Cet article est tiré de la rubrique "Tomorrow Learn" du magazine Omalius de mars 2024.

La promotion et la sensibilisation aux filières STEAM (Sciences, Technology, Engineering, Arts, Mathematics) et au numérique est au cœur du Plan de Relance de la Wallonie, notamment à travers la mise en réseau des acteurs de sensibilisation aux sciences et techniques, du secteur de l’enseignement/formation et des entreprises. Objectif ? Permettre à des jeunes – et en particulier aux filles qui délaissent souvent les filières scientifiques et technologiques – de développer un intérêt pour ces matières et plus tard de s’orienter et de se former à ces métiers en pénurie, pourtant indispensables aux défis que rencontrent nos sociétés.

Posture créative

Plateforme coopérative, STEAMULI fédère des initiatives et des organismes namurois actifs dans le champ des STEAM. Qu’il s’agisse de travailler sur l’image des métiers et des sciences, de mettre en place des parcours de découverte et d’appui aux apprentissages ou de dépasser les stéréotypes de genre grâce à une approche plus inclusive. Julie Henry, experte en didactique informatique et en genre, est aussi cheffe de projet STEAM et responsable de l’UNamur au sein de STEAMULI  : « Les STEAM permettent avant tout une approche par projet, avec une mise en avant de la créativité. Il s’agit donc de travail de groupe – chacun doit amener ses propres connaissances, acquises ailleurs – qui vise à répondre à un problème/un besoin sociétal en créant un produit. »

Dans ce cadre, le certificat en éducation aux STEAM mis en place par l’UNamur en collaboration avec l’Hénallux, Technobel, le Pavillon et FormaNam, propose aux enseignants d’acquérir de nouveaux outils dans l’enseignement des sciences, de la technologie, du numérique, de la technique et des mathématiques, en privilégiant une approche créative et innovante. « Si vous avez des exercices trop cadrés, ce ne sera pas l’idéal », commente Julie Henry. « En revanche si vous mettez les enfants en résolution de problèmes et que vous les sortez de leur zone de confort, vous leur permettrez d’être plus créatifs... »

Véronique Dethier, chercheuse à l’UNamur et autrice d’une thèse sur la gestion de la créativité, intervient dans ce certificat. « J’aborde avec les enseignants le processus créatif : quelles sont les méthodologies, les étapes de ce processus individuel et collectif, et comment travailler la posture créative. » Selon la définition de Todd Lubart, professeur de psychologie et spécialiste reconnu de cette thématique à l’Université Paris Descartes, « la créativité est la capacité d’un individu à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste. » Contrairement à certains a priori, elle serait loin d’être la chasse gardée des artistes. Pour Véronique Dethier, tout le monde est créatif : seulement, nous l’avons développée à différents niveaux « selon le contexte familial, professionnel et tout ce que l’on a pu développer dans notre parcours. » La créativité serait surtout un « état d’esprit », mobilisable par chacun. Une « pédagogie de la créativité » est donc possible, mobilisant notamment le « jeu sérieux » ... quelle que soit la complexité ou l’aridité supposée de la matière.

Défaire les stéréotypes

En créant des liens, l’approche STEAM permet aussi d’envisager une même problématique sous différents angles afin de proposer des réponses collectives et collaboratives. « L’objectif, c’est aussi de sortir des silos, de créer des ponts entre les matières et les facultés » commente Julie Henry. Derrière les STEAM ne se cachent d’ailleurs pas que des métiers intellectuels, mais de nombreux métiers manuels, souvent en pénurie et qui peinent en particulier à attirer les filles et les femmes. Parmi les partenaires de STEAMULI, on trouve ainsi le Forem car l’approche concerne, au-delà des enfants et des jeunes, tout le secteur de la formation continue. « Les demandeurs d’emploi sont aujourd’hui encouragés à se former à des métiers manuels en pénurie via des centres de compétences, qui proposent des formations courtes », analyse Julie Henry. « On sait qu’à l’avenir, les gens changeront de métier tous les 5 à 7 ans... Encore faut-il dépasser les stéréotypes concernant les métiers manuels et les stéréotypes de genre. Un seul exemple : dans les formations proposées aux demandeurs d’emploi, il faut que les métiers soient décrits aussi "au féminin", pour que ça parle aussi aux femmes... »

La socialisation de genre est en effet déterminante dans le secteur de l’emploi : les femmes s’orientent beaucoup plus fréquemment vers les métiers du "care", elles restent très minoritaires dans des secteurs comme la physique ou l’informatique et, tous secteurs confondus, elles continuent de faire beaucoup plus fréquemment "profil bas". « On sait qu’en regardant la liste à puces dans une offre d’emploi, les femmes ne répondent que si elles cochent toutes les puces alors qu’un homme répondra s’il en coche au moins deux sur cinq », rappelle Julie Henry. Déconstruire ces réflexes d’autocensure, c’est déjà le début de la créativité...

Julie Luong

Le parcours STEAMULE

Au sein de la Faculté des sciences de l’éducation et de la formation, une équipe est en charge de l’évaluation d’un nouveau projet : STEAMULE. Ce parcours annuel d’activités intersectorielles a pour objectif la sensibilisation aux métiers STEAM. Il s’adresse aux élèves de 1er et 2e secondaire, à travers des enseignants référents. STEAMULE vise à déconstruire les préjugés liés aux métiers (genrés, conflits de loyauté, etc.) et à soutenir l’orientation positive des jeunes en amont de leur premier choix d’orientation. Par ailleurs, il vise à accompagner et outiller les équipes éducatives dans leurs pratiques pédagogiques, comme le prévoit le Pacte pour un Enseignement d’excellence et notamment le référentiel « Formation manuel, technique, technologique et numérique ».

https://www.fondation-enseignement.be/fr/steamule

Cet article est tiré de la rubrique "L'invité" du magazine Omalius #32 (Mars 2024).