Quel rôle pensez-vous que les médias doivent jouer dans la protection et la promotion de la liberté d’expression dans des contextes politiquement tendus ?

Un rôle de rassembleur, par la vérité des faits. Au-delà des faits, les médias doivent comprendre les phénomènes pour permettre la compréhension des citoyens. Cela passe par un journalisme d’investigation et la promotion d’un débat franc et sincère en toute objectivité. 

Quel message souhaitez-vous transmettre aux jeunes journalistes et aux citoyens du Burundi ?

À mes collègues journalistes, je leur dis NEVER GIVE UP, Dukomere (Soyons forts). La liberté a un prix, mais finit toujours par triompher. Nous serons alors fiers d’avoir participé à cette longue marche pour la liberté de nos compatriotes.

Marraine : Anne-Sophie Collard, Vice-Doyenne de la Faculté des sciences économiques, sociales et de gestion, Professeure en communication  

Parrain : Jean-Marie Baland, Professeur et directeur du Département d’économie  

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Discours officiel de la Rectrice, Annick Castiaux, prononcé lors de la Cérémonie officielle de rentrée académique. 

Epitoges des DHC 2024

Cet article est tiré de la rubrique "Far Away" du magazine Omalius #34 (Septembre 2024).

Une Omalius septembre 2024