Cet article est tiré de la rubrique "Far Away" du magazine Omalius de septembre 2024.

Projets éthiques et partenariats institutionnels

Professeur au Département de sciences, philosophies et sociétés, Laurent Ravez multiplie les collaborations avec Madagascar. En 2005, il a participé à un projet de recherche américain, financé par le National Institutes of Health. L’objectif ? Former des professionnels de la santé à l’éthique. « Les États-Unis avaient besoin d’établir des comités d’éthiques partout à travers le monde », explique Laurent Ravez. « Ce projet a débuté en République Démocratique du Congo avant de s’étendre à Madagascar. Lorsque je suis arrivé à Madagascar en 2009, ce fut un véritable choc culturel pour moi. Je connaissais déjà l’Afrique, mais c’est une Afrique différente, à l’intersection de diverses cultures, dont des influences asiatiques », se confie-t-il. « Sur place, nous avons travaillé avec un Institut de santé publique, puis un centre de recherche dans le domaine des maladies infectieuses. Pendant presque 15 ans, nous avons initié des groupes de chercheurs et des médecins à cette discipline. Cela a conduit à la création de nouveaux comités d’éthique et au renforcement de ceux déjà existants ».

Ce premier contact avec Madagascar a ouvert la voie à de nouveaux projets. « L’ARES-CDD m’a proposé de rejoindre un projet de recherche via appui institutionnel à l'Université d'Antananarivo », poursuit le professeur. L’appui institutionnel vise à fournir à une université les ressources nécessaires pour qu’elle puisse atteindre ses propres objectifs. « Ici, l’objectif est de renforcer les capacités et de dynamiser la recherche de l’université. Nous avons donc travaillé avec des doctoriales, qui permettent à des doctorants de présenter en quelques minutes leurs projets, de les partager avec leurs collègues, et stimuler ainsi la recherche. Notre présence permet d’apporter notre expérience et nos conseils, mais c’est un vrai partage de compétences avec les locaux », insiste Laurent Ravez. 

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Profondément attaché à Madagascar, Laurent Ravez s’y rend plusieurs fois par an. « C’est lors de l’un de mes voyages que l’on m’a proposé d’aller rencontrer le Père Pedro », raconte-t-il. « C’est un homme très inspirant, qui a permis à des milliers de personnes de la misère de sortir de la misère, notamment en construisant des écoles et une université gratuite. Il est convaincu que l’éducation et le travail permettent aux gens de se libérer eux-mêmes de la pauvreté ».

Encore en phase de réflexion, une nouvelle collaboration pourrait bientôt voir le jour. « J’ai enseigné la bioéthique dans le nord-ouest du pays où j’ai eu l’occasion de travailler avec une Faculté de dentisterie. La dentition à Madagascar est particulièrement préoccupante, et cela a des répercussions sur la santé des individus ou encore leur capacité de trouver du travail », expose le professeur. « Sur l’île, les dentistes sont assez mal considérés par la population, perçus comme étant méprisants. L’idée serait alors de sensibiliser ces professionnels de la santé à l’éthique, tout en développant un projet de prévention dentaire avec eux », se réjouit le chercheur.

Toxicité des microplastiques

Après un master de spécialisation en gestion des ressources aquatiques et aquaculture, Andry Rabezanahary a décroché une bourse ARES pour entamer un doctorat en 2021, sous la direction du professeur Patrick Kestemont. « À Madagascar, les systèmes de gestion des déchets sont encore en développement, ce qui peut conduire à une certaine contamination des cours d'eau », expose le doctorant. 

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« Notre objectif est donc d’évaluer la toxicité des microplastiques présents dans les rivières malgaches, en mesurant leur impact sur les poissons-zèbres. Nous cherchons ainsi à démontrer si des anomalies surviennent lorsque ces poissons sont exposés à des microplastiques, et nous tentons de déterminer si ces anomalies persistent ou se résorbent au cours des années suivantes ».

Pour mener cette recherche, Andry Rabezanahary partage son temps entre Madagascar, où il prélève des échantillons d'eau et de sédiments, et Namur, où il effectue les analyses. « La récolte de microplastique se fait à l’aide d'un filet à plancton, laissé dans la rivière pendant 4 à 5 heures. Nous caractérisons ensuite les microplastiques pour observer leur dégradation dans l'environnement. Les particules sont ensuite micronisées pour obtenir des tailles allant de 1 à 50 micromètres, puis sont exposées aux poissons ». Ces expérimentations visent à déterminer si les microplastiques sont capables de traverser les barrières intestinales des poissons, se répandre dans leur organisme et potentiellement provoquer des maladies.

Renforcer la gestion de l’eau 

Il y a sept ans, un projet visant à appuyer la mise en œuvre de l’approche GIRE (Gestion Intégrée des Ressources en Eau) à Madagascar en vue d’un développement durable et de la résilience climatique a été lancé en collaboration entre l’UNamur, l’UClouvain, l’UAntananarivo, l’UAntsiranana et l’UToamasina. Ce projet, financé par l’ARES sous le nom de GIRE SAVA, se concentre sur la région SAVA, située au nord-est de Madagascar. Son ambition est d'examiner plusieurs aspects essentiels de la gestion de l'eau, notamment les altérations hydrologiques, la qualité de l’eau, les altérations hydrogéologiques et la mise en place d’un système d’informations dans le cadre de la gestion de l’eau. 

« En tant que chercheuse du projet GIRE SAVA, je travaille principalement sur la qualité de l'eau du bassin pilote du projet : le bassin versant de l'Ankavia. J'explore comment l’anthropisation du bassin, c’est-à-dire la transformation de l’environnement par l'action des êtres humains, affecte la qualité physico-chimique de l’eau de la rivière Ankavia, mais aussi les communautés d'invertébrés et de diatomées dans l'eau. Nous essayons également d’évaluer à quelle vitesse la rivière arrive à décomposer la matière organique déversée dans l’eau en menant des expérimentations in-situ », explique Hélène Voahanginirina, doctorante.

Le travail de laboratoire a été mené à Madagascar en étroite collaboration avec une équipe à Namur, sous la direction du professeur Frederik de Laender, promoteur du projet de recherche. Camille Carpentier, experte en identification des macroinvertébrés, a joué un rôle clé dans ces analyses. La finalité de ces recherches était d'analyser la composition des macroinvertébrés sur dix sites différents, à divers moments de l'année, afin de développer un modèle prévisionnel de la diversité des communautés. Un modèle qui reposerait sur plusieurs facteurs prédictifs, tels que l'usage des terres, le type de paysage, ainsi que diverses variables physico-chimiques, comme l'acidité et la température de l'eau.

Cet article est tiré de la rubrique "Far Away" du magazine Omalius #34 (Septembre 2024).

Une Omalius septembre 2024