Depuis de nombreuses années des scientifiques de l’UNamur et de l’UCLouvain unissent leur expertise en biologie cellulaire et partagent leurs techniques pour tenter de décrypter certains mécanismes cellulaires. L’un d’eux consiste à comprendre comment les cellules interagissent avec les minuscules reliefs apparaissant sur la matrice extracellulaire. Leurs travaux viennent d’aboutir sur une importante publication dans Science Advances, avec comme premier auteur Benjamin Ledoux, ancien doctorant de l’UCLouvain et maintenant logisticien de recherche au sein de la plateforme Morph-Im de l’UNamur, supervisé par le Professeur Pierre Morsomme (Louvain Institute of Biomolecular Science and Technology (LIBST) - UCLouvain)  et le Professeur Henri-François Renard (Unité de recherche en biologie cellulaire animale (URBC) – Institut Narilis - UNamur). Ce travail est aussi le fruit d’une collaboration plus large avec des équipes de l’UCLouvain (David Alsteens du LIBST et Christine Dupont-Gillain de IMCN) ainsi que des Universités de Genève (Suisse) et Gyeongsang (Corée du Sud).

« Au sein de notre organisme, les cellules évoluent dans un environnement complexe, où elles sont soumises à divers stress mécaniques, tels que la compression, l’étirement, le cisaillement ou encore les déformations de la membrane cellulaire. Ces dernières sont souvent provoquées par le support sur lequel nos cellules adhèrent, qui peut être plus ou moins rigide, et plus ou moins « rugueux » », explique l’équipe de scientifiques. « Ce support est ce qu’on appelle la matrice extracellulaire. Sa rugosité correspond aux minuscules reliefs de sa surface, observables à l’échelle nanométrique ». Au sein de leurs laboratoires, les chercheurs ont donc étudié les déformations microscopiques de la membrane cellulaire induites par leur support d’adhésion, en s’interrogeant : « Nos cellules sont-elles capables de détecter ces minuscules déformations ? Par quel mécanisme ? Et surtout, sont-elles capables de modifier leur comportement en réponse à ces petites déformations ? ».

Pour répondre à ces questions, les scientifiques ont développé des supports artificiels sur lesquels les cellules peuvent adhérer et dont le relief est contrôlable à l’échelle nanométrique. Grâce à cet outil et à des techniques de microscopie avancées (plateformes IMABIOL du LIBST et Morph-Im de l’UNamur), les chercheurs ont observé que les cellules pouvaient percevoir ces déformations et modifier l'organisation de leur squelette ! « Nous avons identifié un mécanisme moléculaire liant la déformation de la membrane à la réorganisation du squelette cellulaire. De plus, nous avons découvert que cette réorganisation pouvait influencer le fonctionnement de certains récepteurs de la surface cellulaire, impactant directement le comportement des cellules », détaillent les scientifiques.

Leurs résultats mettent notamment en lumière le rôle crucial, dans ce processus, des protéines à domaine BAR, une famille de protéines spécialisées dans le remodelage des membranes cellulaires.

Leurs travaux pourront contribuer à la recherche sur le cancer, où les cellules tumorales sont souvent soumises à d’importantes contraintes mécaniques, ou encore dans le développement de matériaux biocompatibles tels que les prothèses ou les implants. « En modulant le relief de surface des implants, il est possible de modifier la façon dont nos cellules vont interagir avec ceux-ci, et ainsi favoriser leur acceptation par l’organisme tout en réduisant les réponses indésirables comme l’inflammation », précise l’équipe de recherche.