Omalius : Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à suivre des études d’économie ?

Marianne Collin : À l’époque, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. J’ai donc commencé un parcours assez généraliste qui pouvait me donner accès soit aux banques, soit à la politique. Mais à l’époque, je n’avais pas du tout de plan de carrière. J’ai d’abord commencé dans la section informatique, pour éviter toute la partie littéraire... J’étais plutôt matheuse. Mais après avoir reçu le cours d’économie générale de Monsieur Jaumotte en première candi, j’ai vraiment développé un intérêt pour l’économie pure, l’économie publique, les politiques économiques. C’est pourquoi je me suis orientée vers la macro-économie pure, la politique monétaire et le commerce international et non vers les sciences de gestion dans la deuxième partie de mon cursus. Avant même la fin de mes études, j’avais décidé que j’irais travailler à la Banque Nationale, institution où il est beaucoup question, justement, de politique monétaire.

O. : Que vous inspire le fait qu’on vous présente souvent comme « la première femme » à être entrée au comité de direction de Belfius, c’est-à-dire comme une exception dans un secteur où les postes à responsabilité sont encore majoritairement occupés par

M.C. : D’abord, je ne suis pas du tout une féministe. Je n’ai jamais senti de freins dans ma carrière parce que j’étais une femme. Après, quand je regarde autour de moi, il est vrai qu’il y a moins de femmes à de hauts niveaux de responsabilité et nous travaillons chez Belfius à des objectifs chiffrés – je n’aime pas trop le mot « quotas » – concernant l’engagement des femmes pour arriver à terme à la parité. Je me rends compte que si on veut plus de femmes, il faut en effet les aider parce qu’il y a quand même une chose où l’on est différente des hommes : on ne postule pour une fonction que quand on est parfaite pour la fonction. Si Marc Raisière ne m’avait pas poussée, jamais je ne serais où je suis car je ne me serais pas sentie capable... J’ai donc eu la chance dans ma carrière d’être accompagnée par des hommes d’exception, qui ne font pas la différence entre les hommes et les femmes. Et qui estiment au contraire que les femmes apportent énormément au niveau de l’intelligence collective dans les comités de direction.

O. : Dans quel sens, alors, soulignez-vous que vous n’êtes pas du tout féministe ?

M.C. : Dans le sens où je ne vais jamais défendre une femme si elle n’est pas compétente. Chez Belfius, à compétences égales, on fera aujourd’hui passer une femme devant car il faut rétablir un équilibre, mais il faut faire attention à ce que ça ne devienne pas un objectif en soi. Cela défavorisera les femmes à terme. Pour moi, le combat ce n’est pas « les femmes, les femmes » mais une complémentarité des fonctions, des profils. Je trouve qu’il faut réfléchir de manière plus large.

O. : Quelles compétences et qualités requiert le poste de « responsable des risques » dans le secteur bancaire ?

M.C. : Cela demande des compétences assez heuristiques. En tant que responsable des risques, je dois avoir une vue sur l’environnement économique, les projections économiques, les taux... Je suis aussi responsable des risques non financiers, ce qui demande de bien comprendre les risques qu’on prend quand on développe de nouveaux projets ou stratégies, mais aussi quels sont les risques externes, en termes de cyberfraudes notamment. Cela demande aussi des compétences humaines : je gère quand même 250 à 300 personnes et dans le risque, ce ne sont pas toujours des profils faciles... Ce sont souvent des profils « bleus » : très précis, qui travaillent en silos, très loyaux aussi et qui doivent aujourd’hui travailler de manière rapide, en collaboration avec des profils plus jeunes, plus agiles.

O. : Un métier qui fait sens pour vous ?

M.C. : Le secteur de la banque est souvent critiqué dans la presse, mais nous avons un rôle sociétal extrêmement important, que ce soit parce qu’on finance les rêves des particuliers ou parce qu’on accompagne la transition énergétique. Ce ne sont pas les marchés qui vont financer l’hydrogène ou la rénovation des bâtiments. Le métier de banquier peut paraître embêtant de l’extérieur, mais je le trouve beau. Chez Belfius, nous privilégions une approche très humaine. Pendant la crise covid, par exemple, nous avons appelé nos clients pour savoir s’ils avaient besoin de nous. Même si je ne dis pas qu’on est parfait : on a des choses à améliorer, notamment au niveau de l’accessibilité des agences, etc. Mais cette approche humaine, c’est ce qui fait notre différence par rapport aux autres. 

O. : Quels souvenirs gardez-vous de vos études à l’UNamur ?

M.C. : Un super souvenir en fait. J’ai une petite fille et j’espère qu’elle fera un jour ses études à l’UNamur ! D’abord en termes humains, avec de très chouettes professeurs, et surtout en termes d’amis. Aujourd’hui, mes copains d’unif sont toujours mes meilleurs amis et on est parrains et marraines de nos enfants respectifs, on part en vacances ensemble... On a tous des parcours très différents mais ces amitiés que j’ai liées au cours des études ont perduré. C’est ce qui me tient le plus à cœur.

Son parcours

  • 2003 Diplômée du master en économie de l'UNamur
  • 2004 Diplômée du master en économie financière de la KUL
  • 2004-2016 Banque Nationale de Belgique
  • 2017 Belfius
  • 2019 Membre du comité de Direction de Belfius en tant que Chief risk officer 

Cet article est tiré de la rubrique "Alumni" du magazine Omalius #32 (Mars 2024).