Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius de septembre 2024.

Avez-vous le sentiment d’être un héraut, un porteur de message ? 

Cela n’a en tout cas pas toujours été le cas au cours de ma carrière, mais aujourd’hui, oui je peux dire que je suis un porteur de messages. Ce n’est pas quelque chose que j’ai voulu à la base, mais mon métier fait que je suis devenu une personne publique dont les discours et les messages font eux aussi partie de la sphère publique. Et au fil du temps, je me suis rendu compte que cette opportunité découlant de ce statut avait un sens et un impact. Mais je pèse mes mots, je limite mes actions. Je choisis mes combats.  

Lesquels par exemple ? 

Ceux qui s’intègrent dans ma vision sociétale. Elle comporte beaucoup de chapitres. Mais je dirais que ceux qui touchent de manière globale aux causes environnementales me mobilisent. Par exemple, avec des combats qui touchent à l’énergie et la lutte contre le nucléaire, mais aussi à l’agriculture. Je suis aussi sensible aux problématiques des soins de santé et de la sécurité sociale.  

Votre métier d’acteur ou de réalisateur vous a-t-il déjà permis d’ouvrir les yeux sur des problématiques pour lesquelles vous ne vous sentiez pas ou peu concerné jusque-là ? 

Oui, c’est une des richesses de ce métier. Par exemple dans le film « Réparer les vivants », je joue ce médecin qui doit convaincre des parents dont le fils meurt à la suite d’un accident de voiture de donner les organes de leur enfant. Si j’étais déjà sensible au don d’organes, ce film m’a permis d’en comprendre toute la sensibilité, toute la nécessité aussi. J’ai aussi ouvert les yeux sur l’univers des soins de santé, en jouant dans la série « Hippocrate » où j’incarne un médecin-chef des urgences. On a tourné dans un vrai hôpital de la région parisienne. On y a côtoyé le personnel, les patients. On y vu le manque de moyens. Il y a donc des éléments narratifs qui sont devenus réels. C’est interpellant. Cela ouvre les yeux, et cela donne cette envie de se battre pour des causes au-delà de la caméra.   

L’une de vos techniques pour faire passer des messages, c’est d’utiliser l’humour. Une arme efficace ? 

L’humour est nécessaire : c’est l’huile qui fait fonctionner la machine. Je m’en sers beaucoup dans mon métier, dans mon engagement. L’humour et la tendresse permettent en quelque sorte d’ouvrir quelque chose dans le diaphragme qui fait qu’on devient plus réceptif à ce que l’on entend, ce que l’on écoute. Quand on pleure ou quand on rit, notre cœur s’ouvre, notamment à de nouvelles idées.  

Vous considérez-vous comme un citoyen engagé ? 

Pas assez, et je voudrais l’être davantage. On devrait tous s’engager beaucoup plus dans les causes qui nous touchent, qui nous motivent. Ce que je fais ne suffit pas. Je fais uniquement ce que l’on attend d’une personne publique. Il y a des causes moins populaires que d’autres dans lesquelles je souhaite d’ailleurs m’engager davantage à l’avenir. Je pense par exemple à la lutte contre le nucléaire ou la lutte contre le libéralisme. Ce sont des combats où l’on se fait des ennemis, mais qui à mes yeux sont nécessaires pour l’avenir de notre société.  

Que signifie pour vous le fait de recevoir les insignes de Docteur Honoris Causa de l’UNamur ? 

 Mon parcours scolaire a été assez chaotique et cela a fait souffrir mes parents. Alors, recevoir les insignes de Docteur Honoris Causa de votre université est sur le plan personnel extrêmement gratifiant. Je considère souvent que les prix ou les récompenses ne servent à rien. Mais ce genre de reconnaissance a de la valeur. Cela donne de la légitimité à mes discours, à mes combats, aux messages que je me dois de faire passer parce que je suis devenue une personne publique.  

CV Express

Bouli Lanners débute sa carrière dans les années 1990 avec Les Snuls et réalise son premier court métrage Non, Wallonie, ta culture n'est pas morte en 1995. Son premier long métrage, Ultranova (2005), est acclamé au Festival de Berlin. Ses films, dont Eldorado et Les Géants, explorent des thèmes universels et donnent une voix aux marginalisés. Son dernier film, « Nobody has to know », a remporté des prix aux Magritte du cinéma en 2023. En tant qu’acteur, il a reçu le César du meilleur acteur dans un second rôle pour La Nuit du 12 en 2023. Il joue aussi dans la série médicale Hippocrate (Canal+). Enseignant à l’INSAS à Bruxelles, il souhaite aujourd’hui se consacrer à son théâtre de marionnettes, à la peinture et à son métier d’acteur, tout en continuant son engagement citoyen.  

Parrains : Jean-Michel Dogné Doyen de la Faculté de médecine et Jean-Benoît Gabriel, professeur de cinéma en Faculté de philosophie et lettres.   

Jean-Benoît Gabriel, parrain de Bouli Lanners – « Montrer l’importance du cinéma et de son enseignement »

« Comme on organise à l'UNamur un master en "Cultures et pensées cinématographiques", l'équipe enseignante du master est très touchée que l'on honore un cinéaste qui est aussi artiste, scénariste et comédien. Cela montre l'importance du cinéma et de son enseignement pour l'université. 

Bouli Lanners et Jean-Benoit Gabriel

Bouli Lanners est lui-même sensible à l'enseignement du cinéma : ses films sont souvent sélectionnés pour "le prix lycéen du cinéma" et il est d'ailleurs est déjà venu à l'Université de Namur pour rencontrer les enseignants du secondaire en formation continue sur le cinéma. 

Ce titre est, pour moi, une manière de le remercier pour cet investissement-là aussi. En rapport avec le thème "être la voix des autres", je dirais aussi que les personnages qu'il joue dans ses films ou ceux des autres (depuis "Les convoyeurs attendent" de Benoît Mariage jusqu'à la série "Hyppocrate" de Thomas Lilti) nous touchent parce qu'ils sont souvent fragiles, parfois marginaux, quelques fois engagés et toujours empreints d'humanité. » 

Discours officiel de la Rectrice, Annick Castiaux, prononcé lors de la Cérémonie officielle de rentrée académique. 

Epitoges des DHC 2024

Agenda

Envie d’en savoir davantage sur le parcours artistique et l’engagement sociétal de Bouli Lanners ? Il sera à l’UNamur, le 14 octobre 2024 à 19h, à l’occasion des Grandes Conférences Namuroises.  

Cet article est tiré de la rubrique "Enjeux" du magazine Omalius #34 (Septembre 2024).

Une Omalius septembre 2024