Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius de septembre 2023.

« La recherche et l’enseignement sont les deux piliers de toute université », rappelle Carine Michiels, vice-rectrice à la recherche. «Il est vrai que Namur a davantage une image de marque de type enseignement alors que la recherche y est très importante», poursuit-elle. «Notre spécificité est l’interdisciplinarité : nous sommes une université de taille moyenne, où les gens se connaissent et où il est plus facile de mettre en place des collaborations, notamment via les instituts de recherche.»

Dès 2010, en effet, un premier institut rassemblant des chercheurs de disciplines différentes autour d’une même thématique – en l’occurrence les sciences de la vie – se sont regroupés au sein de NARILIS (Namur Research Institute for Life Sciences), qui collabore étroitement avec le CHU UCL Namur. En 2017, dix autres instituts verront le jour afin de «structurer et officialiser l’interdisciplinarité».

La visibilité de la recherche namuroise s’en est trouvée encore renforcée. «Nous sommes présents dans des réseaux européens et mondiaux. Nous sommes par exemple très reconnus pour nos recherches sur la pédagogie, les liens entre éthique et numérique, les questions d’intelligence artificielle, la biologie moléculaire et les bactéries, les batteries, la chimie verte ou encore les manuscrits médiévaux», énumère, sans exhaustivité, Carine Michiels. «Par ailleurs, plusieurs de nos chercheurs ont récemment obtenu d’importants financements ERC de l’Union européenne, ce qui démontre la qualité de leurs recherches puisqu’il s’agit de bourses très compétitives.» Aux 11 instituts interdisciplinaires autour desquels s’organise cette recherche d’excellence, il faut encore ajouter les 9 plateformes technologiques qui regroupent des équipements scientifiques et des expertises de pointe. «Ces plateformes offrent la possibilité de faire des expériences de haut vol. Nous possédons aussi un observatoire astronomique et une bibliothèque universitaire avec de nombreuses ressources numériques», complète Carine Michiels.

Un ADN "bottom-up"

La recherche fondamentale et la recherche appliquée forment un continuum. Quelle que soit l’urgence des enjeux, la recherche fondamentale est le premier maillon sans lequel rien n’est possible. «Il faut un équilibre judicieux entre les deux », poursuit la vice-rectrice à la recherche. «La recherche fondamentale, c’est une recherche de connaissances, mais non une tour d’ivoire. Les chercheurs ont envie de faire quelque chose d’utile, bien sûr, mais acquérir des connaissances pour comprendre le monde qui nous entoure, c’est utile ! Si on ne finance que l’appliqué, on s’épuise.»

Pour autant, l’UNamur abrite de nombreux projets de recherche aux prises avec des enjeux très contemporains. «L’UNamur se distingue par sa grande convivialité et sa grande réactivité», commente Christine Culot, directrice de l’Administration de la recherche. « Il n’y a pas de cloisonnement comme dans de plus grosses structures, mais un continuum "enseignement-recherche-service à la société". On fait de la recherche fondamentale pour le plaisir d’enrichir les connaissances, mais aussi avec l’envie de servir la société. Et cela se fait spontanément, car à l’UNamur, nous avons une longue tradition de "bottom-up", qui consiste à faire remonter les besoins de la base. C’est dans notre ADN.»

Ainsi, des recherches menées par le LSFB Lab (Langue des signes de Belgique francophone) qui ont permis de développer récemment un dictionnaire bilingue contextuel français-langue des signes, issu des recherches les plus récentes en linguistique de la langue des signes et en informatique. « L’UNamur se distingue par son expertise dans certains domaines de niche comme celui-ci », commente Christine Culot. « Notre taille modeste nous permet de mobiliser une équipe de recherche multidisciplinaire autour d’une thématique, car nous savons qui fait quoi. » Alice Heylens, jeune chercheuse au sein du LSFB Lab, travaille par exemple sur l’analyse des erreurs et solutions de traduction de la LSFB vers le français. « L’une des forces de mon projet, c’est de savoir qu’il peut y avoir des retombées directes sur la formation des futurs traducteurs », explique-t-elle. « La recherche fondamentale, c’est important aussi, mais ça m’anime moins : je trouve que c’est plus simple de faire de la recherche quand les retombées sont sensibles. Même si je n’ai pas vocation à être une héroïne qui va tout révolutionner, c’est important pour moi que ce soit ancré dans la réalité. »

Certaines recherches académiques peuvent ainsi aboutir à la création de spin-offs, des sociétés qui valorisent les résultats obtenus et apportent une contribution concrète à la création d’emplois et à l’essor économique de la région.

Aujourd’hui, l'UNamur compte quelque 16 spin-offs, depuis TRAQUA, un bureau d’étude spécialisé dans les techniques d’analyses et de monitoring d’écoulements d’eau, jusqu’à SkalUP, qui propose un module d’intelligence artificielle à destination des entreprises, en passant par Straticell, entreprise spécialisée dans la compréhension de la biologie cutanée.

La démarche scientifique permet à tout le monde de développer son esprit critique, mais aussi d’apprendre à gérer un projet, c’est-à-dire : analyser une situation, développer une solution, la mettre en œuvre et gérer cette mise en œuvre. 

Carine Michiels Vie-Rectrice à la recherche de l'UNamur

Penser comme un chercheur

Connectée aux besoins de la société, la recherche entretient aussi un dialogue étroit avec l’enseignement, comme le souligne Florence Chainiaux, chercheuse qualifiée FNRS au Département de biologie, dont les recherches portent sur le vieillissement. « L’essence de l’enseignement universitaire, c’est d’être donné par des personnes très impliquées en recherche : nous devons être tout à fait "à la page" et mettre nos cours à jour en fonction de la recherche : il s’agit donc d’un enseignement très dynamique, qui doit être au plus proche des découvertes récentes et connecté à l’actualité », explique-t-elle. « Lorsque la question des vaccins contre la COVID était au cœur de l’actualité, nous en avons profité pour expliquer aux étudiants les différents types de vaccins, leur développement, et ceux qui étaient proposés pour qu’ils comprennent mieux avec quoi ils étaient vaccinés... Cela les aide aussi à mieux comprendre ce qui se passe, et à développer une approche critique face aux informations qui circulent et à être de vrais acteurs de la société. » Les étudiants sont aussi invités, tout au long de leur parcours, à se familiariser avec la réalité de la recherche.

Dès la 2e année de bac, on leur demande par exemple d’analyser une recherche scientifique récente majeure. « Puis, en master, dans des cours encore plus spécialisés, nous invitons des collègues extérieurs à donner des séminaires de recherche, ce qui permet d’ouvrir l’esprit de nos étudiants à ce qui se fait ailleurs », explique-t-elle.  « Pour leur mémoire de master, les étudiants vont être immergés dans une équipe de recherche : ils font alors partie intégrante de cette équipe, ils doivent générer des données expérimentales et les analyser. Ils apprennent également à avoir un regard critique par rapport à la littérature scientifique. Le but est d’avoir un socle théorique important, qui leur permette éventuellement d’entamer un troisième cycle. »

Malgré l’exigence du métier et son caractère très sélectif, de nombreux étudiants sont en effet attirés par la recherche. « Au cours de mes études, j’ai eu l’impression qu’il y avait un champ théorique à développer dans ce domaine de la traduction LSFB et je me suis dit : "pourquoi pas moi ? " », raconte Alice Heylens. Mais pour tous ceux qui feront carrière dans d’autres métiers, apprendre à penser « comme un chercheur » est en soi un enseignement précieux. « Cette initiation, cette familiarisation avec la recherche, c’est important pour tous », estime Florence Chainiaux. « Les étudiants apprennent que tout évolue tout le temps, que ce n’est pas figé, et cette ouverture d’esprit leur sera bénéfique, quelle que soit leur carrière future. » Carine Michiels appuie : « La démarche scientifique permet à tout le monde de développer son esprit critique – ce qui aujourd’hui est plus nécessaire que jamais – mais aussi d’apprendre à gérer un projet, c’est-à-dire : analyser une situation, développer une solution, la mettre en œuvre et gérer cette mise en œuvre. C’est aussi utile pour construire sa propre maison que pour développer une application de paiement en ligne... » Pour Alice Heylens, faire carrière dans la recherche est une chance, mais non un Graal à atteindre à tout prix.« Pour être chercheur, il faut savoir être autonome, gérer son temps, car au fond, sur le long terme, on attend beaucoup de nous. Y compris de gérer tous les aspects administratifs et de produire beaucoup... C’est un métier plein d’opportunités ! » Penser comme un chercheur, c’est aussi aborder la vie avec une certaine souplesse...

Christine Culot, directrice de l’Administration de la recherche (ADRE)

L’UNamur intégrée dans l’écosystème de l’innovation

Omalius : Comment est financée la recherche à l’UNamur ? 

Christine Culot : Nous fonctionnons avec une enveloppe fermée… Mais cela ne nous empêche pas de mener à bien des projets d’envergure et de capter un maximum de financement : deux tiers (33 millions du chiffre d’affaires en Recherche et Développement (R&D) proviennent de bailleurs de fonds extérieurs divers, comme par exemple la Région wallonne, le FNRS, l’Union européenne, d’autres bailleurs de fonds internationaux, des fondations, des entreprises... Car nous nourrissons aussi le secteur industriel.

O. : Comment les chercheurs peuvent-ils s’y prendre pour financer leur projet ?

C. C. : À l’ADRE, notre rôle est de maximiser l’utilisation de tous les budgets recherche et de trouver « le bon financement pour le bon chercheur ». Pour ce faire, nous avons identifié au sein de l’ADRE une personne relais pour chacun des instituts de recherche, ce qui nous permet d’avoir une bonne connaissance des différentes thématiques de recherche et profils des chercheurs et de faire le lien entre les financements disponibles et les besoins en recherche. On collabore aussi avec toutes les autres ADRE des universités de la FWB et on est très bien intégrés dans l’écosystème de l’innovation.

O. : Comment se passe le financement par les entreprises ?

C. C. : Le partenariat entre l’université et une entreprise est basé sur la confiance mutuelle.

Nous proposons par exemple du cofinancement pour attirer les entreprises et le privé : si elles apportent la moitié du financement, nous nous engageons à mettre l’autre moitié. C’est intéressant pour l’entreprise, qui profite de l’expertise de l’université, en toute confidentialité, et c’est intéressant pour l’université de pouvoir transférer, le cas échéant, ses résultats de recherche directement à l’entreprise intéressée.

Par exemple, nous avons eu une collaboration avec Stûv, une petite société de poêles à bois à Floreffe. On a commencé petit, et finalement cela a conduit à un projet cofinancé Région wallonne-Union européenne !

L’idée, c’est que la sauce prenne. Les petits ruisseaux font les grandes rivières et à l’UNamur, on est déjà une rivière...

Christine Culot Directrice de l'administration de la recherche

La recherche en quelques chiffres

11

instituts de recherche

9

plateformes technologiques

22

spin-offs

432

projets de recherche en cours

21,4

millions d'euros de budget R&D

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius#30 (Septembre 2023).

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