Bien sût ChatGPT va introduire du changement, de même que ses concurrents, en tête desquels Bard, l’outil conversationnel de Google. Mais comme l’enseignement et la recherche ont survécu à Wikipédia, ils pourraient survivre à ces chatbots intelligents. « Avec le Covid, on a dû introduire Teams en urgence, ce qui a sorti tout le monde de sa zone de confort et a changé la manière de donner cours, mais pas seulement en négatif. Cela a également amené plus de réflexion pédagogique et a contribué à faire évoluer les compétences numériques des enseignants, avec à la clef des dispositifs pédagogiques parfois impressionnants. Il y a eu des craintes, puis une phase d’apprivoisement jusqu’à ce que chacun l’utilise (ou pas) selon ses besoins. C’est probablement ce qui va se passer avec ChatGPT », estime Guillaume Mele.
Si beaucoup de professeurs s’y intéressent déjà, ChatGPT demeure d’ailleurs méconnu de nombreux étudiants. Marie Lobet, assistante au Département éducation et technologie (DET) de l’UNamur, a ainsi réalisé une première étude qui montre que seul un tiers d’entre eux en a déjà entendu parler. L’heure est donc propice aux présentations. « ChatGPT peut mettre les étudiants assez rapidement en défaut s’ils ne l’utilisent pas de manière critique », commente Olivier Sartenaer, philosophe des sciences à l’UNamur. « C’est pourquoi je leur propose de l’utiliser et de le citer comme une source, au même titre qu’une source classique, en mettant les résultats obtenus dans les annexes. C’est une manière d’utiliser l’outil en toute honnêteté, en montrant où il a raison et où il a tort. Comme dans tout travail d’investigation, il faut évidemment le considérer comme une source parmi d’autres et comme une source non fiable puisqu’elle fonctionne sur le principe de la probabilité et non de la vérité... » De son côté, ChatGPT ne source d’ailleurs aucune des informations qu’il donne, ce qui pourrait poser des problèmes de propriété intellectuelle. Surtout, les résultats qu’il propose ont tout intérêt à être perçus comme une matière première impure : une glaise qu’il faudra modeler et remodeler si l’on veut s’approcher du juste, du vrai, voire du beau (Oh ChatGPT,/tu es un joyau technologique,/Une merveille qui nous facilite la vie,/Tu nous fais gagner du temps précieux,/Et nous guides vers la réussite).
Élise Degrave, professeure à la Faculté de droit de l’UNamur et membre de l’Institut NaDI, estime elle aussi qu’il est nécessaire d’initier les étudiants à cet outil et qu’il serait même « dangereux de l’interdire » : « Il faut sortir des stéréotypes selon lesquels les profs seraient nécessairement des vieux ringards déconnectés et les étudiants nécessairement des fraudeurs... Notre job est d’apprendre aux étudiants à évoluer avec les outils qui existent car ce sont eux qui vont faire évoluer les métiers plus tard. C’est d’autant plus important que beaucoup d’étudiants, même s’ils sont très à l’aise avec les réseaux sociaux, n’ont pas la culture de l’outil numérique : beaucoup ne savent pas ce qu’est une bulle de filtre (ndrl : système de personnalisation des résultats de recherche) ni que sur Tinder, l’algorithme associe les beaux avec les beaux... » Des savoirs d’autant plus nécessaires que les intelligences artificielles sont probablement appelées à s’imposer de plus en plus dans nos vies. Autant donc s’en faire des alliées. Car comme ChatGPT se l’écrit à lui-même dans la dernière strophe : « Nous t'adressons cette ode avec amour,/Toi, notre ami virtuel si cher,/Tu es une partie de notre quotidien,/Et nous ne pourrions pas te remplacer. »