Cet article est tiré de la rubrique "Le jour où" du magazine Omalius de mars 2025.

Qui n’a jamais été heureux de découvrir une carte postale dans sa boîte aux lettres ? Aujourd’hui comme hier, ce petit morceau de carton circule sur des distances plus ou moins longues et fait savoir, en image et en quelques mots, que l’on pense à nous. Si l’usage des cartes postales décline de nos jours en raison de la concurrence des moyens de communication digitaux, celles-ci ont longtemps joué un rôle communicationnel fondamental au sein de notre société. Dès leur lancement en Autriche en 1869 (elles arrivent en Belgique deux ans plus tard), elles rencontrent un franc succès qui perdure au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Elles sont alors souvent utilisées pour fixer un rendez-vous, pour accuser bonne réception d’un colis ou tout simplement pour prendre des nouvelles d’un proche. Très rapidement, des amateurs se passionnent pour ces documents accessibles à tous en raison de leur prix modique, et en rassemblent de véritables collections. 

Un aperçu du Namur d’autrefois

À partir des années 1890, les vues chromolithographiques ou photographiques remplacent les contenus publicitaires qui prévalaient jusqu’alors. Ces images constituent de précieux témoignages : les journaux illustrés sont en effet coûteux (et donc inaccessibles pour le plus grand nombre) et le cinéma balbutie encore au début du 20e siècle. La carte postale devient donc un média éminemment populaire. Il n’était par ailleurs pas rare de faire tirer des portraits individuels ou de famille au format carte postale et de les envoyer à ses proches, à une époque où l’appareil photo n’était pas l’objet du quotidien que l’on connaît aujourd’hui. Dans la plupart des cas, l’image choisie par l’expéditeur permettait d’indiquer au destinataire le lieu d’où la carte avait été envoyée : celles qui présentaient des paysages ou des monuments remarquables étaient donc particulièrement recherchées. 

Les milliers de cartes postales conservées à la BUMP, dont plus de 3.000 sont déjà digitalisées sur le portail de numérisation de la bibliothèque (https://neptun.unamur.be/), permettent ainsi de découvrir le visage des différentes villes belges à la fin du 19e et au début du 20e siècle. Le fonds de la BUMP comprend, entre autres, plus de 400 cartes numérisées dépeignant l’aspect de Namur à cette époque : la ville se dévoile au travers de panoramas pris depuis la citadelle, de photographies de ses édifices les plus célèbres (la cathédrale, la citadelle, le théâtre, la gare...) ou encore de vues de la Sambre, de la Meuse ou des Rochers des Grands-Malades (entre Namur et Beez).

Les facultés en cartes postales

Parmi cet ensemble de vues de Namur figurent vingt-trois cartes postales qui permettent de découvrir le campus universitaire tel qu’il était en 1937. La série a été réalisée, probablement à la demande de l’institution, par le photographe namurois Jean Lemaire (1891-1967), qui était réputé pour ses portraits et pour ses travaux sur le patrimoine. Forte de son succès, cette série sera republiée à plusieurs reprises, avec l’ajout de quelques nouveaux clichés. Les cartes postales montrent les infrastructures qui abritaient jadis les activités de recherche et d’enseignement des Facultés. On peut notamment découvrir la coupole de l’observatoire astronomique historique, qui était situé à l’emplacement de l’actuel Observatoire Antoine Thomas sj de l’UNamur, ou la façade de la bibliothèque qui se trouvait alors à la rue Grafé. Si l’apparence de certains bâtiments a relativement peu évolué, ce n’est par exemple pas le cas de l’ancienne Faculté des sciences, également immortalisée dans la série, qui a été démolie et remplacée depuis lors par une construction plus moderne.

Les lieux d’enseignement, de recherche et de convivialité

Les photographies de Jean Lemaire mettent également en lumière les espaces qui étaient mis à disposition des étudiants et des membres du personnel. Plusieurs clichés montrent ainsi l’apparence des auditoires de l’époque, déjà dotés de strapontins, et des salles de travaux pratiques, comme la salle de microscopie (image 1) ou les laboratoires de physique et de chimie. Les rayonnages et la salle de consultation de la bibliothèque des Belles Lettres, au détour de laquelle on aperçoit plusieurs lecteurs (image 2), s’offrent également au regard. Les lieux consacrés aux moments de détente ne sont pas oubliés : plusieurs vues immortalisent ainsi le bar (image 3), le réfectoire, la salle de billard ou encore la salle des cercles. 

La série de cartes postales permet d’identifier et de dater le matériel scientifique et pédagogique utilisé à cette époque. À côté des tableaux de Mendeleïev et d’autres panneaux didactiques, les prises de vue montrent plusieurs instruments utilisés par les chimistes ou les physiciens, notamment une machine d’Atwood, qui permettait de diminuer l’accélération du mouvement et de vérifier les lois de la chute des corps. On y découvre également l’utilisation de modèles « Brendel », splendides supports pédagogiques en papier mâché utilisés dans la salle d’étude de la botanique (image 4), ou celle d’une « repro camera », qui servait à obtenir des reproductions photographiques extrêmement précises, par exemple, de dessins scientifiques et techniques. Si plusieurs de ces pièces sont aujourd’hui conservées à la BUMP (tels les modèles botaniques) ou au sein des départements concernés, d’autres ont disparu au fil du temps et ne sont connus qu’au travers de cette série de photographies. 

La collection de cartes postales conservée à la BUMP constitue ainsi un précieux témoignage sur la société qui les a vues naître. Vecteurs d’un lien social et affectif majeur aux 19e et 20e siècles, ces petits morceaux de cartons fournissent une documentation irremplaçable sur l’histoire de la ville et de l’Université de Namur et documentent une pratique sociétale presque désuète aujourd’hui, à l’heure de l’instantané et du numérique. Cette collection est aujourd’hui accessible gratuitement, à partir du portail de numérisation de la BUMP, à toutes les personnes curieuses de notre patrimoine.

Olivier Latteur

Cet article est tiré de la rubrique "Le jour où" du magazine Omalius #36 (Mars 2025).

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