Un qubit, c'est quoi ?

Le bit quantique ou qubit est l'unité élémentaire pouvant porter une information quantique. Comme le 1 et le 0 sont les deux états d'un bit classique ordinaire, un qubit est un système quantique à deux niveaux, qui représente la plus petite unité de stockage d'information quantique. La différence est que le qubit se trouve simultanément dans l’état 0 et 1, ce qui a des conséquences importantes sur la manière de stocker l’information.

Pour bien comprendre, il faut savoir que les matériaux moléculaires étudiés dans le cadre de cette recherche ont la particularité d’avoir un électron non-apparié. Ces composés spécifiques, qu’on appelle alors des composés radicalaires sont généralement très réactifs.

Le premier challenge a été de les rendre hyper stables, peu réactifs de manière à pouvoir étudier leurs propriétés optiques et magnétiques. 

Si on excite ces matériaux radicalaires avec de la lumière, il est possible de les faire passer d’un état doublet à un état quartet. « C’est comme passer d’un état OFF à un état ON, comme si on pouvait écrire de l’information dedans à la manière des bits classiques, les éléments de mémoire de nos ordinateurs. On parle d’étape d’initialisation », explique Yoann Olivier. Cependant, ces éléments de mémoire moléculaires ne se comportent pas comme des bits classiques mais comme des bits quantiques ou qubits.

Calculer et (re)initialiser encore plus vite

L’intérêt de cette recherche est double :

  • Elle est innovante car elle démontre qu’avec la génération d’un état quartet, on peut faire passer le qubit de 2 à 4 niveaux, donc en théorie de doubler le nombre d’opérations qu’un ordinateur peut réaliser en un temps donné. Imaginez ce que cela signifie quand on parle de supercalculateurs.
  • Elle est originale car elle prouve qu’on peut initialiser et lire ces qubits ainsi que les réinitialiser, tout cela dans un temps très court.

Ce qui est étonnant et très important à mentionner, c’est que ces propriétés physiques remarquables dépendent de manière cruciale de la structure chimique des matériaux ! 

Un groupe de recherche international

Cet article publié dans la prestigieuse revue Nature est le fruit d’une collaboration entre les experts de plusieurs institutions : l’Université de Cambridge et l’Université de Swansea (UK), le Centre International de Physique Donostia de San Sebastian (ES), l’UMons et l’UNamur (BE).

  • Les promoteurs : Richard H. Friend (Cambridge, UK), Emrys W. Evans (Swansea, UK), David Beljonne (UMons, BE), Yoann Olivier (UNamur, BE)
  • A l’UNamur : Prof. Yoann Olivier, Dr. Giacomo Londi, Dr. Danillo Valverde, Gaetano Ricci (Doctorant FRIA)

Le rôle de Yoann Olivier et son équipe UNamur a permis la compréhension des mécanismes de l’initialisation, de la lecture et de l’effaçage des qubits grâce à des techniques de modélisation moléculaire.

Une recherche interdisciplinaire innovante

C’est une recherche interdisciplinaire de longue haleine sur une thématique neuve dans l’étude des matériaux. Entre le 1er calcul et la publication dans Nature, 2 ans et demi se sont écoulés. Mais à terme, on peut imaginer remplacer les supercalculateurs actuels par des ordinateurs quantiques d’une puissance et d’une rapidité inégalées.

C’est un domaine passionnant, à la frontière entre deux disciplines qui semblent ne pas être compatibles. « L’occasion de faire de la nouvelle physique avec des matériaux moléculaires pour les physiciens et l’occasion de travailler sur des matériaux innovants aux propriétés physiques remarquables pour les chimistes », nous confie Yoann Olivier. 

On peut faire de la belle physique avec des molécules et découvrir de nouvelles molécules aux propriétés remarquables !

Professeur Yoann Olivier

Yoann Olivier avait rejoint l’UNamur en 2019 en tant que nouvel académique Chargé de cours aux Départements de chimie et de physique.  Il fait partie de l’Institut NISM, ce qui permet de renforcer l’équipe multidisciplinaire de chercheurs dans le domaine de la synthèse et de la fonctionnalisation de systèmes moléculaires et matériaux nouveaux (0 à 3D), du design de solides à architecture spécifique, des propriétés de leurs surfaces et du développement de techniques avancées pour l’étude de leurs propriétés physico-chimiques.

Être à moitié chimiste et à moitié physicien, ce n’est pas commun. Un challenge, certainement, mais aussi une belle opportunité qui se voit aujourd’hui couronnée de succès.

Bravo pour cette publication !

CV express

Yoann Olivier a obtenu sa licence en Sciences Physiques à l’UMons et a enchaîné par un doctorat en Chimie en 2008 toujours à l’UMons avec le Prof. Jérôme Cornil au sein du laboratoire de Chimie des Matériaux Nouveaux (CMN). De 2009 à 2013, il était Chargé de Recherche FNRS.  Durant cette période, il a effectué des séjours postdoctoraux à l’Université de Bologne (IT) et à l’Université de Cambridge (UK). De 2013 à 2019, il était de retour au CMN comme assistant de recherche.

A la fin de sa licence, il s’est intéressé à l’application de techniques numériques dans le domaine des sciences des matériaux. Pendant sa thèse, il s’est intéressé au transport de charge au sein de matériaux moléculaires π-conjugués utilisant une combinaison de techniques de modélisation moléculaire. Ses domaines d’intérêt sont la compréhension des processus électroniques dans les matériaux organiques 2D et les polymères conjugués, en utilisant une approche multi-échelle qui combine différentes approches de la chimie et physique computationnelle, notamment des méthodes de chimie quantique et de simulations de dynamique moléculaire.

Les applications de ses recherches sont nombreuses, tant d’un point de vue technologique (TV OLED, écrans de smartphones, …), de l’énergie (cellules photovoltaïques, panneaux d’éclairage, …) ou de la santé (appareils de monitoring, biosenseurs, …).

Titulaire d’un NARC fellowship 2021-2023 pour son projet FNRS-MIS « Imagine », Yoann Olivier est membre des Instituts NISM et naXys.

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