Le 26 juillet 2024 marque une date clé pour la Wallonie et ses traditions culinaires avec l’enregistrement de la dénomination « Saucisson gaumais » en tant qu’indication géographique protégée (IGP) par l’Europe. Ce label valorise les spécificités des produits du terroir, tout en préservant le savoir-faire unique des productrices et producteurs locaux. Parmi les acteurs ayant contribué à cette reconnaissance, l’Université de Namur, à travers le projet AgriLabel, a joué un rôle déterminant.

Créé en 2011 à l’initiative du Service public de Wallonie (SPW) et soutenu par le Cabinet du ministre wallon de l’Agriculture, le projet AgriLabel vise à accompagner les producteurs et productrices de la région dans l’obtention de labels de qualité pour leurs produits, notamment les appellations d'origine protégée (AOP) et les indications géographiques protégées (IGP). Informer les consommateurs sur les caractéristiques spécifiques de ces produits est l’un des objectifs poursuivis par l’Europe en octroyant ces labels, tout en les protégeant des imitations ou usurpations de nom de produit. Cet accompagnement repose sur un partenariat entre deux institutions académiques : l’Université de Liège-Gembloux Agro-Bio Tech et l’Université de Namur.

Dans ce cadre, l’Université de Liège-Gembloux se concentre principalement sur les aspects techniques liés à la production, tels que la caractérisation du produit et du procédé de fabrication ainsi que la délimitation de l’aire géographique de production. De son côté, l’UNamur se charge de démontrer le lien sociohistorique entre le produit et son terroir, sa réputation et sa notoriété dans le temps, éléments essentiels pour la reconnaissance d’une dénomination AOP ou IGP.

L’intervention de Natacha Aucuit : une expertise historique au service des produits du terroir

Natacha Aucuit, chercheuse spécialisée en histoire de l’alimentation à l’UNamur et membre de l'ILEE et Transitions, apporte, sous la supervision de la Professeure Isabelle Parmentier, une contribution clé au sein de la cellule AgriLabel. Depuis 2013, elle s’attelle à l’élaboration des demandes d’enregistrement de produits tels que, entre autres, la Fraise de Wépion ou le Jambon d’Ardenne IGP. Son rôle consiste principalement à établir un lien historique documenté entre le produit et son terroir, en s’appuyant sur des recherches rigoureuses et une démarche scientifique.

Dans le cas du Saucisson gaumais, ce travail a nécessité une immersion dans le passé agricole et alimentaire de la région. Historiquement, la Gaume, légèrement plus chaude que l’Ardenne, partage avec cette dernière un climat propice à l’élevage de porcs, alimentés en particulier de glands et de faines dans les forêts locales. Ces pratiques ancestrales, bien que délaissées au début du XXe siècle au profit d’élevages en porcherie, ont laissé un héritage durable, notamment dans la fabrication de saucissons. Le Saucisson gaumais, tout comme son cousin ardennais, se distingue par un processus de fabrication spécifique où la méthode de fumage et la texture de la mêlée confèrent au produit son caractère unique.

L’obtention du label IGP pour le Saucisson gaumais est le fruit d’un long processus. En effet, les démarches peuvent prendre plusieurs années, notamment en raison des phases d’élaboration, de consultation et des procédures administratives complexes au niveau régional, national, et européen, et des questions posées par les instances nationales et européennes. 

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Natacha Aucuit

La Cellule AgriLabel, bien qu’elle ne fasse pas de prospection, répond aux demandes des producteurs en fonction de leurs motivations et des spécificités de chaque dossier. 

Natacha Aucuit Chercheuse spécialisée en histoire de l’alimentation à l’UNamur et membre de l’ILEE

Actuellement, plusieurs autres dossiers sont en cours, tels que le Miel wallon au niveau européen et le Boudin blanc de Liège au niveau national. Ces initiatives témoignent de la dynamique continue de valorisation des produits du terroir wallons, basée sur les recherches historiques et techniques des deux universités partenaires.

En somme, AgriLabel, avec l’expertise de l’UNamur, accueille une démarche d’Histoire appliquée où la recherche académique est mobilisée pour valoriser et protéger le patrimoine gastronomique régional. Le succès du Saucisson gaumais en tant qu’IGP est un exemple éloquent de cette collaboration fructueuse entre savoirs académiques et savoir-faire locaux.

En savoir plus sur le sujet ?

Retrouvez un article autour du même sujet dans le magazine Omalius de juin 2018 (p.6).