Le défi technologique était ambitieux, à l’image de son objectif sociétal : offrir à la communauté des sourds et des signeurs en langue des signes de Belgique francophone (LSFB) un dictionnaire contextuel bilingue accessible gratuitement et partout en ligne, et qui puisse être interrogé dans les deux langues. Les dernières avancées en matière de reconnaissance des mouvements et de machine learning, exploitées par les équipes des professeurs Anthony Cleve, Benoît Frénay et Bruno Dumas (informatique) et couplées à l’immense base de données collectée par le LSFB-Lab (linguistique), avaient abouti à un prototype interrogeable en français et en LSFB via une webcam. Une première mondiale classée 5e parmi les 10 progrès scientifiques de l’année 2022 par le journal L’Écho.
Un an plus tard, le retour des utilisateurs et utilisatrices emmène déjà l’équipe du projet sur de nouveaux chemins, dans une optique d’amélioration continue. Et des utilisateurs, il y en a eu : en 12 mois, 3.400 personnes différentes ont consulté le dictionnaire, pour un total de 5.500 connexions. Un chiffre qui n’est pas anodin lorsque l’on sait que la communauté des signeurs en Belgique francophone représente environ 4.000 personnes. 80 % de ce public vient de Belgique, mais l’outil bénéficie également d’une audience internationale, principalement en France, aux USA et aux Pays-Bas. « Une enquête va être lancée auprès des utilisateurs afin de récolter leurs avis et pouvoir adapter l’interface de manière optimale à leur usage du site », indique Jérôme Fink (doctorant en informatique), l’une des chevilles ouvrières du projet.
« Plusieurs pistes sont déjà en cours de réflexion », ajoute la professeure Laurence Meurant, initiatrice du projet, directrice du LSFB-Lab et présidente de l’institut de recherche NaLTT : « Nous souhaiterions notamment résoudre certains problèmes d’affichage et améliorer la vitesse de fonctionnement afin que le dictionnaire puisse être utilisé facilement même en cas de connexion internet plus faible ». La disponibilité de jeunes chercheurs en informatique issus de l’équipe du professeur Anthony Cleve ainsi que les retours des utilisateurs issus de l’ASBL École et surdité, qui assure l’enseignement bilingue au sein de la communauté scolaire Sainte-Marie à Namur, sont particulièrement précieux pour l’évolution future de l’outil. Sibylle Fonzé, à la fois enseignante dans cette école et collaboratrice scientifique au LSFB-Lab, coordonnera dans les mois à venir la mise à jour des outils informatiques à l’aide des commentaires des utilisateurs de terrain. L’enrichissement du dictionnaire se poursuivra également, en parallèle, au sein du LSFB-Lab.
L’utilisation du dictionnaire dans le cadre scolaire ouvre même de nouvelles perspectives. « À la demande des enseignants et de l’ASBL École et surdité, nous travaillons actuellement, grâce à l’expertise de deux mémorants du Pr. Cleve et à celle de Pierre Poitier, doctorant en informatique, sur un nouveau projet appelé ‘Give me a sign’. Il a pour objectif le développement d’un nouvel outil qui, sous la forme de plug-in, rendrait le dictionnaire bilingue et les ressources sur corpus LSFB accessibles partout sur internet ou dans un document Word, facilitant de manière significative le travail des enseignants et enseignantes dans le cadre des activités de lecture et de synthèse de leurs élèves », poursuit Laurence Meurant.
En somme, il suffirait de cliquer sur un mot pour accéder à l’entrée correspondante dans le dictionnaire, comme c’est le cas actuellement sur internet avec le traducteur Google Translate. Une nouvelle perspective enthousiasmante donc, pour des équipes de recherche qui ont déjà tenu toutes leurs promesses.
Le dictionnaire est accessible gratuitement en ligne