De quelle façon les protéines qui permettent d’assurer le bon fonctionnement d’un lysosome sont-elles spécifiquement transportées vers ce compartiment à partir de leur site de production dans la cellule ?
C’est par ce questionnement que Marielle Boonen, chercheuse en sciences biomédicales, a débuté sa recherche à l’UNamur.
«Pour qu’une cellule soit en bonne santé, il est nécessaire qu’elle produise des milliers de molécules en quantité adéquate à chaque moment de sa vie. Ces molécules doivent être correctement formées et elles doivent exercer leur fonction au bon endroit. La cellule contient pour ce faire plusieurs stations d’adressage des molécules ; un peu comme des aéroports, gares ou encore stations de covoiturages. Pour rejoindre le lysosome, par exemple, une protéine doit présenter un ticket d’embarquement (comme le signal mannose 6-phosphate) en bonne et due forme et entrer dans un véhicule de transport dont la destination est le lysosome. Ce véhicule doit également emprunter une route qui l’amènera à bon port. Ces systèmes de transports sont très importants pour assurer un fonctionnement optimal du lysosome et de la cellule dans son ensemble.»
Après sa thèse de doctorat, consacrée à l’étude d’une protéine lysosomale et aux signaux qui assurent son transport vers le lysosome en conditions normales, Marielle Boonen a souhaité poursuivre son travail sur les mécanismes moléculaires de transport qui permettent à une cellule de fonctionner normalement, tout en cherchant à identifier les causes et conséquences, parfois pathologiques, associées à leur dérégulation. Elle entame alors un post-doctorat dans l’équipe du Dr Stuart Kornfeld à l’Université de Washington de St.Louis, dans l’état du Missouri aux États-Unis. Au cours de ces années, elle a eu l’opportunité d’étudier les conséquences de l’inactivation d’une voie de transport vers les lysosomes dans divers organes.
« L’une de ces conséquences s’est avérée être une perturbation de la sécrétion d’enzymes lysosomales par des cellules osseuses appelées ostéoclastes. Il faut savoir que l’os se renouvelle continuellement. Des cellules appelées ostéoblastes produisent la matrice osseuse, tandis que les ostéoclastes résorbent cette matrice. Pour ce faire, les ostéoclastes doivent libérer le contenu de leurs lysosomes au contact de la matrice osseuse qui les entoure. » Aux côtés du Dr Kornfeld, elle découvrira plusieurs techniques permettant de cultiver et d’analyser le bon fonctionnement des ostéoclastes.
À son retour à l’UNamur, Marielle Boonen s’est focalisée sur la recherche d’autres voies de transport des enzymes lysosomales, dont celle de l’enzyme HYAL1.
« Dans le cadre des expériences réalisées dans le laboratoire du Dr Kornfeld, j’ai repéré un indice suggérant que l’enzyme HYAL1 pourrait être exprimée dans les ostéoclastes et dans les cellules à partir desquelles ces cellules sont dérivées : les macrophages. HYAL1 est une enzyme qui digère l’acide hyaluronique. Il s’agit d’un glycosaminoglycan (un type de sucre) qui exerce de multiples fonctions dans l’organisme : l’hydratation de la peau, la cicatrisation, le maintien de l’élasticité de certains tissus comme le cartilage, etc. », nous explique Marielle Boonen.
À l’UNamur, deux Professeurs de l’Unité de Recherche en Physiologie Moléculaire (URPHyM) avaient déjà commencé à étudier cette enzyme. Le professeur Bruno Flamion, expert dans le domaine de l’acide hyaluronique et des enzymes qui le fragmentent et le professeur Michel Jadot, spécialisé dans l’étude du lysosome, de sa biogenèse et de son fonctionnement. En travaillant conjointement avec Marielle Boonen, avec une doctorante en sciences biomédicales, Emeline Puissant, et avec l’aide de techniciens de laboratoire (dont Florentine Gilis et Virginie Tevel), le projet a pris de l’ampleur, d’abord dans le domaine du transport intracellulaire d’HYAL1 vers les lysosomes dans les macrophages et ostéoclastes, puis du rôle de cette enzyme dans les os.
Au cours de leurs recherches, plusieurs découvertes ont amené l’équipe de chercheurs à explorer si HYAL1 pouvait jouer un rôle clé dans le processus de remodelage osseux : « nous avons découvert qu’une déficience en HYAL1 cause une perte de densité osseuse dans un modèle murin. Ce phénotype résulte d’une perte d’activité de formation osseuse par les ostéoblastes, et d’une augmentation de la résorption osseuse par les ostéoclastes lorsque ces cellules n’expriment plus l’enzyme HYAL1. »
« Ces importantes découvertes placent l’enzyme HYAL1 comme un acteur central du remodelage osseux, étendent les connaissances des conséquences de sa déficience, et ouvrent la porte vers de nouvelles pistes de recherches concernant d’éventuelles dérégulations d’HYAL1 dans diverses pathologies osseuses. », conclut Marielle Boonen.