Pensez-vous que le fait que vous soyez une femme influence votre carrière de scientifique ?
Avant tout, qu’ils soient hommes ou femmes, les scientifiques sont des animaux un peu particuliers : ils mangent, dorment et pensent sciences en permanence. Mais encore faut-il en avoir la possibilité. Lorsque l’on est une femme, dans la société actuelle, cela peut être plus compliqué, notamment à cause des nombreux clichés qui persistent.
Je me souviens d’un lundi de Pentecôte où j’étais en train de vider ma machine à laver lorsque j’ai reçu un message d’un collègue « Je suis en train de lire une super review ! » Et là, je me suis dit « Super, moi, je nettoie des slips ». On ne vit pas tous la même réalité. Il y a ceux qui ont une famille, une maison, avec toute la charge mentale qui va avec. Et puis, il y a ceux qui n’ont pas (encore) d’enfants et qui ont moins de choses auxquelles penser en dehors de leur métier. Parfois, je me dis que je dois continuellement rattraper le train de personnes qui sont beaucoup plus compétitives, mais qui ont aussi beaucoup plus de temps à consacrer à la recherche.
Qu’est-ce qui selon vous pourrait faciliter et encourager la carrière des femmes scientifiques ?
J’enseigne à tous les étudiants de première année en sciences et je constate qu’il y a beaucoup de filles dans les filières des sciences de la vie comme en biologie ou en médecine vétérinaire, mais beaucoup moins en mathématiques ou en physique. C’est assez déséquilibré. Alors, comment encourager davantage de femmes à se lancer dans ces disciplines ? Je pense que ça commence très tôt.
L’intérêt pour les sciences se construit dès l’enfance, à travers l’éducation et l’image du monde que leur transmet leur famille. Ce n’est pas à 18 ans qu’il faut se poser la question. Il faut leur montrer l’horizon des possibles et qu’ils comprennent que les sciences ne sont ni « pour les filles » ni « pour les garçons ».