Le foie est le plus grand organe interne de notre corps et il joue un rôle essentiel dans de nombreuses fonctions vitales telles que la digestion et la détoxification. De ce fait, bien que malade, le foie est très bien équipé pour résister aux agents chimiques envoyés dans le corps pour le soigner, comme la chimiothérapie. Fort de son expertise dans le domaine de la multirésistance du cancer aux médicaments, le professeur Jean-Pierre Gillet, directeur du Département des sciences biomédicales et du Laboratoire de Biologie Moléculaire du Cancer de l’UNamur, est l’une des chevilles ouvrières d’un nouveau projet de recherche consacré aux mécanismes de résistance du carcinome hépatocellulaire mené en collaboration avec les docteurs Lionel D’Hondt et Quentin Gilliaux, oncologues au Service d’Oncologie médicale du CHU UCL Namur - site de Godinne.
Les récepteurs olfactifs sous la loupe
Ce projet porte sur les récepteurs olfactifs, des protéines localisées dans la membrane des neurones sensoriels de la cavité nasale, mais qui se trouvent aussi exprimés ailleurs dans le corps. Au-delà de leur rôle dans la détection des odeurs, ces récepteurs ont des propriétés hautement intéressantes en matière de traitement : ils constituent en effet des cibles thérapeutiques dites, en anglais, « highly druggable », c’est-à-dire particulièrement réceptives aux médicaments à petites molécules, mais aussi aux médicaments biologiques comme, par exemple, les anticorps. En d’autres mots, ce sont d’excellents candidats pour le développement de médicaments qui peuvent s’y lier efficacement et moduler leur fonction de manière à produire l’effet thérapeutique désiré. Sur base de la littérature existante et des travaux menés précédemment par le professeur Gillet sur le cancer hépatique, s’est posée la question suivante : y aurait-il des récepteurs olfactifs qui seraient spécifiquement exprimés dans la tumeur du foie et, le cas échéant, joueraient-ils un rôle dans son développement et ses mécanismes de résistance aux traitements ?
Pour répondre à cette question, une collaboration interdisciplinaire s’est mise en place entre différents partenaires. La Biobanque du CHU UCL Namur à Godinne, qui conserve des échantillons de tissus prélevés notamment lors de l’ablation de tumeurs, a permis de constituer une collection représentative de foies sains, de foies malades (cirrhotiques) et de tissus tumoraux hépatiques. L’ARN messager a été extrait de ces trois types de tissus, puis séquencé (une méthode qui permet d’identifier les gènes exprimés dans les cellules). L’analyse des données a ensuite été réalisée au sein de la Namur Molecular Tech, plateforme technologique de biologie moléculaire située sur le site universitaire de Godinne et dirigée par le Dr Degosserie. Ce travail a mené à l’identification de six récepteurs olfactifs exprimés spécifiquement dans les cellules tumorales, et jusqu’ici très peu étudiés. Ils constituent donc des candidats prometteurs pour approfondir l’hypothèse de départ : décrypter le rôle de ces récepteurs dans le développement des tumeurs du foie résistantes aux traitements.
Le soutien de Roche Belgium
Grâce à leur expertise conjointe et au caractère novateur de leurs recherches, l’UNamur et le CHU UCL Namur - site de Godinne ont obtenu une bourse de 50.000 € afin de poursuivre l’exploration du rôle de ces six récepteurs olfactifs. En collaboration avec le Laboratoire de recherche du CHU et en particulier la Dr Morgane Canonne, le Laboratoire de Biologie Moléculaire du Cancer de l’UNamur développe actuellement les modèles in vitro, comme les organoïdes, des mini-organes, à partir de biopsies de tumeurs de foie. Ces modèles permettront de tester le rôle biologique des récepteurs olfactifs au sein de la cellule : l’expression de ces récepteurs dans les cellules tumorales induit-elle une augmentation de leur prolifération ou de leur agressivité ? Contribuent-ils à accélérer la génération de métastases dans d’autres tissus ? Ou, au contraire, est-ce une absence d’activation de ces récepteurs qui participe à ces mécanismes ? En fonction de la réponse apportée à ces questions, il sera possible d’évaluer si ces récepteurs constituent de bonnes cibles thérapeutiques au sein de la tumeur primaire du foie en vue de bloquer sa capacité métastatique ou de freiner son développement. Objectif à terme : tester des traitements ciblés sur les cellules de ces modèles, pour envisager la mise au point d’alternatives thérapeutiques qui constitueront un nouvel espoir pour les patients.