La Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (BUMP) a la chance de bénéficier de son propre atelier de restauration, qui permet à la fois une conservation optimale des ouvrages et leur mise à disposition des scientifiques et du public dans de bonnes conditions. « En restauration, on doit généralement constater les détériorations sans connaître leurs origines. Pourtant, comprendre le mouvement séculaire d’une reliure permettrait d’adapter nos interventions afin qu’elles soient les plus adéquates vis-à-vis de cette évolution », explique Catherine Charles, restauratrice responsable de l’atelier de la BUMP.
Le nouveau projet financé par le Fonds Jean-Jacques Comhaire, qui soutient la recherche dans le domaine de l’archéométrie, vise à apporter des réponses aux questions que se posent les restaurateurs sur les reliures souples en parchemin réalisées dans nos régions aux Temps Modernes. « La BUMP conserve un corpus représentatif de ces reliures, et en particulier de reliures couvrant des volumes qui ont en commun le fait d’avoir été imprimés à Anvers, chez Plantin-Moretus, aux 16e et 17e siècles », indique Catherine Charles. « Dans cet ensemble cohérent de plus de 200 livres, nombreux sont les cas où une dégradation similaire est constatée : une courbure du dos de plus en plus accusée, ce qui fend les mors et fait ressortir le corps d’ouvrage. Le projet de recherche est l’opportunité de comprendre la construction matérielle de ces livres et de faire le lien ou non avec leur dégradation progressive ».
Le Fonds Comhaire rend possible l’engagement, aux côtés de Catherine Charles, d’Ana Oñate Muños, assistante de recherche diplômée de La Cambre en 2021 dans le domaine de la restauration de livres anciens. Ensemble, elles entendent comprendre de manière scientifique les raisons des dégradations de ce patrimoine presque quatre siècles après leur production. Le projet se déroulera en différentes étapes. « Ana dresse actuellement l’inventaire des exemplaires concernés et le répertoire de leurs caractéristiques matérielles et de leurs dégradations », continue Catherine Charles. « Ensuite, l’espèce animale du parchemin sera identifiée par une méthode de bioarchéologie non invasive ».
La recherche pourra compter en cela sur l’expertise développée à l’UNamur dans le cadre du projet Pergamenum21, piloté par le professeur Olivier Deparis (Département de physique, institut NISM), qui portait sur l’analyse des parchemins médiévaux de l’abbaye d’Orval.
« L’origine du parchemin sera déterminée avec l’aide de Marc Dieu, gestionnaire de la plateforme de spectrométrie de masse MaSUN de l'UNamur. On constate en effet que les parchemins des reliures rétrécissent avec le temps. Cela est-il accentué par l’origine animale, veau, chèvre, mouton ? ».
Les volumes prendront ensuite la direction du CHU CHU UCL Namur, où ils seront radiographiés – technique une fois encore non invasive – avec l’aide de Jean-François Nisolle, professeur à la Faculté de médecine de l’UNamur ( Institut PaTHs) et chef de clinique au CHU.
« On confrontera ensuite les données issues de l’étude visuelle de la structure de la reliure aux analyses bioarchéologiques et en imagerie afin de confirmer ou non nos hypothèses», conclut Catherine Charles.
Les résultats du projet pourront alors donner lieu à la mise en place de pratiques de restauration mieux adaptées à ce patrimoine. Les connaissances acquises dans le cadre du projet seront également exploitées pour améliorer les reliures dites « de conservation », en cernant de plus près les facteurs qui influencent à long terme une meilleure préservation des ouvrages anciens.