Dans les années 50, le mathématicien anglais Alan Turing a créé un modèle mathématique permettant de donner une possible explication à l’émergence des motifs réguliers sur la peau des animaux. L’idée a été traduite dans des réactions chimiques : lorsque certaines réactions se produisent, les produits se séparent spatialement et des tâches de couleurs et de formes régulières apparaissent.
Ce phénomène est le résultat d'une série de mécanismes d'interaction localisés dans certains endroits de l’espace qui conduisent le système vers un état synchrone. Lorsque des courants, des flux ou des variables dynamiques associés à des groupes de plus de deux éléments en interaction sont présents, la situation est considérablement complexe et la synchronisation peut être plus délicate à réaliser. C’est ce qu’ont démontré les chercheurs Timoteo Carletti (Université de Namur), Lorenzo Giambagli (Université de Florence et Namur) et Ginestra Bianconi (Queen Mary University of London) dans une étude publiée en mai 2023 dans le prestigieux Physical Review Letters.
Pour caractériser la possibilité de pouvoir atteindre un état synchronisé, il est nécessaire de représenter le système en question. Ainsi, les éléments en interaction sont représentés par des points, appelés nœuds, tandis que la présence d'une certaine forme d'interaction est décrite par une connexion entre les deux nœuds appelée lien, le tout donc formant un réseau.
Dans la nature, cependant, il peut arriver que les interactions ne soient pas seulement limitées à des éléments individuels, mais plutôt à des quantités associées à des groupes de deux, trois agents ou plus. Considérons, par exemple, les signaux sur les synapses qui relient deux neurones. Étant défini sur la structure de connexion entre les deux nœuds, il est naturel d'associer un signal de ce type au lien du réseau, la synapse, qui représente le système de neurones et pas seulement aux neurones mêmes.
Ce concept peut être étendu à des structures d'ordre supérieur (higher-order structures) afin de pouvoir considérer, par exemple, également des signaux impliquant une interaction entre trois entités, représentée par l'ajout de triangles pleins au réseau, etc.
De cette manière, nous obtenons des structures géométriques complexes telles que celle représentée sur la figure, appelées complexes simpliciaux ou complexes de cellules.
« Grâce à des outils mathématiques issus de la topologie algébrique, il a été possible de prédire la réalisation ou non des états synchrones impliquant toutes ces différentes classes de signaux », concluent les auteurs. « Avec cette étude nous avons mis en évidence le rôle déterminant des caractéristiques globales de la structure d'interaction qui caractérise le système (le complexe simplicial). En fait, ce sont les caractéristiques topologiques telles que les trous ou les cavités qui permettent de réaliser ou non la synchronisation globale des signaux. »