Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius de septembre 2024.

Parlez-nous de votre association Akamasoa. Quels sont les combats que vous menez et comment ceux-ci se concrétisent-ils ?

Akamasoa, qui signifie « Les bons amis » en malagache, est née de notre révolte face à une situation inhumaine où se trouvaient des milliers d’exclus dans les rues et au bord d’une décharge à Tananarive. Notre volonté était alors la réinsertion sociale des sans-abris de la capitale Malgache et de ses environs. Aujourd’hui, nos principaux objectifs sont d’apporter une aide d’urgence, accompagner le retour des familles qui souhaitaient rentrer dans leur lieu d’origine, scolariser les enfants, fournir des soins de santé, construire des logements dignes, créer de l’emploi, assurer la formation professionnelle, accueillir des sans-abris, donner l’accès à l’eau potable et à l’énergie, respecter l’environnement, assurer l’hygiène et la propreté, organiser des animations sportives… enfin, nous invitons les personnes que nous accueillons à redécouvrir la force de l’Esprit. Akamasoa, c’est aujourd’hui 35 ans de combat contre l’extrême pauvreté pour défendre la dignité humaine. Tout cela n’a pu être fait qu’avec foi, passion, force et persévérance. 

Le droit à l’éducation, à la formation et l’accès à la scolarisation sont au cœur de vos actions. Quel est le rôle de l’éducation auprès des jeunes ?

L’éducation est primordiale. C’est à l’école que l’on apprend le vivre ensemble, l’art de se respecter, de s’aider, se pardonner, travailler... À Madagascar, nous avons un proverbe qui dit « Ny fanahy no mahaolona » qui signifie « c’est l’esprit qui fait la personne ». Ce n’est pas la richesse, ni le savoir ou les diplômes. L’esprit fait de chaque personne quelqu’un d’unique. Sans cet esprit, nous sommes vides. À Akamasoa, l'école est obligatoire pour tous les enfants. Nous leur inculquons des valeurs fondamentales comme le travail, l’éducation et la discipline, qui sont essentielles pour s'intégrer dans la société et permettent de sortir de la pauvreté. En leur donnant les clés de l'éducation, nous leur offrons la possibilité de construire leur propre avenir et de devenir des acteurs du changement. 

Vous n’êtes jamais en colère face à tant d’injustice ?

Je suis révolté. Comment ne pas l’être ? Comment ne pas être scandalisé de voir les droits des enfants bafoués ? Qui n’est pas scandalisé de voir des enfants malnutris qui arpentent les rues la faim au ventre, des enfants qui ne sont pas scolarisés, qui ne peuvent pas se soigner, qui n’ont pas de maison digne ? Mais quand j’ai face à moi des milliers d’enfants, tous plus beaux et plus souriants les uns que l’autre, je ne peux pas être découragé. Je suis là pour aider la génération qui va nous suivre à vivre plus dignement. Tant que je peux agir, je souhaite participer à tout ce qui fait cette vie sociale. J’ai compris que là où il y a volonté et foi, il y a aussi une solution.  

Quel message voulez-vous faire passer ?

Nous sommes citoyens d’une même terre. Nos frères et sœurs Malagasy et d’Afrique sont quelques fois à bout de souffle. C’est pourquoi ils envahissent la citadelle Europe. À nous de réagir, de savoir recevoir avec un grand cœur de frère, toutes ces personnes de bonne volonté qui respectent le pays dans lequel ils arrivent, qui viennent en toute simplicité pour construire une vie meilleure dans la Terre que Dieu a créée pour tous les humains. Ce n’est jamais facile de sortir de nos tours d’ivoire où tout est facile et clair. Certainement que partager la vie avec des personnes d’autres civilisations, d’autres religions et d’autres coutumes, ne sera pas facile.  

Mais nous sommes d’abord tous humains. Avant d’être citoyen d’un pays particulier sur Terre nous avons tous le droit de liberté, d’égalité et de bonheur. Ensemble nous pouvons construire ce monde dans lequel, dans quelques siècles, il sera totalement naturel de dire : je suis de la planète Terre. Vous qui m’écoutez témoigner de cette expérience de combat quotidien, vous avez le pouvoir de faire cela là où vous vivez, là où vous travaillez, dans votre lieu habituel parce que c’est là où s’exprimera la vérité qui est en vous.  

Que signifie pour vous de recevoir les insignes de Doctor Honoris Causa ?

En 2018, j’avais reçu les insignes de Doctor Honoris Cause de l’Université privée d’Argentine. C’est donc la deuxième fois pour moi, mais je n’en reste pas moins surpris que l’on s’intéresse à notre travail. C’est au peuple Malagasy, qui m’a accueilli en frère et en ami, que je veux le dédier en signe d’amitié et dans un esprit de fraternité. 

Marraine : Géraldine Mathieu, professeure de droit de la famille et de droit de la jeunesse   

Parrain : Laurent Ravez, Professeur de philosophie et d’éthique 

Le Père Pédro avec son parrain, sa marraine et la Rectrice Annick Castiaux

L’association Akamasoa en quelques chiffres

  • + de 25 000 personnes ayant trouvé un logement décent 
  • 22 villages construits  
  • 27 établissements scolaires qui accueillent 18 000 élèves scolarisés de la maternelle jusqu’au lycée et l’université 
  • Des repas de midi servis aux 11 000 enfants du primaire 
  • 3 500 employés  
  • Une équipe de 600 enseignants et de 450 collaborateurs entoure Père Pedro  
Le Père Pédro

Discours officiel de la Rectrice, Annick Castiaux, prononcé lors de la Cérémonie officielle de rentrée académique. 

Epitoges des DHC 2024

La visite du Père Pedro Opeka à l'Université de Namur

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Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #34 (Septembre 2024).

Une Omalius septembre 2024