Vous avez suivi des études d’économie de gestion, puis vous vous êtes ensuite tourné vers le journalisme. Pourquoi ce changement ?
Comme beaucoup de jeunes de 17 ans, je ne savais pas trop vers quoi me diriger après mes secondaires. Mes parents m’ont conseillé de suivre des études d’économie, qui ouvrent beaucoup de portes. Il y a des cours que j’ai beaucoup aimé, notamment ceux de marketing où l’on travaillait sur des publicités. Mais je me suis vite rendu compte que je ne serais pas celui qui imagine les campagnes, mais plutôt le consultant qui analyse le public cible. Je ne me projetais pas dans le parcours classique de la consultance en grande entreprise. Je suis fier de ce bagage en économie, mais j’avais besoin de plus de concret et de créativité. C’est ce qui m’a conduit vers le journalisme.
Votre master en sciences de gestion vous est-il utile aujourd’hui dans votre métier de journaliste ?
Oui, il m’est utile de plusieurs manières. D’abord, les cours que j’ai suivis en économie, économétrie ou gestion m’ont appris à réfléchir de façon cartésienne. Avoir une formation supplémentaire au journalisme, comme en droit, en sciences politiques ou en gestion, c’est un réel atout. Ensuite, ces études m’aident à comprendre le fonctionnement des entreprises. Aujourd’hui, les dirigeants ont souvent des responsabilités managériales, mais reçoivent peu de formation pour cela. Mes cinq ans de gestion me donnent un avantage : je comprends mieux les systèmes hiérarchiques, les décisions des consultants. Ça m’apporte un regard critique et une meilleure compréhension des environnements professionnels dans lesquels j’évolue.
Qu’est-ce qu’il vous plait dans votre métier de journaliste ?
Je suis un drogué d’actualité. Ce que j’aime, c’est être là où ça se passe, quand ça se passe. J’adore l’adrénaline du direct, lors de grands événements comme une élection, une chute de gouvernement, un événement sportif… j’aime travailler dans ces moments-là.
Vous avez récemment couvert la présidentielle en direct de Washington. Que retenez-vous de cette expérience ?
C’était évidemment passionnant d’être sur place et de vivre cet événement en direct. Mais depuis que c’est arrivé, je suis dans une forme d’introspection professionnelle. Je trouve que ce qui se passe aux États-Unis met souvent un peu de temps avant d'arriver chez nous. Là, il y a un vrai changement de paradigme et de confiance par rapport aux médias traditionnels. Quelque chose s’est brisé entre les médias dits traditionnels, comme la RTBF, et une partie de la population. Est-ce qu’il n’y a pas une remise en question à faire aussi de notre côté, dans la manière dont on traite les choses ? Est-ce qu’on n’est pas nous-mêmes dans notre propre bulle ? Une critique est de dire qu’on voit toujours des informations qui renforcent nos biais cognitifs. Est-ce que nous, médias occidentaux belges, sommes aussi là-dedans et n’avons pas senti arriver une certaine forme de colère dans la population ? C’était passionnant de couvrir la présidentielle américaine, mais ça suscite aussi beaucoup de questions en moi.
Quelle est votre vision face à l’avenir du journalisme ?
C’est une réflexion à la fois éditoriale et managériale. Comment couvrir l’actualité de façon pertinente tout en restant créatifs, malgré des contraintes budgétaires ? Pour refaire le lien avec mes études, j’ai un peu un rapport d'amour haine avec la gestion. On connaît tous des entreprises où les structures hiérarchiques et les réunions qui en découlent étouffent toute forme de créativité de ses employés. Alors, comment structurer les rédactions modernes pour qu’elles soient efficaces sans brider l’innovation ? Et puis comment toucher un public plus jeune qui s’informe différemment, souvent sur Internet ? Cela pose aussi la question de notre présence sur les réseaux sociaux : ils permettent d’élargir notre audience, mais en même temps, ils renforcent des plateformes qui sont nos concurrentes.
Quels conseils donneriez-vous aux étudiants qui doutent de leur choix d’études et envisagent une réorientation ?
J’ai moi-même beaucoup hésité. J’étais assez pessimiste sur l’avenir, j’avais peur d’entrer dans le monde du travail. En me réorientant, j’ai trouvé un domaine qui me passionnait et, du jour au lendemain, je me suis dit : « Ça, je pourrais le faire avec plaisir ». Si vos études actuelles ne vous épanouissent pas, il existe de nombreuses possibilités pour changer de cap, comme des passerelles ou des masters 60. Le diplôme c’est une carte de visite, ce qui compte, c’est ce que vous ferez ensuite. Les premiers mois après la fin de vos études sont décisifs. Envoyez des CV, testez des choses, explorez ! C’est en essayant qu’on découvre ce qu’on aime.
Et aux futurs journalistes ?
Je vois beaucoup de jeunes reprendre les méthodes des anciens journalistes, leurs voix typiques par exemple. Ne cherchez pas à les imiter, faites ce qui vous ressemble. Vous êtes la nouvelle génération, vous connaissez vos codes, vous savez comment parler à votre public. Apportez cela au journalisme ! Osez, innovez et dites ce que vous avez à dire.
Que retenez-vous de vos années à Namur ?
Ce qui m’a marqué, c’est la ville. Après deux ans à Louvain-la-Neuve, j’avais besoin de me retrouver dans une vraie ville et Namur m’a fait beaucoup de bien. J’avais un kot dans le piétonnier avec des amis, on croisait de vrais habitants, on allait au marché… c’était très vivant. J’ai adoré étudier à Namur.