1. Qu’est-ce qu’on entend par populisme et extrême droite ?

Les deux concepts sont souvent confondus. Contrairement à ce qu’il incarne dans le langage courant, où il est synonyme de démagogie et xénophobie, le populisme renvoie historiquement à des mouvements populaires, égalitaires et globalement progressistes ayant vu le jour en Russie et aux Etats-Unis à la fin du 19ème siècle, puis prospéré en Amérique latine au milieu du 20ème siècle. Malgré leurs défauts, ces mouvements n’avaient pas grand-chose à voir avec l’extrême droite. Cette dernière se caractérise par trois éléments : un nationalisme exacerbé, une vision autoritaire et inégalitaire du monde, et un rejet des principes libéraux (état de droit, séparation des pouvoirs, protection des minorités), voire démocratiques (droit de vote et principe de souveraineté du peuple). Ses fondements idéologiques remontent aux mouvements de réaction contre les principes de la révolution française au 19ème siècle et, bien sûr, dans les épisodes fascistes de l’entre-deux guerres. Aujourd’hui, on parle parfois de « droite radicale » plutôt que « d’extrême droite », pour signifier que ces partis, tout en gardant l’essentiel de leur matrice idéologique, acceptent désormais les règles du jeu démocratique.

2. Quel état des lieux de la montée actuelle de l’extrême droite en Europe peut-on dresser ? Et en Belgique ?

L’extrême droite (ou droite radicale) est en progression dans la plupart des pays européens, même dans ceux traditionnellement préservés tels que l’Allemagne, l’Espagne et le Portugal, que la mémoire encore vive du nazisme et de l’autoritarisme prémunissaient contre le retour de formations politiques de ce type. Depuis quelques années, elle est devenue une force capable de prétendre à l’exercice du pouvoir, même au cœur de l’Union européenne. En Italie, elle dirige le gouvernement ; en France, elle semble n’avoir jamais été aussi proche du pouvoir depuis le régime de Vichy.  

Les causes de cette ascension sont évidemment multiples. Si l’on devait en retenir une seule : le lent déclin de la « société civile », c’est-à-dire des corps intermédiaires (partis, syndicats, églises, associations, etc.) qui faisaient le lien entre le citoyen et les institutions. L’extrême droite d’aujourd’hui prospère là où le lien social est faible, c’est-à-dire là où les individus sont isolés, participent peu et n’ont pas d’autre moyen d’expression politique que ce vote de protestation.  

C’est dans ce contexte que le Vlaams Belang fait son grand retour dans le paysage politique flamand. Après sa traversée du désert dans les années 2010, où il s’était effacé au profit de la N-VA, il a engrangé d’excellents résultats en 2019 et est désormais annoncé comme première force politique du pays. Les craintes sont moindres du côté francophone : bien qu’une jeune formation d’extrême droite paraisse y avoir le vent en poupe, cette famille politique peine à percer au Sud de la frontière linguistique. Les raisons ? Un sentiment national moins prononcé qu’en Flandre et une forte présence des partis traditionnels dans la société. 

3. Quelles sont les stratégies politiques de l’extrême droite pour toucher son électeur et quelles sont celles pour la contrer ?

Ce n’est pas un hasard si l’extrême droite investit massivement dans les réseaux sociaux : ceux-ci lui permettent de communiquer directement avec cet électeur isolé qui constitue son cœur de cible, dans le contexte de délitement des liens sociaux que nous avons évoqué. La stratégie à adopter face à la progression de l’extrême droite doit alors être double : préserver (ou reconstruire) le lien social là où c’est possible, lutter efficacement avec les mêmes armes de communication là où c’est nécessaire. Là où elle fonctionne, la première stratégie rend la seconde inutile. La reconstruction de réseaux de solidarité au sein de la société – sur le modèle de ce que le PTB s’efforce de faire via les maisons médicales, les organisations de jeunesse et les syndicats – constitue une défense à long terme contre l’extrême droite. À défaut de celle-ci, il faut être capable de répondre coup pour coup à l’extrême droite sur les réseaux sociaux, et ne pas lui laisser le privilège d’apparaître comme la force moderne, neuve et dynamique contre des partis traditionnels vieillissants et « hors du coup ». De ce point de vue, il y a de nombreux enseignements à tirer des deux campagnes d’Emmanuel Macron à la présidentielle française.

4. Le phénomène de la banalisation : qu’en est-il ? Comment lutter contre ?

Sur le plan des idées, c’est sans doute la question la plus cruciale. La plus grande victoire de l’extrême droite, au-delà de ses succès électoraux, c’est bien celle-là : être parvenue à imposer ses idées à l’agenda, les avoir rendues banales et acceptables. Le vote récent du projet de loi sur l’immigration en France en a fourni la meilleure illustration, et c’est à juste titre que le Rassemblement national a pu le présenter comme une « victoire idéologique ». Face à cela, les partis traditionnels ont trois options : l’ignorer, la combattre ou adopter une partie de son programme. Si la première peut fonctionner à petite échelle, elle devient inefficace lorsque les partis d’extrême droite prennent de l’ampleur. La dernière, si elle permet parfois d’enrayer la progression de l’extrême droite à court terme, est souvent contre-productive à long terme, puisqu’elle conduit justement à banaliser les idées de l’extrême droite en les diffusant chez d’autres acteurs du système politique. Reste donc l’option du combat politique, idées contre idées, programme contre programme. Un tel combat ne sera néanmoins crédible que si les partis traditionnels évitent de stigmatiser les électeurs de l’extrême droite et s’attaquent également à la source profonde de son succès en réinvestissant le terrain social.

5. Le rôle du citoyen dans cette lutte contre la montée de l’extrême droite

L’extrême droite prospère souvent là où les électeurs se démobilisent. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas le Rassemblement national qui est « le premier parti ouvrier de France », mais bien l’abstention ! La conclusion est claire : contre l’extrême droite, il faut voter (sauf si vous comptez voter pour l’extrême droite bien sûr). Le caractère obligatoire du vote en Belgique rend cet enjeu moins aigu, puisque les taux de participation sont toujours très élevés. Mais, plus largement, si l’extrême droite vit de la démobilisation de la société civile, le mot d’ordre s’impose : organisez-vous, mobilisez-vous !

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