Photo : Site de fouilles à Albas, Massif des Corbières (France) © Gaëtan Rochez (UNamur)

Les prédictions actuelles en matière d’évolution de la biodiversité face aux changements climatiques sont basées sur des modèles et scénarios issus d’études multidisciplinaires. Un article vient d’être publié dans la prestigieuse revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences), alimentant ces scénarios. L’idée originale des chercheurs ? Envisager une analogie entre la biodiversité du passé et celle du futur.

Pour comprendre, il faut remonter 56 millions d’années en arrière, à la transition entre le Paléocène et l’Éocène, période caractérisée par un intense réchauffement de la planète (nommé Paleocene-Eocene Thermal Maximum – ou PETM). Les paléoclimatologues considèrent que cette période est un analogue géologique du réchauffement actuel par son amplitude (augmentation de 5 à 8 °C) et par sa cause (un largage massif de CO₂ dans l’atmosphère, semblable à ce que nous connaissons aujourd’hui).

À cette époque, le réchauffement climatique a généré des perturbations majeures sur la faune. Ce changement du climat, bien qu’il ait été 10 à 100 fois plus lent que celui que nous subissons aujourd’hui, a coïncidé avec l’apparition des mammifères placentaires « modernes » (dont les humains font partie), mais aussi des artiodactyles (ruminants, chèvres…), périssodactyles (chevaux, rhinocéros…), chauves-souris, rongeurs, etc. Les perturbations climatiques intenses et rapides génèrent en effet des stress majeurs sur les écosystèmes : les organismes tentent de s’adapter, certains disparaissent car incapables de faire face à ces intenses modifications environnementales, tandis que d’autres se développent ou évoluent. Ce scénario était déjà bien connu…

Mais quelques milliers d’années avant le PETM, un autre épisode de réchauffement, nommé Pre-Onset Event (ou POE), est enregistré. Il est moins intense (+2 °C) que le PETM, et ressemble davantage aux perturbations climatiques actuelles, ce qui a conduit les chercheurs à investiguer ses impacts sur les faunes.

Johan Yans à Albas

Photo : A la recherche de fossiles par les collègues paléontologues de l’Université de Montpellier ©  ISEM

Les fossiles parlent

Des recherches de terrain ont été menées dans le Massif des Corbières, au sud de la France : les couches géologiques représentatives de cette période y sont nombreuses et épaisses. Grâce à la géochimie isotopique du carbone, les chercheurs namurois ont pu dater ces couches avec grande précision, permettant de détailler l’évolution des fossiles dans le temps.

Les fossiles ainsi découverts ont livré leur mémoire. Et cela remet en question les scénarios préalablement établis sur deux aspects essentiels :

  • Les espèces ont évolué rapidement dès le POE, événement climatique semblable aux perturbations actuelles.
  • Alors que les chercheurs pensaient que les faunes européennes étaient composées d’espèces endémiques cantonnées à l’Europe, ils ont découvert que ces animaux archaïques côtoyaient aussi des espèces plus modernes, comme des marsupiaux ou des rongeurs, ayant probablement migré d’Amérique du Nord lors du POE.
Echantillons de fossiles prélevés en cours de fouilles, Albas, France

Photo : Fossiles de mammifères découverts à Albas conservés dans de petits tubes de verre. Il s’agit ici de dents minuscules d’un petit mammifère « archaïque » nommé Paschatherium. © Rodolphe Tabuce

Ainsi donc, lors du POE, les espèces ont migré d’un continent à l’autre… Mais comment est-ce possible ? On pensait qu’à l’époque, le continent européen était relativement isolé des autres par des mers peu profondes. En réalité, à la suite du réchauffement climatique, de vastes étendues de forêts recouvraient les hautes latitudes (actuel nord du Groenland, Scandinavie et détroit de Béring en Sibérie), servant de « ponts terrestres naturels » pour les faunes forestières ! Les perturbations climatiques ont donc modifié la flore, qui a elle-même servi de passage entre continents pour des faunes « modernes », elles aussi en plein bouleversement.

Les perturbations climatiques du POE, semblables à celles enregistrées aujourd’hui, ont donc drastiquement influencé les faunes, notamment en facilitant des migrations intercontinentales. 

L’impact de ces événements déterminants durant le POE offre de nouvelles pistes de réflexion et d’étude sur l’avenir de la biodiversité dans le contexte du réchauffement climatique actuel et futur.

L'équipe du projet

« EDENs : Life during past super-warm climate events: Evolutionary Dynamics of Early EoceNe mammals from Southwestern France » est un projet multidisciplinaire et international auquel participent Johan Yans, Jean-Yves Storme et Gaëtan Rochez (Département de géologie et Institut ILEE de l'UNamur) depuis 3 ans.  Cette recherche réunit les expertises de différents partenaires : 

  • L’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (ISEM), Rodolphe Tabuce et Fabrice Lihoreau,
  • Géosciences Montpellier, Flavia Girard et Gregory Ballas.

Il est financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR-France). Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société.

Le développement durable à l'UNamur

L’université, dans ses missions, se doit d’être exemplaire en matière de Développement Durable en concordance avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies. 

Objectifs du développement durable

En matière de formation, outre les cours intégrant les ODD, l’Université de Namur propose le Certificat d’université de formation complémentaire en Développement Durable.  A destination des membres d'organisations, administrations, entreprises, écoles, etc. concernés ou simplement intéressés par les implications et les enjeux du développement durable, il a pour objectif de proposer une information aussi réfléchie et diversifiée que possible afin d'amener chaque participant à mieux positionner, dans son cadre professionnel, les problématiques liées au développement durable qui le concernent plus directement. 

En matière de recherche, les chercheurs travaillent à travers 11 instituts de recherche interdisciplinaires.  L’équipe de Johan Yans est active au sein de l’Institut ILEE - Institute of Life, Earth and Environment – et cette recherche est un axe des activités consacrées au Développement Durable à l’UNamur.