Cet article a été réalisé pour la rubrique "Euréka" du magazine Omalius #36 de mars 2025.

Capable de générer des faisceaux d'ions constitués de n’importe quel élément stable avec des énergies allant jusqu'à 16 Mega electron-Volt (MeV), l’accélérateur de particules permet l'analyse (IBA) et la modification (IBMM) de couches minces de nombreux matériaux. Stimulé par le besoin critique de nouveaux matériaux fonctionnels, le développement de ces techniques s’est accéléré au 21e siècle.  Elles sont essentielles dans de nombreux domaines de recherche fondamentale et sont également utilisées en recherche appliquée, au travers de partenariats industriels.

Des développements innovants sur mesure

Le rôle de Tijani Tabarrant est essentiel pour garantir le bon fonctionnement de cet équipement complexe. Il est responsable de sa maintenance afin d'assurer une continuité dans les recherches. En parallèle, il contribue de manière significative aux recherches en concevant et en développant diverses chambres à vide, qui sont cruciales pour nos expériences.  Pour mener à bien ces projets, il collabore étroitement avec l'atelier mécanique, dont l'expertise et les ressources sont indispensables. 

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Photo de Tijani Tabarrant

Grâce à leur soutien, je peux transformer mes conceptions en prototypes fonctionnels, en bénéficiant de leur savoir-faire en usinage et en assemblage. Cette synergie entre mon travail et l'atelier mécanique renforce notre capacité à innover pour répondre aux défis scientifiques du laboratoire, tout en veillant à la sécurité et à l'efficacité des opérations. 

Tijani Tabarrant Ingénieur Recherche et Développement, Département de physique et plateforme technologique SIAM

Des technologies de pointe au service des enjeux à venir

La force de l’IBMM (Ion Beam Modification of Materials) est de pouvoir modifier les propriétés électroniques, optiques, mécaniques ou magnétiques de divers matériaux de façon contrôlée. C’est ce qu’on appelle « fonctionnaliser les matériaux ».

L’IBA (Ion Beam Analysis) est une famille de techniques d’analyse non-invasives et très versatiles qui permet d’étudier la composition chimique des matériaux. Elle joue un rôle prépondérant, depuis des décennies en astrophysique nucléaire, science des matériaux, sciences du vivant ou encore sciences du patrimoine et archéologie.

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Paul-Louis Debarsy

Grâce à l’accélérateur et à un système bien particulier, il est par exemple possible de reproduire et mesurer les réactions nucléaires qui se produisent dans les étoiles. Ces données sont essentielles pour les astrophysiciens nucléaires afin de mieux comprendre l’évolution stellaire.

Paul-Louis Debarsy Spécialiste IBA, Département de physique et plateforme technologique SIAM

Matériaux

En microélectronique, l'implantation ionique, indispensable pour le dopage des semi-conducteurs, est une étape clé dans la fabrication des puces électroniques. L’IBA permet d’analyser la présence de ces dopants, mais aussi celle de l'hydrogène, un élément pouvant influencer la durée de vie des composants électroniques.

En ce qui concerne l’énergie nucléaire, les irradiations par faisceaux d’ions permettent de simuler les effets des dégâts radiatifs sur les matériaux utilisés pour l’enrobage du combustible nucléaire ou le stockage des déchets radioactifs. On évalue ainsi leur durabilité sur le long terme.

Dans les réacteurs, l’hydrogène issu de l’hydrolyse peut fragiliser les gaines de protection du combustible. L’IBA permet d’étudier ces phénomènes pour améliorer leur résistance. Par ailleurs, l’exploitation de la spectroscopie gamma pour caractériser les déchets radioactifs est indispensable pour faire face à un enjeu majeur : celui du démantèlement des centrales nucléaires.

Réservoir à hydrogène, éoliennes, panneaux phtovoltaîques, centrale nucléaire et puc électronique

Dans le domaine de l’aérospatial, les irradiations par faisceau d’ions permettent de tester la résistance des matériaux spatiaux face aux rayonnements cosmiques, améliorant la conception des satellites et des engins spatiaux.

Pour la production et stockage de l’hydrogène, l’IBA aide à concevoir des revêtements anti-diffusion. En effet, l’hydrogène est un tout petit atome qui diffuse facilement à travers les matériaux.  Le stockage de l’hydrogène est un enjeu clé pour la transition énergétique.

Dans la vie quotidienne, les écrans de téléphones, les pare-brise ou encore les fenêtres bénéficient de traitements de surface permettant de moduler leur opacité, mais aussi leurs propriétés anti-rayure, anti-reflet ou anti-salissure. Ces effets sont obtenus grâce à la synthèse et l’optimisation de couches minces de surface, en collaboration avec l’industrie du verre. L’IBA permet la caractérisation de ces couches minces, ce qui apporte une aide au développement de nouvelles fonctionnalités.

Sciences du vivant

Une des stations terminales d’ALTAïS est dédiée à l’étude de la réponse des cellules aux radiations (protons, hélium, carbone). 

Ainsi, les chercheurs peuvent procéder à des études sur :

  • la génération de cellules cancéreuses radiorésistantes et l’élaboration de stratégies pour les re-sensibiliser, 
  • l’implication de la mitochondrie dans la résistance à la radiothérapie ; 
  • l’influence de la composition des lipides membranaires sur la réponse au traitement par radiothérapie

Ils étudient l’effet FLASH - irradiation à très haut débit de dose - sur un ver C. elegans. L’effet FLASH permet de conserver le contrôle tumoral mais aussi d’épargner les tissus sains, ce qui est d’une importance capitale dans le traitement des tumeurs.

Ils effectuent également des reprogrammations de cellules du système immunitaire avec des nanoparticules d’or et le rayonnement ionisant (RX ou protons).

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Phoro d'Anne-Catherine Heuskin

En radiobiologie, nous utilisons des particules pour irradier des cultures de cellules cancéreuses afin de détruire leur matériel génétique et de les empêcher de proliférer.  C’est la base de la radiothérapie et de la protonthérapie. 

Anne-Catherine Heuskin Professeure au Département de physique et chercheuse au sein de NARILIS

Dans les années 2000, les chercheurs ont contribué à des études in-vivo sur l’incorporation du fluor dans l’émail des dents, qui ont permis d’améliorer la compréhension des processus de minéralisation des dents. 

Plus récemment, l’accélérateur a également été utilisé pour irradier des rotifères avant de les envoyer sur la station internationale ISS ainsi que des fourmis afin d’analyser et quantifier leur résistance dans des conditions extrêmes.

Rotifère, ver nematode C;elegans et forumi rousse
En haut à gauche : rotifère - en haut à droite : ver nématode C. elegans et en bas : fourmi rousse.

Patrimoine géologique, archéologie et culturel

Au Département de physique de l’UNamur, le professeur Guy Demortier, fut l’un des pionniers dans l’utilisation des IBA pour la caractérisation d’objets anciens ou de fossiles. Ces analyses contribuent à déterminer les méthodes de fabrication et la provenance des matériaux utilisés pour la confection des artefacts historiques, comme c’est le cas au laboratoire AGLAE, installé dans le musée du Louvre, qui effectue ce genre d’analyses quotidiennement.  L’analyse de la coloration d’objets géologiques naturels (par exemple, des spéléothèmes) apporte également son lot d’informations quant à l’évolution du climat et de l’environnement d’une zone géologique particulière.  

Mais il peut également s’agir de fossiles. L’étude d’un Anchiornis Huxleyi, ce dinosaure qui pourrait être le chaînon manquant vers l’évolution des oiseaux, a par exemple révélé la présence de soufre, correspondant probablement à la présence d’une plume. 

Pièces de monnaie anciennes, fossile d'Anchiornis Huxleyi et spéléothème
Pièces de monnaie anciennes, fossile d'Anchiornis Huxleyi et spéléothème.

Avec l’arrivée récente du Professeur Julien Colaux, un nouvel élan a été pris et s’inscrit dans une perspective plus large. 

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Julien Colaux

Nous développons actuellement un nouvel axe de recherches en sciences du patrimoine, notamment traduit par le lancement du projet interdisciplinaire ARC-Phoenix en octobre 2024. Ce projet regroupe des chercheurs en physique, archéologie et histoire qui travaillent à renouveler notre compréhension des parchemins médiévaux et des monnaies antiques. L'intelligence artificielle sera exploitée pour analyser les données générées.

Julien Colaux Professeur au Département de physique, chercheur à l'institut NISM, spécialiste IBA et porte-parole de la plateforme technologique SIAM

L’accélérateur ALTAïS fait partie des équipements de pointe de la plateforme technologique SIAM (Synthèse, Irradiation et Analyse des Matériaux).  

Les chercheurs des Instituts NISM, NARILIS et ILEE l’utilisent quotidiennement pour repousser les limites de l’inconnu. Le Département accueille également des activités de travaux pratiques d’étudiants en physique et biologie. 

Fortes de leur longue expérience dans les (nano)matériaux fonctionnels, la microélectronique, le photovoltaïque, les batteries, les sciences de la vie et les sciences du patrimoine, les équipes pluridisciplinaires de chercheurs sont des acteurs clé dans la compréhension de la matière au sens fondamental, des interactions physiques à l’échelle atomique et dans le développement de nouvelles technologies appliquées aux enjeux mondiaux actuels.

Les thématiques de recherche au Département de physique

La Département de physique se décline en 4 thématiques de recherche porteuses et originales :

  • La Physique du vivant 
  • Les matériaux : synthèse, simulations et analyses
  • L’optique et la photonique 
  • La didactique de la physique 

Cet article est tiré de la rubrique "Eureka" du magazine Omalius #36 (Mars 2025).

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