Connaître l'énergie de la lumière absorbée par une molécule permet de comprendre sa structure, ses états quantiques, son interaction avec d'autres molécules et ses éventuelles applications technologiques. Les molécules ayant une forte probabilité d'absorber simultanément deux photons de lumière de faible énergie ont un large éventail d'applications : comme sondes moléculaires en microscopie à haute résolution, comme substrat pour le stockage de données dans des structures tridimensionnelles denses ou encore comme vecteurs dans des traitements médicinaux.

L'étude du phénomène par des moyens expérimentaux directs présente toutefois des difficultés. C'est pourquoi des simulations informatiques sont réalisées pour compléter la caractérisation spectroscopique. En outre, les simulations offrent une vision microscopique difficilement accessible dans les expériences. Le problème, c’est que les simulations impliquant des molécules relativement grandes nécessitent plusieurs jours de traitement sur des supercalculateurs ou des mois de traitement sur des ordinateurs conventionnels.

Pour surmonter cette difficulté, une méthode de calcul alternative a été proposée par le physicien Tárcius Nascimento Ramos et ses collaborateurs et a été publiée dans The Journal of Chemical Physics.

"Nous avons évalué les performances d'une méthode largement utilisée au cours des dernières décennies mais négligée aujourd'hui en raison de son caractère approximatif", explique le chercheur.

Grâce à cette méthode, nous avons pu réduire le temps de calcul à quatre heures sur un ordinateur conventionnel. De ce fait, le faible coût de calcul a permis de prendre en compte un large échantillon statistique pour les simulations.

Tárcius Nascimenta Ramos Chercheur FNRS à l'institut NISM

La méthode actuellement dominante est la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT). Il s'agit d'un outil théorique largement utilisé en mécanique quantique, qui permet de décrire les propriétés électroniques de systèmes complexes en utilisant la densité électronique du système, sans devoir recourir aux fonctions d'onde individuelles de chaque électron.

"La méthode alternative que nous avons utilisée est INDO-S [Intermediate Neglect Differential Overlap with Spectroscopic Parameterisation]. Elle est basée sur la fonction d'onde du système moléculaire, mais la résout approximativement. Certaines parties des calculs complexes et coûteux sont remplacées par des valeurs tabulées obtenues en ajustant les données spectroscopiques expérimentales. Cette méthode est donc très efficace pour l'étude théorique de composés moléculaires de grande taille", explique Tárcius Ramos.

Pour évaluer l’applicabilité de la méthode, il faut savoir que la molécule étudiée, dérivée du stilbène, comporte plus de 200 atomes de carbone, d'oxygène et d'hydrogène. Outre le nombre de composants, qui rendrait les simulations conventionnelles extrêmement laborieuses et coûteuses, ces grandes molécules présentent une complication supplémentaire. Elles sont flexibles et leurs changements de conformation (comme la torsion) modifient leurs propriétés électroniques.

Titulaire d'un doctorat de l'Institut de physique de l'Université de São Paulo (IF-USP) en 2020, M. Ramos est actuellement chercheur postdoctoral F.R.S.-FNRS à l'Université de Namur.

Des applications en microscopie, en médecine et en stockage de données

"Dans le cas de la microscopie, l'imagerie a une résolution beaucoup plus grande, ce qui permet de caractériser les tissus profonds en endommageant moins les structures environnantes. Dans le cas du stockage de données, la haute résolution permet de créer des structures tridimensionnelles avec beaucoup de précision et de détails, ce qui permet d'encoder des points à l'intérieur de matériaux avec une haute densité de données par volume", explique le chercheur.

Outre la bourse de doctorat accordée au chercheur, l'étude a été soutenue par la FAPESP (équivalent du FNRS au Brésil) dans le cadre de deux autres projets.  Elle a également fait l’objet d’un communiqué de presse dont cet article est un extrait.

Institut de la matière structurée de Namur (NISM)

Les intérêts de recherche du NISM couvrent divers sujets dans le domaine de la chimie organique et physique, de la chimie des matériaux, de la science des surfaces, de la chimie du solide et de la physique, tant d'un point de vue théorique qu'expérimental.  Le NISM permet l'échange d'idées et de compétences dans le domaine de la synthèse et de la fonctionnalisation de systèmes moléculaires et de nouveaux matériaux (de 0 à 3D), la conception rationnelle de solides ayant une architecture et des propriétés de surface spécifiques ainsi que le développement de techniques avancées pour l'étude de leurs propriétés physico-chimiques.